Avons-nous conscience de la gravité de la crise ?

Avons-nous conscience de la gravité de la crise ?

 

Dans les moments de crise « le plus difficile pour un honnête homme n'est pas de faire son devoir, mais de le connaître ».
Lorsqu’on s’interroge sur le rôle des partis politique dans cette période difficile que traverse le pays, il ne faut pas se laisser influencer par un quelconque préjugé ni se faire leurrer en adoptant une position partisane. Ils n’ont pas conscience de la gravité de la situation et demeurent pratiquement insensibles à l’appel de la patrie. Certains sont englués dans leurs divisons internes, d’autres attisent le feu et sèment la zizanie mais la plupart sont aux abonnés absents.

La prolifération de partis politiques et d’associations, après le 14 janvier 2011, avait suscité beaucoup d’espoir chez les Tunisiens épris de liberté et qui avaient cru en leur capacité à promouvoir un nouvel état d’esprit et de  nouvelles valeurs. Il s’agit, en fait, d’un phénomène tout à fait naturel dans une démocratie naissante voire un signe évident que la transition est sur la bonne voie. Elle va de pair avec les démocraties modernes  dont elle est le corollaire et l’émanation.  Dans les pays qui sont passés par le même processus que la Tunisie, la floraison des formations politiques avait frisé la démesure atteignant des centaines pour une population ne dépassant pas quelques dizaines de millions comme ce fut le cas de l’Espagne d’après Franco ou le Portugal de la révolution des œillets.

En l’espace de trois années et à la faveur de deux élections législatives, plusieurs partis politiques ont tout simplement disparu et n’ont plus pignon sur rue. Ils n’existent que dans les registres des autorités qui avancent le nombre de 206 partis.

Ils ne sont plus, maintenant, qu’une poignée de formations politiques qui s’activent encore avec, pour la plupart du temps, des desseins différents, en dépit d’un consensus de façade.  Même ceux qui ont gagné les élections et qui ont fait partie des gouvernements Essid et siègent dans le gouvernement Chahed, se retrouvent face à leurs incertitudes et ont les yeux rivés sur les prochaines échéances. Les intérêts partisans et particuliers priment sur les intérêts de la nation.

Nidaa se disloque, Ennahdha en profite

Le parti en qui des milliers de Tunisiens ont placé leur espoir, s’est complètement disloqué et ses dirigeants se disputent les dépouilles. Nidaa Tounes a vite implosé au grand dam de ses adhérents et électeurs. Toutes les tentatives de recoller les morceaux ont été vouées à l’échec. Pour prendre la mesure des problèmes internes de ce parti, il faut voir ce qui se passe au sein de son groupe parlementaire qui se réduit ou s’allonge au fil des temps. Ou encore son instance dirigeante que se disputent les alliés d’hier devenus ennemis jurés. Le problème de Nidaa Tounes ce sont ses dirigeants. Le casting opéré lors de la préparation de listes électorales s’est avéré, tout simplement, catastrophique, du moins pour un bon nombre d’élus et de dirigeants.

Pendant ce temps, l’autre grand parti, Ennahdha, savoure sa revanche. Mieux structuré, il n’a pas, à son tour, été épargné par les dissensions internes et son dernier congrès a été marqué par la montée de la contestation de l’hégémonie du « Cheikh » et de sa mainmise sur les structures du mouvement. Même si le risque d’esclandre est, pour le moment évité, les Nahdhaouis ne lavent pas leur linge sale en public, l’ombre de la division plane sur ce mouvement qui a toujours tenté de régler ses problèmes au sein de s es structures.  Son chef Rached Ghannouchi profite du vide laissé par le parti rival. Il sillonne le pays de long en large, voyage beaucoup et rencontrer de hauts responsables des pays européens et autres pour mobiliser en faveur du pays mais également pour vendre cette nouvelle image de « l’Islam politique ».

Les autres partis notamment ceux qui se cramponnent dans l’opposition systématique comme le Front populaire de Hamma Hammami ou encore le mouvement de Moncef Marzouki tirent les  marrons du feu et soufflent sur les braises.

