La crise du tourisme après «Sousse Attack»: Problèmes de réputation et pistes à exploiter

 La crise du tourisme après «Sousse Attack»: Problèmes de réputation et pistes à exploiter
 
 
La Tunisie, terre de paix et d’hospitalité, a subi le 26 juin dernier un des événements les plus graves de son histoire contemporaine, l’événement le plus sanglant qui a coûté la vie à 38 touristes et causé 39 blessées. 
 
Le tourisme était la cible directe de cet attentat terroriste. Ce secteur, déjà fragilisé par l’attentat du Bardo, entre dans une crise majeure jamais connue depuis les années 70.
 
Dans cette analyse, qui sera divisée en deux parties, on essayera en premier lieu de voir l’impact de «Sousse Attack» sur la réputation du secteur touristique tunisien et le degré d’influence d’un tel choc sur la destination tunisienne, en passant en revue l’analyse du contenu mis en ligne après cet évènement tragique. 
 
Dans la deuxième partie, on montrera les pistes qu’il faut prendre en compte pour gérer la réputation du Tourisme tunisien après la crise, les choix et solutions pour stopper l’hémorragie et commencer à redresser ce qui a été détruit.
 
Etes-vous prêt à aller en vacances en Tunisie ?
 
C’est peut-être le titre d’une éventuelle enquête que le ministère de Tourisme devra mener afin d’évaluer l’impact de l’attaque terroriste de Sousse sur notre tourisme. 
 
Mais, on peut déjà trouver plusieurs éléments de réponse à cette question, avec l’analyse du contenu mis en  ligne après le 26 juin.
 
Pour être plus précis, nous allons limiter l’analyse du contenu sur le Royaume-Uni, qui a enregistré le bilan le plus lourd (25 victimes).
 
Recherche d’information : 
  
 
Ce premier visuel montre clairement que l’attentat a provoqué une augmentation considérable de la recherche, depuis le Royaume-Uni, sur des mots clés comme : Sousse, Tunisia.
 
On voit bien que la tendance du terme de recherche « Sousse »  en couleur bleue a dépassé celui de « Hammamet » en couleur jaune.
 
Résultats de recherche: 
 
Voyons ce que trouvera un touriste britannique sur Google UK, quand il effectue une recherche ; prenons l’exemple de l’expression clé « Sousse Attack »:
 
 
A travers la recherche, on découvre qu’il y a déjà 155 000 résultats de recherche sur « sousse attack » dont : Articles de presse, communiqués officiels, images, vidéos et autres témoignages... Il y a même une page Wikipédia, ce qui augmente considérablement la visibilité du tragique événement.
 
C’est connu et toutes les études l’ont montré : Le web est devenu l’outil décisionnel numéro 1 pour le touriste. Le choix de destination est influencé par ce que le touriste trouve sur le net et c’est le résultat de recherche sur Google qui l’aidera à valider sa destination finale. 
 
Pour les mots-clés « Tunisia », « Sousse » on trouve des liens sponsorisés et des offres des hôtels bien positionnés à destination de Sousse. On reviendra sur l’analyse sémantique de ce contenu qui a été laissé à l’abandon, comme si rien ne s’était passé.
 
Au niveau contenu :
 
Voyons quelques exemples de titres de la presse britannique marquant l’après 26 juin :
 
Mirror : Tunisia hotel attack: British tourists describe their horror at terrorist rampage which left 28 dead
The Guardian : Dozens killed after terror attacks in Tunisia, 
Independant : ISIS gunman LAUGHED during Tunisia beach shooting
The Guardian : Tunisian tourist recounts horror of beach attack – video
The Telegraph : Terror on the beach: The full story of the Tunisia beach terror attack
 
Vous pouvez facilement voir que tous les titres des articles associent le terme de recherche « Tunisia » à « terrorism », « attack », « horror ». 
 
Dans le corps des articles, on trouve « Sousse » et « Kantaoui », qui se répètent plusieurs fois dans les différents paragraphes.
 
Sans oublier les images et les vidéos prises par les témoins et les touristes au moment de l’attentat, qui ont été partagées des milliers de fois et reprises aussi par tous les médias, réinjectées sur Internet et dans les réseaux sociaux.
 
L’AP (Associated Press), qui diffuse dans le monde entier et notamment dans les plus grands portails dont yahoo.com, titre : « Terror on the beach: Tourists recount Tunisia attack horrors ».
 
