Le parlement européen adopte l’accord de libre-échange complet entre la Tunisie et l’UE

Le parlement européen adopte l’accord de libre-échange complet entre la Tunisie et l’UE
 
 
L’évènement:le parlement européen vient d’adopter l’Accord de libre échange complet et approfondi (Aleca) entre la Tunisie et l’Union européenne. Cet accord dont les négociations démarreront, au cours de ce mois (mars 2016), dans la discrétion totale sans aucun effort de communication, sans aucun effort pédagogique et surtout sans débat public. 
 
Ridha Ben Mosbah, ministre chargé des questions économiques auprès du Président du Gouvernement, et chef négociateur pour l’ALECA n’a pas daigné, sortir une seule fois en public, pour  expliquer aux tunisiens les enjeux d’un accord aussi stratégique. Il semble que l’ère où prévalait la formule : «silence, on négocie pour vous» est hélas toujours en vigueur. 
 
D’abord que prévoit l’Aleca. Son objectif majeur est d’approfondir et de  compléter la zone de libre échange pour les produits manufacturés mise en place il y a vingt ans, suite à la conclusion en 1995 de l’Accord d’Association. Il vise, selon les européens, « à intégrer étroitement l’économie tunisienne dans le marché unique de l’Union européenne sur la base d’un rapprochement progressif de la législation tunisienne avec l’acquis communautaire ».
 
L’Aleca pour les Européens
 
L’Aleca va ensuite permettre un meilleur accès mutuel pour les biens, les services et les investissements. « Il couvrira le climat des affaires, le commerce des services, des produits agricoles, des produits agricoles transformés et des  produits halieutiques, l’énergie, la propriété intellectuelle, la politique de concurrence, les instruments de défense commerciale, la transparence des réglementations et les marchés publics ». Un intérêt particulier sera porté aux normes,   à la protection de l’environnement et à la responsabilité sociale des entreprises.
 
Cecilia Malmström, commissaire européen pour le commerce extérieur, a brossé un tableau idyllique de cet accord. Selon elle l’ « Aaleca, en favorisant progressivement une plus forte concurrence avec les opérateurs européens, stimulera la compétitivité des produits et services tunisiens et améliorera l’attractivité de la Tunisie pour les investissements étrangers et domestiques. 
Pour elle, «l’Aleca devrait avoir des effets largement positifs pour la Tunisie en termes de croissance, d’exportation et d’emploi». 
 
L’Aleca n’est pas du goût des tunisiens
 
Côté tunisien, cet accord a suscité les craintes des médias et de la société civile qui rappellent que le précédent Accord d’association s’est traduit par un manque à gagner de -3% du PIB, et ce, d’après l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES). Ce même accord a généré  la déstructuration de l’économie du pays assuré, aujourd’hui, non pas par des activités industrielles structurées et pérennes comme le prévoyait l’Accord d’association mais  au fort taux de 50% par un secteur informel en fraude du fisc.
 
A défaut d’études d’impact sérieuses, la société civile,  qui n’a pas participé en 1995 à la négociation de l’accord d’Association tuniso-européen sur  la zone de libre échange pour les produits manufacturés craint un «accroissement des déficits budgétaires et extérieurs», «la mise en difficulté des petites et moyennes entreprises» et surtout «un affaiblissement du pouvoir régulateur de l'Etat tunisien». 
 
Les tunisiens redoutent particulièrement les risques de déstructuration que pourrait faire encourir cet accord ultralibéral à certaines activités à forte employabilité dans le pays, s’agissant, notamment, du secteur agricole et des services. 
 
Ils craignent que l’Aleca ne soit semblable à l’Accord d’association de 1995, c’est-à-dire des accords de non intégration et de développement local. Et comme disait l’ancien commissaire  européen Romano Prodi, ils permettent de tout partager sauf les institutions. 
 
Conséquence : cet éventuel accord commercial demeure à priori un accord à haut risque pour la Tunisie et son adoption risque d’être entâché par des affrontements entre le gouvernement et la société civile. 
 
L’Aleca, « une politique d’annexion économique »
 
D’ailleurs même en Europe des voix s’élèvent pour tirer à boulets rouges sur cet accord. Lors de l’adoption de cet accord par le parlement européen. Le député européen, Jean-Luc Mélenchon, a fortement critiqué la décision d'ouverture des négociations en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union Européenne et la Tunisie. 
 
Jean-Luc Mélenchon a dénoncé, via une publication parue sur son blog, ce qu'il appelle "la politique d'annexion économique de l'UE envers son voisinage et la destruction qu'elle provoque". 
 
Mieux,  des analystes de la chose européenne dont le Monde diplomatique, l’Aleca ne serait qu’une sous-composante « du nouvel ordre marchand » auquel contribue la Commission européenne, voire une issue de secours pour les entreprises européennes qui ne pourraient pas tenir la concurrence internationale dans le cadre de cette nouvelle déferlante libre échangiste. Il s’agit en quelque sorte d’assurer les arrières des entreprises fragiles.
 
Est-il-besoin de rappeler que la Commission européenne négocie actuellement  d’importants  accords d’échange ultralibéraux tels que le Grand marché transatlantique (GMT) négocié avec les Etats Unis, l’Accord économique et commercial global (CETA) négocié et signé en septembre 2014 avec le Canada, l’Accord sur le commerce des services (ACS) discuté dans le secret avec une cinquantaine d’Etats et l’Accord de partenariat transpacifique (APT). 
 
C’est pourquoi, en prévision de cette nouvelle vague de libéralisation des échanges qui consacrerait le diktat des multinationales et la fin des souverainetés nationales, l’Union européenne met la pression sur la Tunisie avec la complicité de cinquièmes colonnes pour accélérer les négociations et mettre le pays devant le fait accompli. A bon entendeur !
KIM 
 

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