Passe pour les organisations nationales signataires du « Pacte de Carthage » et qui font monter les enchères, notamment du côté de l’UGTT qui fait peser toutes les menaces sur le gouvernement d’union nationale s’il n’accède pas à ses revendications.

A son tour le Conseil de l’ordre des avocats est allé plus loin en qualifiant le projet de loi des finances de non « patriotique » et en brandissant la menace de « désobéissance fiscale ».

Ces médias qui ont « mauvaise presse »

Il est évident que dans pareille situation, les médias doivent se trouver en première ligne comme le principal relais d’information pour porter les voix des populations, en l’aidant à comprendre l’actualité. Mais pour la plupart du temps, ils n’ont fait qu’ajouter à la confusion. Aux balbutiements et aux ratages constatés lors de la première période ayant suivi le 14 janvier 2011, ont succédé des dérapages et des scandales qui ont émaillé l’image déjà écornée d’une « presse qui a mauvaise presse ». L’accusation de l’arrimage de certains medias à  l’argent sale, ne fait que les décrédibiliser davantage aux yeux de l’opinion publique. Le déballage médiatique des représentants de partis et de la société civile et cette présence régulières des « éditocartes » et autres experts autoproclamés  dans les plateaux de télévision   auxquels on assiste régulièrement ne semblent plus intéresser les Tunisiens qui ont l’esprit ailleurs. D’aucuns affirment que l’effervescence médiatique, difficilement contrôlable,  est le corollaire de toute révolution. Compte tenue de cette effervescence, quelques médias  n’ont pas hésité à verser dans le sensationnel  et le voyeurisme en puisant leurs informations auprès de sources peu fiables, comme les réseaux sociaux qui colportent des rumeurs infondées  de nature même à perturber l’ordre public, ou encore dans les bas fonds de la société.

Certains médias vont, des fois trop loin, en touchant à la vie privée des gens et en étayant des analyses et des allégations peu fondées. Ces dérapages sont d’autant plus déplorables et dangereux qu’ils contribuent à créer un sentiment de peur et à semer la zizanie et la rancœur.

La responsabilité est commune

Il est évident que le fonctionnement de la démocratie est tributaire de l’existence du multipartisme. Il est même  jugé à l’aune de la multiplicité des partis et à leur capacité de s’organiser en forces de propositions capables de transcender les clivages et de subsumer les conflits particuliers en investissant le champ public, dans le strict respect des règles du jeu démocratique. Cette situation, faut-il le souligner, est plus que préoccupante été elle doit, par conséquent, nous interpeller à un moment où le pays s’enlise dans une crise profonde et où les tiraillements se font jour au sein de la classe politique.

Les accusations lancées à l’emporte pièce contre les institutions de l’Etat, la Présidence de la République, l’Assemblée des représentants du peuple et le Gouvernement,  ne sont pas de nature à faciliter la mise en place des réformes appropriées. Les discours démagogiques qui flattent les passions et exacerbent les frustrations et surfent sur les douleurs et les souffrances des gens n’ont plus leur raison d’être dans la situation actuelle. Car, rien n’est plus facile que de critiquer l’action d’un gouvernement ou de jeter l’opprobre et le discrédit sur un adversaire politique en le diabolisant. Mais le plus difficile c’est de prôner de nouvelles idées, de proposer des analyses et des solutions aux problèmes des gens, de   présenter des programmes concrets et de  semer la bonne parole auprès d’un peuple qui a soif de liberté et de dignité.

En cette période difficile, nul n’est exempt de reproche et nul ne doit prétendre détenir la vérité et les clés de réussite. La responsabilité est commune et elle doit être partagée par tous les partenaires politiques, économiques et sociaux, loin de toute forme d’exclusion. Et si le gouvernement, de par ses missions d’assurer la stabilité du pays dans les meilleures conditions, est toujours en première ligne, les autres partenaires ne doivent pas être en reste. On doit agir dans le calme et la sérénité, mesurer l’ampleur de la tache et agir en conséquence, sans jeter la responsabilité sur les autres. Dans le strict respect des règles du jeu démocratique et des principes du « Pacte de Carthage ».

B.O

 

 

Votre commentaire