Essid reçoit des journalistes : Un exercice risqué

Essid reçoit des journalistes : Un exercice risqué

Le procédé n’est pas nouveau. Mais c’est la première fois qu’un chef de gouvernement l’utilise en Tunisie. En France cela fait bien longtemps que les hommes politiques profitant des interviews ou des talk-shows diffusés  le dimanche pour lancer leurs fléchettes ou des phrases bien ciselées ou tout simplement des pavés dans la mare du monde politique. On appelle l’exercice celui des « petites phrases »  que tous les médias reprennent n’ayant pas grand-chose à placer dans leurs journaux écrits, radiodiffusés ou télévisés soumis à la trêve de la fin de semaine.

Pour le deuxième samedi, et ce ne sera pas le dernier, Habib Essid accueille un groupe de journalistes pour deviser à bâtons rompus, sans ordre du jour fixe. Ce n’est pas une conférence de presse puisque le cadre de conversation à bâtons rompus ne s’y prête pas. Ce n’est pas non plus une rencontre « off the record » car il y a beaucoup trop de journalistes pour que le secret soit gardé de même la présidence du gouvernement elle-même en fait état sur sa page facebook en diffusant à l’appui des photos où le chef du gouvernement, souriant et détendu semble satisfait de ces rencontres. En faire été en citant le chef du gouvernement n’est pas non plus interdit comme ce devrait être le cas pour le « off ».

L’intérêt de ce genre de rencontres dans une atmosphère bon enfant n’est pas à démontrer. Le chef du gouvernement gagne les faveurs des journalistes invités à peu de frais.  De même il peut distiller à loisir ses informations, ses annonces voire même ses états d’âme, en étant sûr qu’elles seront reprises, largement analysées et qu’elles alimenteront les commentaires pendant plusieurs jours. Il est gagnant sur toute la ligne.

Est-ce pour autant de la bonne communication. Axé sur l’éphémère et non sur le permanent ainsi que sur le superficiel plutôt que sur le profond, ce genre de rencontre ne peut se substituer ni à une communication directe que l’on aime retrouver dans les circonstances exceptionnelles ni la communication indirecte dont on attend qu’elle va au fond des choses et donne réellement la  quintessence de la pensée  du chef de l’exécutif. Le danger c’est que ce genre de rencontre banalise la parole du chef du gouvernement et lui ôte sa solennité.

Car l’homme politique pour être écouté doit entretenir un certain mystère sur le fond de sa pensée et être avare de ses mots.

Pour réussir ce genre d’exercice, il faut aussi trouver les bons mots, les phrases ciselées et les annonces qui suscitent de l’intérêt. A défaut on va se retrouver avec des platitudes qui finissent par agacer quand elles n’ennuient pas une opinion publique exigeante. Alors il faut prendre garde de ne pas en abuser car l’effet risque d’être désastreux.

Raouf Ben Rejeb

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