Du traitement médiatique d’un drame !

Du traitement médiatique d’un drame !
 
Par Brahim Oueslati
 
La France vient de vivre une épreuve qui a tourné à la tragédie. Un carnage perpétré de sang-froid dans les locaux du journal Charlie Hebdo qui a décimé pratiquement toute l’équipe, se soldant par une douzaine de morts dont sept journalistes et dessinateurs. Sans compter la mort d’une policière, de quatre otages, de leur preneur d'otages et des deux terroristes.
 
Soit en tout dix-neuf morts et plusieurs blessés. Le bilan le plus lourd depuis plus de quarante années. Toute la France s’est mobilisée contre le terrorisme, pouvoir et opposition, médias, société civile, citoyens et citoyennes…Aucune voix discordante, aucune justification de l’injustifiable et une solidarité sans faille. 
 
Trois maîtres mots sont revenus sur la bouche du président français François Hollande, « vigilance, unité et mobilisation ».Mieux encore, «aucun amalgame, ces illuminés, ces terroristes, ces assassins n’ont rien à voir avec la religion musulmane », déclare-t-il. 
 
Même Marine Le Pen, la présidente du parti d’extrême droite, connue pour ses velléités xénophobes, a évité les déclarations qui choquent, reconnaissant «qu’une grande partie  des musulmans souffre beaucoup de l’amalgame ». Les médias, toutes tendances confondues, ont mobilisé tous les moyens pour couvrir cet événement douloureux. 
 
Spécialistes, experts, commentateurs, hommes politiques et bien entendu correspondants et envoyés spéciaux sur les lieux du drame, ont assuré une couverture  minute par minute, sans fard ni barbouillage, avec beaucoup de clairvoyance, clarté, sérénité et tact. 
 
Le but étant d’informer, d’expliquer et non essayer de  justifier l’injustifiable. Face à l’horreur, on se fixe des limites pour ne pas verser dans le sensationnel et le dramatique et éviter de choquer. Ce qui deviendrait contre productif.
 
Quand il s’agit de menace contre la nation, les divergences disparaissent et les différences tombent. Pourtant, ces mêmes médias dont l’emprise sur l’opinion publique s’est développée au cours des dernières années, sont coupables de ce qu’on appelle « crimes médiatiques », quand ils « ont inventé la fable du bombardement de Benghazi par Kadhafi pour envahir la Libye », ou encore quand ils ont attribué « de manière opportune la paternité des massacres en Syrie (Houla) au clan au pouvoir pour faire tomber un régime qui ne répond plus à leurs objectifs dans la région ». Et la liste de « ces crimes » est encore longue que l’auteur de « la démocratie ambiguë », Guillaume de Rouville a dressée en 2012.
 
Un traitement médiatique qui divise
 
En même temps, la Tunisie traverse de mauvais moments et subit plusieurs épreuves dont certaines ont tourné au drame, le dernier en date est celui de la décapitation de l’agent de la garde nationale Mohamed Ali Chaarbi. L’épreuve que nous vivons actuellement concernant la disparition de nos deux confrères journalistes Soufien Chourabi et Nadhir Ketari en Libye est venue comme pour nous tirer de notre torpeur et a sonné comme une onde de choc. 
 
Ils s’ajoutent à d’autres Tunisiens disparus dans ce pays en pleine guerre civile et qui est devenu un refuge pour les organisations terroristes et les parrains du crime organisé. 
 
Le traitement médiatique a divisé beaucoup plus qu’il n’a rassemblé au point où certains intervenants, profitant du temps d’antenne, ont tenté de justifier l’injustifiable. Pis encore, certains médias et notamment les télévisions ont versé dans le sensationnel et l’émotion en réalisant des reportages avec les familles des victimes, alors qu’il fallait préserver l’intimité des gens. Faire passer des images d’une éplorée, d’une épouse meurtrie ou d’enfants désemparés c’est donner en spectacle la souffrance humaine et placer les téléspectateurs face à l’horreur. 
 
Fallait-il rajouter «du sensationnalisme et du dramatique à un acte qui n'en manque pourtant pas » ?  L’exemple le plus frappant demeure, sans conteste, celui des images transmises sur la chaîne publique des soldats décapités à Chaambi.
 
Le choix des mêmes commentateurs qui envahissent les plateaux en s’autoproclamant donneurs de leçons, connaisseurs en tout, ne fait qu’ajouter à l’incompréhension et à l’amalgame. Sinon comment expliquer ces appels, quoique rares, à la fermeture des frontières avec la Libye et au renvoi des Libyens qui ont fui l’enfer de la guerre pour se réfugier en Tunisie. 
 
Le malheur c’est que ce genre d’appels, inconséquents et irréfléchis, pourraient entraîner des réactions imprévisibles. Et comment appelle-t-on cela, si ce n’est de la xénophobie et le rejet de l’autre ? Pourtant ce genre d’appel a soulevé un tollé général dans l’Hexagone suite à l’abominable acte terroriste contre Charlie Hebdo.
 
Pour un journaliste, l’information ne pourrait être intéressante que si elle était vérifiée auprès de plusieurs sources concordantes. Ceux qui puisent dans des sites Internet non fiables, voire dans les réseaux sociaux pour faire « le buzz » ou encore en se référant à de simples rumeurs pour nous inonder d’informations contradictoires et nous fournir de fausses nouvelles, ne font que décrédibiliser davantage les médias et jeter le discrédit sur une presse qui a, déjà, mauvaise presse.
B.O.