Ennahdha : le Cheikh est contesté… les réformistes ne sont pas loin

Ennahdha : le Cheikh est contesté… les réformistes  ne sont pas loin

 

Tous les regards se tournent actuellement vers Nidaa Tounés. Le parti fondé par Béji Caïd Essebsi vit sa énième crise. Comme chaque fois, on dit que celle-ci lui sera fatale. Mais comme chaque fois le parti perd un peu de ses troupes et beaucoup de son crédit, mais continue à résister malgré tout.

L’autre grand parti sur la scène politique n’est pas épargné, non plus, par la vague de contestation qui traverse toutes les formations politiques dans le pays. Ennahdha n’est plus le parti unitaire et monolithique qu’on connait. Un courant réformiste se fait jour en son sein, même si ses initiateurs refusent de se reconnaitre comme un courant, mais comme une lame de fond qui finira par emporter le reste.

L’on sait que le mouvement Ennahdha était depuis longtemps divisé entre le camp des exilés conduits par Rached Ghannouchi et le camp de l’intérieur dont la figure de proue est Abdelhamid Jlassi, ancien vice président et coordinateur général du mouvement. Mais le parti a toujours montré une unité de façade sans jamais laisser transparaitre les humeurs ou les coups de sang des uns et des autres. Même la démission du numéro 2 du mouvement et un de ses hommes-clés Hamadi Jebali premier chef de gouvernement issu de ses rangs n’est pas parvenu à fissurer les rangs nahdhaouis. La mise en garde de Rached Ghannouchi, qu’en dehors du mouvement l’on n’est plus rien, a mis entre parenthèses la contestation des uns et des autres.

C’est le 10ème congrès organisé en grande pompe en mai dernier qui a fait ressurgir les différends sinon les conflits au sein d’Ennahdha. L’on se rappelle que deux ténors du mouvement Samir Dilou et Ameur Laarayedh ont refusé d’assister aux assises car ils étaient opposés à la méthodologie qui a présidé à son organisation. En fait ils n’acceptaient pas la mainmise du chef du mouvement sur ses structures. L’objet de leur courroux c’est la manière dont sera choisi le bureau exécutif, l’instance qui dirigera en fait le mouvement islamiste pendant les cinq prochaines années.

Rached Ghannouchi tenait à ce que le président du parti, c'est-à-dire lui-même propose la liste des membres de ce bureau, à charge pour Majlis Choura de l’avaliser. D’autres dirigeants du mouvement réclamaient l’élection pure et simple du bureau exécutif.

Alors que le congrès était célébré par les médias comme étant celui de la séparation entre le politique et la prédication, un véritable mélodrame se déroulait pendant les assises loin des caméras entre les deux camps. Ce n’est qu’au cours de la séance finale quand Rached Ghannouchi en pleurs a appelé à la tribune pour lever les mains d’Abdelatif Mekki et Abdelhamid Jelassi dans un geste voulu d’union que l’on s’est rendu compte que le drame a été évité de peu. Ghannouchi est sorti vainqueur de ce bras de fer. Mais pas pour longtemps.

Il n’a pas fallu que de quelques mois pour que les tiraillements reprennent de plus belle. Pressenti par Ghannouchi pour faire partie du bureau exécutif, Samir Dilou refuse, ce qui donne la mesure de sa rancœur. Il faut dire que le chef du mouvement a formé un bureau à sa guise où ne figurent pas des dirigeants historiques ou d’anciens ministres et a nommé contre toute attente un nouveau secrétaire général en la personne de Zied Ladhari étoile montante du parti. On a remarqué surtout que ce qu’on appelle « les faucons » ont été exclus de cette instance. On n’y trouve ni Abdelhamid Jelassi, ni les anciens ministres Abdelatif Mekki et Mohamed Ben Salem ni l’ex-chef du bloc à l’ANC, Sahbi Attig.

Ces derniers forment avec Samir Dilou les contestataires de la direction conduite par Rached Ghannouchi. Ils se font appeler les réformistes. Abdelatif Mekki a écrit le 16 septembre sur page officielle facebook : « Que Abdelatif Mekki se trouve un de ces jours en dehors d’Ennahdha cela ne se pose pas. Nous sommes en train de fonder un projet de réforme de l’intérieur du mouvement et non de retrait de son sein. Il n’y a pas d’ailes à l’intérieur du parti mais il y a une mouvance qui presse pour le dialogue et la réforme. C’est un principe constant auquel nous croyons et dont nous paierons peut –être le prix pour l’avoir défendu ». Voilà qui est clair.

D’ailleurs la formation du gouvernement d’union nationale conduit par Youssef Chahed va leur donner l’occasion de donner de la voix et de marquer leur nuance sinon leur différence. En plus Abdelhamid Jelassi qui n’est pas du genre à baisser le ton promet « une évaluation critique » de la conduite du mouvement. Un texte qui risque de ne pas être tendre, loin s’en faut, envers le président du mouvement.

La succession de Rached Ghannouchi est-elle déjà lancée. La question mérite d’être posée même si elle parait prématurée. Mais dans la course, les réformistes, en fait les gardiens du temple, ne veulent pas être laissés pour compte.

R.B.R.

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