On peut s’apercevoir du nombre de connotations négatives liées à l’expression clé (tounisia + tourists+ beach). En plus « terror on the beach » est un titre de film d’horreur, c'est-à-dire une expression clé utilisée dans la recherche sur Google, donc bien visible.
 
Devant cela et les centaines de contenus injectés en ligne, on ne trouve aucune réaction officielle qui essaie d’encadrer ces termes négatifs diffusés sur la toile et liés à la Tunisie et à son tourisme. Une preuve encore qu’on est passé à coté de ce qu’il aurait fallu faire, surtout quand on reçoit un choc pareil. C’est l’absence d’une vision stratégique quant à la communication gouvernementale.
 
Twitter, le premier à réagir à l’information
 
Nous sommes devant une information à caractère urgent et Twitter est l’outil le plus rapide dans ce  genre de situation. 
Twitter ou retwitter une information de ce type c’est être dans le « just in time », le plus souvent sans exprimer une opinion ou un sentiment.
 
Regardons le graphique de Topsy :
 
 
Topsy montre que le jour de l’attentat, le 26 juin, il y a près de 125 000 twitts parlant de #Tunisia et 25000 twitts évoquant #Sousse
 
On reviendra dans la seconde partie sur la sémantique des twitters, surtout l’absence des twitts des instances tunisiennes, officielles et professionnelles, et surtout en langue anglaise.
 
 
Petite conclusion :
 
L’événement a suscité beaucoup de demandes d’information (avec des mots clés précis), une augmentation considérable des requêtes de recherche d’informations. Et puis une visibilité croissante engendrée par un contenu en tout genre mis en ligne en quelques heures et multiplié en quelques jours.
 
Rôle du contenu diffusé dans les médias :
 
Les médias locaux et internationaux de tout genre (presse écrite, presse électronique, radios, télévisions) ont mis le cap sur « Sousse », atterri sur la scène du crime pour couvrir l’attentat, prendre les premières images, interviewer, traquer des témoignages à chaud, rapporter les faits…
 
Mais aussi raconter toutes les histoires autour de « Sousse Attack » comme l’histoire du tueur « Tunisian gunman Seifeddine Rezgui massacre », les origines des victimes, les héros de l’hôtel Impérial Marhaba, l’arrivée des secours, les différents protagonistes… Tout  a été passé au crible, ajoutant la petite couche sensationnelle à l’information, l’histoire.
 
Tout ce contenu a été rapidement diffusé sur Internet, vu, revu, commenté et partagé. Rapidement aussi le phénomène de reformulation de contenu se déclenche avec des « experts » et des « théoriciens » virtuels qui n’ont aucune gêne à faire le remontage de vidéos, à croiser des données non vérifiées afin de servir une hypothèse considérée comme vraie d’avance.
 
Mais quelles sémantiques apportent tout ce contenu évalué à des milliers de pages et quelle est sa répercussion sur le tourisme ?
 
Nous sommes devant une crise profonde qui n’épargne rien ni personne et qui pose de multiples questions: Pourquoi dans les moments de crise, on se tourne vers la Réputation ?
 
En cas d’événement tragique et de crise, on évalue souvent la situation à travers la réputation. On peut y croire encore, on garde souvent l’optimisme quand la crise ou l’événement survenu n’affecte pas notre confiance. Prenons l’exemple d’un crash d’avion, Quand une compagnie aérienne est frappée par un crash et que les spéculations surgissent sur les raisons de la catastrophe, la compagnie en question réagit souvent en publiant son check-out, un historique de ses accidents pour montrer qu’elle n’en a pas connu beaucoup, l’expérience de ses pilotes, son classement si elle détient un bon positionnement. Tout ça pour que ses clients ne perdent pas confiance en elle et que sa réputation, en tant que compagnie aérienne sécurisée, ne soit pas mise en cause.
 
Comment notre réputation a été aperçue et dans quelle mesure va-t-elle affecter le secteur touristique ?
Incompréhension et panique totale : Dès les premières minutes et les  déclarations officielles, on a senti cette panique. L’état de choc était général, et pas uniquement dans l’opinion publique mais également dans les différentes déclarations qui avançaient deux idées ; 
-On croyait sincèrement que les zones tourniques sont totalement sécurisées (une idée logiquement fausse mais on y croyait tous)
-On évoque déjà une catastrophe énorme dans le tourisme et un coup dont on ne pourra pas se remettre.
 
