La désignation de Youssef Chahed est anticonstitutionnelle ?

La désignation  de  Youssef Chahed est anticonstitutionnelle ?

 

Le doyen Sadok Belaïd un de nos meilleurs spécialistes en droit constitutionnel s’étonne dans des déclarations de presse que personne n’ait relevé que la désignation de Youssef Chahed dans les fonctions de chef de gouvernement est anticonstitutionnelle, car l’article 89 invoqué s’applique seulement en cas d’élections législatives et de chef de gouvernement désigné dans ces conditions.

Qu’en est-il au juste ? D’abord c’est l’article 98 qui constitue le fondement de la désignation de Youssef Chahed. Cet article stipule : « Le Chef du Gouvernement peut solliciter de l’Assemblée des Représentants du Peuple un vote de confiance relatif à la poursuite des activités du Gouvernement. Le vote de confiance se fait à la majorité absolue des membres de l’Assemblée des Représentants du Peuple. Si l’Assemblée ne renouvelle pas sa confiance au Gouvernement, celui-ci est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Président de la République charge la personnalité la plus apte de former un gouvernement selon les exigences de l’article 89 ».

Quant à l’article 89, il dispose textuellement : « Le Gouvernement se compose du Chef du Gouvernement, de ministres et de Secrétaires d’État choisis par le Chef du Gouvernement. Ce dernier choisit en concertation avec le Président de la République les ministres des Affaires étrangères et de la Défense. Dans un délai d’une semaine suivant la proclamation des résultats définitifs des élections, le Président de la République charge le candidat du parti politique ou de la coalition électorale ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple de former le Gouvernement dans un délai d’un mois renouvelable une seule fois. En cas d’égalité du nombre des sièges, le plus grand nombre de voix est retenus. Si le délai indiqué expire sans parvenir à la formation d’un Gouvernement, ou si la confiance de l’Assemblée des Représentants du Peuple n’est pas accordée, le Président de la République engage des consultations avec les partis politiques, les coalitions et les groupes parlementaires, en vue de charger la personnalité la plus apte à former un Gouvernement dans un délai maximum d’un mois. Si dans les quatre mois suivant la désignation du premier candidat, les membres de l’Assemblée des Représentants du Peuple n’ont pas accordé la confiance au Gouvernement, le Président de la République peut dissoudre l’Assemblée des Représentants du Peuple et convoquer de nouvelles élections législatives dans un délai dans un délai de 45 jours au plus tôt et de 90 jours au plus tard. Le Gouvernement fait un bref exposé de son programme d’action devant l’Assemblée des Représentants du Peuple afin d’obtenir sa confiance à la majorité absolue de ses membres. Dans le cas où le Gouvernement obtient la confiance de l’Assemblée, le Président procède immédiatement à la nomination du Chef et des membres du Gouvernement. Le Chef et les membres du Gouvernement prêtent devant le Président de la République le serment suivant : « Je jure par Dieu Tout-Puissant d’œuvrer loyalement pour le bien de la Tunisie, de respecter sa Constitution et sa législation, de veiller sur ses intérêts et de la servir loyalement.»

La question qui se pose donc est la suivante : le président de la république est-il habilité à choisir « la personnalité la plus apte à former un gouvernement », ou bien doit –il attendre que le leader du parti ayant obtenu le plus grand nombre de sièges au Parlement (l’ARP) lui remette une lettre de désignation comme à l’issue des élections législatives. Car c’est ainsi qu’on peut expliquer le mot « exigences de l’article 89 ».

La seconde lecture, celle faite par le président c’est qu’il lui revient de choisir la personnalité la plus apte après consultations des partis politiques. Quant aux exigences, elles tiennent au délai imparti au chef de gouvernement désigné pour former son équipe et à la nécessaire investiture par l’ARP avant la nomination effective du gouvernement au JORT.

Dans tous les cas il y a dans la Constitution des ambigüités qu’il importe de relever et de corriger. Une révision constitutionnelle parait d’ailleurs inévitable en raison du nombre d’ambigüités qui constituent autant de pièges dans la Loi Fondamentale.

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