La relance économique en Tunisie est-elle envisageable? Quelques repères méthodologiques

La relance économique en Tunisie est-elle envisageable? Quelques repères méthodologiques
Loin de brosser un tableau noir, l’actuelle morosité de l’environnement économique et social en Tunisie semble persister. Sur la base des données statistiques officielles connues par tout le monde, (1) la récession économique, (2) la persistance du chômage, (3) la dépréciation soutenue du dinar,(4) les tensions inflationnistes persistantes, (5) l’élargissement des déficits interne et externe et l’étroitesse de l’espace fiscal, (6) les tendances au surendettement, et (7) la détérioration des termes de l’échange, il semble que les solutions tant prônées par la théorie économique que par la pratique ne suscitent pas toutes l’intérêt du décideur.

Devant être fédérées autour et d’un compromis établissant une clef de répartition et accompagnées d’une communication crédible, ces solutions de type structurel seraient articulées autour de :

(1) Une priorisation des échéances faisant aussi objet de compromis.

(2) Une ‘’planification stratégique ‘préalable à  celle multi-annuelle déjà adoptéepar le Gouvernement seulement par une Note d’Orientation, destinée à un plan 2016-2020qui n’est jusqu’alors pas achevé.

(3) Une nouvelle cartographie spatiale sur la base de laquelle la planification stratégique serait envisagée, déclinée en plans de développement quinquennaux successifs, et comportant toutes les réformes voulues dans une cohérence d’ensemble.

(4) une institutionnalisation de la coordination entre politique monétaire et budgétaire pour préserver la cohésion des institutions de l’Etat…

Il semble aussi que ces réformes, telles que sommairement présentées, n’auront pas la possibilité de voir le jour, du moins dans le court terme, au vu de la tendance décrivant les priorités actuelles du décideur dans le contexte de morosité environnementale sus-indiquée.

De ce fait, des mesures urgentes ciblant la stabilisation sociopolitique nécessaire à la relance devraient être prises. En effet, la relance économique est désormais hypothéquée non seulement par le risque du terrorisme et la lenteur de l’adoption du code investissement et autres dimensions institutionnelles, mais aussi par la contraction de l’investissement privé qui, depuis une vingtaine d’années, joue un rôle assez important dans l’absorption du chômage et le maintien de la croissance dans la perspective de la stratégie de développement axée sur le libéralisme.

Outre le fait que la cible de 26.4% en 2009-2010, et 28% en 2011 de taux d’investissement n’a pas été réalisée. Au contraire, le niveau d’investissement a baissé de 12.87% en 2011. Cette baisse est plus ressentie dans la part privée de l’investissement dans la FBCF qui n’a augmenté que 0.6% et 0.2% en 2012 et 2013 en n’ayant pas encore atteint les niveaux antérieurs même en dinar courant. Or, un mécanisme souvent négligé dans les analyses courantes est celui des effets de retard qu’occasionne l’investissement privéen termes de création de richesse, de recettes fiscales mais aussi d’emploi. Une partie de cet effet de retard aurait soutenu la croissance en 2012-2013 et dans une moindre mesure en 214 àcôté de la politique budgétaire expansionniste adoptée à partir de 2012 dans la LFC. C’est-à-dire que si l’investissement ne se relance pas aussitôt, les quelques 70 mille nouveaux diplômésen juin 2016 s’ajouteront aux 620 mille chômeurs avec de faibles perspectives d’emploi. Ceci aura comme répercussion :

(1) D’accentuer les flux migratoires internes et creuserait le déséquilibre régional structurel. (2) D’élargir le secteur informel et le commerce parallèle.

(3) De hausser le dissentiment à l’égard des Politiques chez les jeunes.

(4)De rendre plus difficile toute action de développement local

(5) De prolonger la transition et donc augmenterait ses couts d’ajustement et sociaux.

Certes, les marges de manœuvre dont dispose le décideur actuel sont très réduites dans le court terme. A cet effet, il serait justiciable de laisser pour le moyen et long terme les ‘’modèles de développement’’ et les ‘’solutions projetées dans le future’’, et faire participer activement les parties prenantes dans une action citoyenne à retombées collectives, et ce par le fait de :

1-Communiquer cette situation inquiétanteàtous les tunisiens en dépolitisant le discours (mots simples et images fortes)

2-Rationnaliser les dépenses publiques sans altérer le stimulus fiscal du BE : (1) Eviter le recrutement massif dans le secteur/fonction publique, (2) Annuler l’éventuel ajustement à la baisse future des prix des carburants qui n’améliore pas significativement le bien-être du consommateur et n’initie pas un effet d’arbitrage inter-temporel, tant qu’un mécanisme concomitant de redistribution du gain fiscal, réduisant les disparités, n’est toujours pas adopté. 

Il serait mieux de l’allouer à l’élargissement de l’espace fiscal surtout que les recettes fiscales de 2016 seraient au mieux constantes au vu de la croissance nulle de 2015 et l’échéance de remboursement du principal d’une dette extérieure aura lieu en Mars 2016, (3) Redéployer les employés/fonctionnaires de l’Etat pour un meilleur rendement de l’Administration Publique, (4) Adopter des contraintes additionnelles, mais ponctuelles, sur l’importation de produits peu nécessaires à la croissance dont l’usage est réduit à la partie la plus aisée de la population, (5) Renforcer le dispositif du recouvrement fiscal

3- Dire qu’environ 350 mille unités de production représentent presque la moitié des entreprises tunisiennes et que parmi les 170 milles meilleures pourrait chacune recruter immédiatement un nouveau diplômé sans que le salaire affecte structurellement sa situation financière. Au contraire, ce serait une contribution notoire dans la stabilisation socio-politique et donc économique en guise d’investissement dans la transition’’

4-Accroitre la capacité institutionnelle de l’Etat en impliquant, via les consultations et les expertises, les compétences nationales jusqu’alors sous-utilisées

5-Lancer les consultations nationales sur la ‘’Planification stratégique’’ dépassant l’horizon de 5 ans, et reporter le démarrage du plan quinquennal pour 2017 pour alléger les méfaits potentiels de défaut de crédibilité de la politique économique, après avoir (i) établi la nouvelle cartographie spatiale décrivant l’allure de la gestion économique et sociale de la Deuxième République et permettant la véritable gestion décentralisée et la gouvernance locale, prévue par la Constitution, (ii) établi les priorités à travers un planning temporel publiquement annoncé, (iii) préparé un schéma de financement réalisable, et (iv) accélérée les réformes institutionnelles possibles

6-Renforcer la sécurité et initier/renforcer la culture du mérite.

 

Professeur : Ali Chebbi 

 

 

  

 

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