Evénements de Kasserine : Inertie politique et fiasco médiatique

Evénements de Kasserine : Inertie politique et fiasco médiatique

 

Au temps de la globalisation, des médias alternatifs et de l’instantanéité, l’émotion et la réactivité face aux événements devient l’instrument de  mesure de l’efficacité des dirigeants. On peut ne pas partager une telle assertion, mais c’est la réalité à l’aune de laquelle on juge les hommes politiques.

Après ce qui vient de se passer à Kasserine, suite tant de  l’opération terroriste qui a fait trois martyrs  à Jebel Semmama que du  tragique  accident à Khmouda où on déplore seize morts et plus de 80 blessés dont certains très grièvement, on doit reconnaitre que nos dirigeants n’ont pas été  à la hauteur. Les médias publics ont été tout aussi inertes et comme anesthésiés  face à cette actualité brulante.

Malaise populaire

Le retard mis par le chef du gouvernement à réagir, sa visite nocturne à Kasserine, la mauvaise impression laissée par la ministre de la Santé qui semblait  de corvée à l’hôpital de la ville totalement dépassé, tout cela a suscité un malaise dans la population tunisienne qui était elle traumatisée par cet accident dramatique.

Alors qu’il y a un temps on décrétait un deuil national pour toute perte de vies humaines suite à  des actes terroristes, jusqu’à ce que  cet acte grave de sens devienne routinier et banalisé, on a décidé depuis un moment déjà qu’il n’est pas approprié de porter le deuil pour les martyrs de la nation. Mais hier avec un bilan aussi lourd le moins que puisse faire la république c’est de se mettre en deuil devant ses pertes humaines innocentes dont le seul tort est d’avoir été au mauvais moment et au mauvais endroit.

Les photos des ministres hilares au moment où  les nouvelles de l’accident ont commencé à affluer donnent l’impression que les Tunisies et leurs dirigeants sont dans deux mondes différents.

Sous d’autres cieux le conseil des ministres aurait été différé et le chef du gouvernement aurait fait illico le déplacement sur les lieux de l’accident avec les ministres concernés pour mettre en place les moyens nécessaires pour sauver ce qui peut être sauvé et montrer que les plus hautes autorités de l’Etat sont en symbiose avec leurs citoyens éprouvés.

Kasserine est un avant-poste pour la lutte antiterroriste. Cependant son hôpital régional demeure l’un des plus indigents du pays. Tous les chefs de gouvernement qui se sont succédé connaissent cette situation mais rien n’a été fait. Un hôpital de campagne militaire,  celui-ci ne pourrait-il  pas être mis en place rapidement en cas de catastrophe. Notre armée ne peut-elle pas sauver la face dans des situations aussi dramatiques. La question mérite d’être posée connaissant l’efficacité et l’esprit républicain de nos officiers supérieurs.

Il est impératif de déclarer la région de Kasserine « zone sinistrée » comme le réclame l’UGTT et tous les moyens doivent lui être octroyés à la mesure des besoins immenses qu’elle réclame. Dans le cadre de notre coopération avec l’Union Européenne nous pouvons demander une aide urgente en ce sens à un de nos partenaires de premier  comme l’Allemagne et elle ne manquera pas de venir à notre secours. D’autres pays comme le Japon ou la Chine peuvent être sollicités et répondront, on en est persuadé à l’appel.

Ces  rédactions qui échappent à toute autorité !

Quant aux médias publics leur absence de réactivité est symptomatique du désintérêt des pouvoirs publics aux médias. En l’absence de toute autorité sur le secteur de l’information au nom d’une crainte injustifiée de mise sous tutelle, les médias publics qui sont financés par l’argent du contribuable échappent à tout contrôle et à toute volonté d’impulsion quand bien même elle est dans l’intérêt du public. La présidence du gouvernement est trop occupée par d’autres questions pour qu’elle ait le temps de se préoccuper de ce secteur devenu orphelin. Ce qui est encore plus préoccupant c’est que les rédactions des médias publics échappent à l’autorité de leur patron au nom de  la liberté du laisser-faire, laisser-aller.

Les habitants de Kasserine et les sinistrés de Khmouda ont raison de se sentir délaissés et oubliés. C’est intolérable que la république soit rétive envers ses enfants quand ils ont le plus besoin de sa sollicitude et de son soutien.

Le baptême de feu de Youssef Chahed est la démonstration que le pouvoir n’est pas une sinécure. C’est dans la gestion des crises qu’on éprouve la capacité des hommes à être à la hauteur de leurs responsabilités. Espérons que les leçons apprises serviront pour le futur.

Raouf Ben Rejeb

 

Votre commentaire