Assassinat de Mohamed Zouari et le silence embarrassant des autorités tunisiennes

Assassinat de Mohamed Zouari et le silence embarrassant des autorités tunisiennes

 

Borhen Bsaies a été le premier à avoir annoncé  l’implication des services secrets israéliens dans l’assassinat de l’ingénieur tunisien Mohamed Zouari, jeudi 16 décembre à Sfax. Aussitôt après, cette information a été reprise par une chaîne de télévision israélienne, canal 10, et a enflammé les réseaux sociaux. Entre rumeurs  et conjectures, une partie du mystère s’est dissipée avec la confirmation, samedi 17 décembre, à Gaza, par la branche militaire du Hamas, les brigades Al Qassam qui, dans un communiqué, ont admis  que Zouari fut l’un des commandants ayant supervisé le projet de drones et promet  que son sang « ne sera pas versé pour rien ». Elles appellent les nations arabes à « couper la main traître et lâche de l’ennemi sioniste », responsable de ce crime. Hamas a, d’ailleurs,  annoncé une journée de deuil. Le Mossad serait donc le commanditaire de l’assassinat, selon le mouvement palestinien.

Il est vrai que « le modus operandi – une vingtaine de balles tirées, le recours à des pistolets munis de silencieux – et le profil de la victime, un ancien islamiste tunisien ayant rejoint la cause palestinienne, ne cadraient guère avec une affaire de droit commun », écrivait le journal  le Monde.

Entre temps, les autorités tunisiennes se cantonnent dans un silence inexplicable et n’ont pas encore  réagi aux accusations lancées par le Hamas sur l’implication du Mossad sur le sol tunisien, laissant   le porte-parole des tribunaux de Sfax et substitut du procureur général près de la cour d’appel, Mourad Turki distiller des informations sur l’avancement de l’enquête. Il a annoncé l’arrestation de huit personnes de nationalité tunisienne alors que deux autres suspects, un Tunisien et un Belge d’origine marocaine, sont toujours recherchés. A son tour, le ministère de l'Intérieur a annoncé, samedi 17 décembre, l'arrestation d'une journaliste tunisienne à l'aéroport de Carthage, à Tunis. Elle est suspectée d'être impliquée dans ce meurtre. Elle avait interviewé la victime avec un autre journaliste et un caméraman, tous deux de nationalité tunisienne.

Fabrication de drones sophistiqués

Mohamed Zouari, un membre du mouvement Ennahdha qui  avait rejoint le mouvement Hamas il y a une dizaine d’années, est rentré au pays après le 14 janvier 2011 à la faveur de l’amnistie générale. Il travaillait pour un programme de fabrication de drones sophistiqués qui pourraient servir  d’armes avec  des explosifs embarqués et d’outils de reconnaissance. Selon le Monde, les experts israéliens   « suivent depuis près de quinze ans les tentatives du Hezbollah libanais et du Hamas, dans la bande de Gaza, pour reproduire le modèle de drone de type Ababil fourni à l’origine par les Iraniens ». En octobre 2012, l’armée israélienne a descendu un drone volant au-dessus du désert du Négev, dans le sud d’Israël, près de Gaza. Quelques mois plus tard, en avril 2013, c’est cette fois un drone volant près de Haïfa, en Méditerranée, qui fut neutralisé.

Israël a toujours nié son implication dans ce genre d’assassinats ciblés qui, pourtant, font partie de ses activités, tout comme le fait d’empêcher ses « ennemis d’acquérir de nouvelles capacités militaires représente évidemment une priorité des services de sécurité ».

Cet assassinat a mis le gouvernement tunisien dans l’embarras d’où son inexplicable silence.

Le journal français n’exclut pas que la démission du directeur général de la sûreté nationale Abderrahmane Belhaj Ali, officiellement pour « raisons personnelles », ait un lien avec l’assassinat de Mohamed Zouari.

Le mouvement Ennahdha « a exprimé sa vive condamnation après cet acte qui a ôté la vie à un citoyen tunisien et menace la sécurité des Tunisiens et la stabilité de la Tunisie ». Son président Rached Ghannouchi a accusé « des forces internationales machiavéliques » qui sont derrière ce crime, sans les désigner nommément.

Si l’assassinat de Mohamed Zouari par le Mossad Israélien venait à être confirmé, il serait le 3ème  crime  commis par les services secrets hébreux sur le territoire tunisien.

Le 1er  octobre 1985, appelé « jambes de bois ». Cette opération visait la décapitation de  la direction de l’Organisation palestinienne qui avait trouvé refuge en Tunisie en 1982 après avoir été évacuée du Liban. Elle visait en premier lieu son chef Yasser Arafat  qui avait échappé aux bombardements de son quartier général sis dans la banlieue sud de Tunis. Cette attaque avait fait 68 morts (50 Palestiniens et 18 Tunisiens).

Le second crime remonte au mois d’avril 1988, Khalil Al Wazir, plus connu sous le nom d’Abou Jihad, alors numéro deux de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) , était assassiné par un commando israélien, dans sa résidence de Sidi Bousaïd, au nord de Tunis, où il avait trouvé refuge.

Si pour le premier crime, la Tunisie avait obtenu une condamnation d’Israël par le conseil de sécurité des Nations Unies, l’assassinat d’Abou Jihad est resté jusqu’à ce jour impuni.

B.Oueslati

 

 

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