« Camps de migrants » en Tunisie : Merkel a prêché le faux pour avoir le vrai

« Camps de migrants » en Tunisie : Merkel a prêché le faux pour avoir le vrai

 

La chancelière allemande Angela Merkel a-t-elle oui ou non envisagé de discuter avec le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed de « la création de camps en Tunisie pour y accueillir les migrants sauvés au cours de leur traversée de la Méditerranée et empêcher ainsi leur arrivée en Europe » comme l’AFP lui en a prêté l’intention.

En effet l’agence France Presse a rapporté que la chancelière allemande a déclaré qu’elle va parler, avec son homologue tunisien « calmement et respectueusement, des possibilités qui existent dans ce domaine». Son message est clair : « la Tunisie doit cesser de bloquer les expulsions de ses ressortissants et aider à juguler la migration vers l'Europe », ajoute-t-on de même source.

La question mérite d’être posée car tout de suite après son entretien à Berlin avec son homologue tunisien, on a entendu un tout autre discours. Puisque la chancelière allemande a totalement réfuté les informations prêtant à l’Europe l’intention d’implanter en Tunisie de « centres d’accueil » d’émigrés clandestins venant de pays subsahariens et transitant par la Libye. «La Tunisie n’est pas un pays source d’émigration clandestine vers l’Europe. D’ailleurs sur les 200.000 émigrés arrivés en Italie en 2016, le nombre des Tunisiens n’a pas dépassé 1%, a même déclaré la responsable allemande.

Mais, « nous avons évoqué le cas de la Libye, lors du récent sommet européen tenu à Malte et mentionné la question de centres d’accueil à même de recevoir des migrants venus du sud, dans des conditions qui respectent la dignité humaine et les protègent contre la violence et ce sous l’égide de l’UNHCR. Il s’agit de centres placés sous l’autorité du droit international et du gouvernement libyen», a-t-elle ajouté.

«Pour moi, a affirmé Merkel, l’objectif est de lutter contre l’émigration clandestine et la traite des êtres humains. Il est inacceptable que 4500 migrants clandestins périssent dans la Méditerranée comme nous l’avons déploré en 2016. Nous devons agir sur les causes profondes qui poussent ces migrants à braver de grands dangers, mais aussi empêcher ceux qui profitent de leur détresse et le leur font payer au prix fort.»

La chancelière a cité la coopération initiée en la matière avec la Turquie qui a bénéficié de plus de 3 milliards d’euros pour accueillir ses ressortissants émigrés clandestinement et leur fournir formation professionnelle et incitation à la création d’entreprises. « Avec la Tunisie, nous devons convenir des moyens appropriés pour traiter l’émigration clandestine, dissuader les candidats au départ non-organisé pour les fixer et les aider à monter leurs projets chez eux.»

Alors s’agit-il d’une volte-face ou plus simplement d’une manière toute diplomatique de prêcher le faux pour avoir le vrai. En effet, comme le chef du gouvernement tunisien avait anticipé le souhait allemand en opposant dans une interview au quotidien Bild une fin de non-recevoir à Angela Merkel, qui a proposé d’implanter des camps en Tunisie pour accueillir les migrants sauvés au cours de leur traversée de la Méditerranée depuis la Libye, et empêcher leur arrivée en Europe, la responsable allemande ne pouvait aller plus loin et a changé totalement la tonalité de son discours.

Il a souligné que « la Tunisie est une jeune démocratie, je ne pense pas que cela puisse marcher, et nous n'avons pas de capacités pour des camps de réfugiés. La solution doit être trouvée avec la Libye où les passeurs profitent du chaos et de l'absence d'un Etat fonctionnel ». Youssef Chahed a affirmé qu’en la matière, « les autorités tunisienne n’ont fait aucune erreur ». Pour lui, les expulsions d’Allemagne évoquées par la chancelière concernent « un nombre très restreint de personnes », qu’il chiffre à 1000.

« Nous attendons des autorités allemandes des preuves limpides [permettant d’affirmer que] que ces personnes sont vraiment tunisiennes. Les migrants clandestins utilisent de faux papiers et ralentissent la procédure », a-t-il par ailleurs assuré.

Le chef du gouvernement tunisien a su ne pas céder aux pressions exercées sur lui. Il a eu la parade qu’il faut sur un sujet d’une grande sensibilité. Cela mérite d’être souligné

RBR

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