Comment ça s’est passé ? 
Comment un individu portant une kalachnikov peut-il arriver jusque-là ?
Où est la sécurité ? 
Qu’est-ce qui explique qu’il n’y ait pas eu une intervention rapide ? 
Pourquoi on n’a pas pu déjouer cet attentat ? 
Qui sont les responsables ?
Peut-on désormais être en sécurité en Tunisie ?
 
Plusieurs questions soulevées par l’opinion publique et dans la presse locale et internationale qui n’ont pas trouvé des réponses à tous ces points d’interrogation. Le traitement de l’information au niveau des autorités tunisiennes était quasi-inexistant.
 
On n’a pas encore pu se remettre de « Bardo Attack » qu’on reçoit un second coup plus dur encore. Pendant que les autorités cherchaient comment se prononcer sur le drame,  la presse s’est emparée de la situation et les réseaux sociaux se sont enflammés. C’est l’absence de réponses rapides qui enfonce le clou et alimente la polémique. 
 
L’idée selon laquelle les autorités peuvent sécuriser les zones touristiques prend un coup de grâce. 
Même les experts du tourisme, agences et hôteliers mettent en doute les capacités du dispositif sécuritaire mis en place.
 
L’Etat est en crise, les autorités ont du mal à  préserver leur réputation sur le dossier de la lutte anti-terroriste, même si on évoque les succès réalisés à travers la capture et l’élimination de terroristes très dangereux. Car là, nous étions devant un choc informationnel et émotionnel, privés d’explications rassurantes.
 
Il a fallu une déclaration du chef du gouvernement, Habib Essid, en personne à la BBC (une semaine après) pour reconnaître officiellement la défaillance du dispositif sécuritaire. 
 
La décision de l’état d’urgence et le discours du président Caid Essebsi vient couronner ce que le gouvernement a entrepris.
 
Les autorités veulent rebondir en précisant que oui il y a eu une baisse de vigilance mais en décrétant l’état d’urgence, les plages seront bien sécurisées, des mesures sont prises pour protéger les zones sensibles par les troupes de l’armée et la police des plages. La grande chasse aux extrémistes n’épargnera plus personne…
 
Le Bad Buzz qui nuit à la réputation :
 
Les vidéos et images qui ont été partagées rapidement et qui continuent à défrayer la chronique ont appuyé les hypothèses de défaillance sécuritaire, pointant du doigt les forces de sécurité qui sont intervenues tardivement pendant l’attentat, ce qui a contraint ensuite les autorités officielles à reconnaitre les défaillances.
 
La photo du tueur de Sousse, Seifeddine Rezgui, marchant tranquillement le long de la plage, la kalashnikov à la main, avec en arrière plan les employés des hôtels, sans qu’il y ait la moindre intervention des forces sécuritaires, a fait froid au dos.
 
Comment peut-on rassurer les tourismes après la diffusion de ces images frappantes ?
Pire encore, les premières images sur le déploiement de la police des plages ont provoqué l’indignation :
 
 
Aucune explication officielle du ministère de l’Intérieur pour rassurer ou montrer que la situation est sous contrôle. 
Puis un coup de grâce est parti, mettant en doute tout le dispositif tunisien en place : La décision du ministère britannique des Affaires Etrangères, certainement fondée sur un rapport de Scotland Yard, de déconseiller à leurs ressortissants tout voyage non essentiel en Tunisie. 
 
C’est tout un schéma de crise qui détruit la réputation de la Tunisie comme une destination sécurisée (Amn et Aman dit-on avant). 
 
La facette cachée de la crise est bien devant nous et malheureusement trop négligée. On ne prend pas au sérieux les éléments de réputation. Maintenant, il ne suffit plus, depuis la révolution, de vendre les meilleurs hôtels, les bonnes offres et les plages les mieux classées, on doit en plus de ça savoir gérer une réputation en déclin à cause du terrorisme.
 
Après « Sousse Attack », une analyse sémantique plus approfondie de tout ce qui est mis en ligne est nécessaire afin d’éliminer tout le bruit autour, rebâtir une nouvelle confiance basée sur de nouveaux critères. Cela aidera à trouver d’autres pistes et d’autres messages pour  faire revenir les touristes.
 
Dans une deuxième partie de l’article, on mettra l’accent sur certaines de ces pistes à exploiter. Analyser les réactions des différents protagonistes quant au contenu en ligne sur « Sousse Attack ». Comment ont-ils réagi ? Leurs déclarations et postes ? Ce qu’ils auraient pu faire pour sauver la notoriété du tourisme ?
Arbi Soussi