Agression raciste d'un étudiant camerounais: Ma Tunisie va mal, très mal !

 Agression raciste d'un étudiant camerounais: Ma Tunisie va mal, très mal !
    
 
Il aura fallu la révolution pour que la Tunisie révèle malheureusement au monde entier un de ses aspects les plus nauséabonds, soigneusement dissimulé sous l'ancien régime. Il s'agit du racisme contre les Noirs subsahariens. 
 
Ils sont Ivoiriens, Camerounais, Maliens, Tchadiens, Congolais, Sénégalais, Burkinabè, Mauritaniens, Togolais, Centrafricains...et seraient plus de 7 mille âmes dans notre pays. En tant qu'étudiants inscrits dans nos universités (privées pour la plupart), ces derniers sont pourtant censés être, comme la plupart des étudiants de par le monde, nos hôtes de marque. Choyés et accueillis à bras ouvert. Et pourtant !
  
Obstacles administratifs, persécutions, brutalités et descentes de police à domicile, violences physiques, viols, interpellations musclées et disproportionnées, discriminations, racisme ambiant...la liste des maux dont sont victimes les étudiants subsahariens en Tunisie est longue et insupportable.
 
Le phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur ces derniers temps concerne le racisme visant les étudiants subsahariens. La dernière en date concerne l'agression raciste, dans la soirée de dimanche, d'un étudiant camérounais à l'Aouina. Lionel a été violemment lynché par quatre individus qui l'ont complètement défiguré. A voir le piteux état dans lequel on l'a laissé, on aurait eu l'impression qu'un camion lui aurait roulé dessus. Une semaine auparavant, c'est un étudiant congolais qui subit la même sort.
 
Impuissante et désarmée face à un fléau qui prend de l'ampleur, l’Association des étudiants et stagiaires camerounais en Tunisie (AESCT) n'a pas d'autre solution que d'appeler, via Facebook, ses ressortissants, ainsi que tous les étudiants subsahariens en général à la prudence. Le communiqué de l'association est laconique et triste: « Il est demandé aux ressortissants camerounais vivant sur le territoire tunisien et particulièrement ceux résidant au quartier Aouina à Tunis de faire attention, car un Camerounais a été pris à partie et a subi une bastonnade de la part d’un groupe de 4 individus tunisiens. Ceci fait suite à l’agression d’un ressortissant congolais une semaine auparavant. Il est important de prendre les précautions nécessaires: ne pas marcher seul dans des endroits peu fréquentés et surtout la nuit, éviter au maximum les attroupements».
 
Par le passé, l'AESAT a beau interpeller les autorités sur la question, rien n'y fit. Malgré les cris d'alarme, les indignations et les nombreux courriers adressés aux autorités, rien n'a bougé. Autant dire que c'est l'indifférence qui prévaut ! 
 
Apeurés et terrés chez eux, les étudiants ne comprennent pas la mutation qu'est en train de subir cette Tunisie naguère connue pour son hospitalité, sa tolérance et son ouverture.
 
Il suffit de recenser les attributs peu sympathiques dont sont affublés ces étudiants subsahariens pour prendre conscience du malaise. Quand ce n'est pas "guiraguira" (singe), c'est kahlouche, abid, guird, oussif, lasmar… qu'on jette à leur figure dans les rues de Tunis. Des sobriquets jetés dans l’indifférence générale. Et ce, sans le moindre complexe, ni la moindre fausse pudeur !
 
Aujourd'hui, mis à part les tracasseries administratives,les problèmes de papier, le sentiment de toujours avoir la police à leurs trousses, la difficulté à trouver un logement,... les étudiants sont de plus en plus victimes de racisme, d'gressions physiques et sexuelles, d'arnaque...Et le plus écoeurant, c'est que ces pauvres étudiants ne peuvent même pas porter plainte. C'est à peine si leur récit est pris au sérieux par la police qui ne bougera jamais son petit doigt.
 
Nombre d'étudiants ne comprennent pas cet acharnement contre les étudiants subsahariens et le comble c'est qu'ils sont plusieurs désormais à regretter d'avoir choisi la Tunisie comme pays d'accueil et comme pays de compétence en matière d'études.Aujourd'hui, de plus en plus d'étudiants ont décidé d'aller étudier ailleurs. Et ceux qui sont en fin de cursus n'ont qu'une seule envie: finir vite et dégager de ce bled.
 
N'étant pas considérés comme un délit en Tunisie, les injures racistes sont devenues monnaie courante. Il est temps d'arrêter cette politique de l’autruche en reconnaissant cette «gangrène», alternative pour un début de thérapie. Mais, il faut le reconnaître, le chemin est encore long. 
 
Il y a quelque temps, le monde entier a visionné la vidéo honteuse de l'agression raciste d'un diplomate sénégalais à l'aéroport de Tunis-Carthage. Au lieu de diligenter une enquête sérieuse, sanctionner les coupables et présenter des excuses publiques au diplomate agressé, nos autorités ont tenté d'étouffer l'affaire, tentant de minimiser et même de déformer les faits. Et ce, sans prendre conscience que c'est l'honneur de tout le peuple tunisien qui est en train d'être sali ! 
O.B.D.