Le père de Soufien Chourabi se tourne vers la France

Le père de Soufien Chourabi se tourne vers la France

 

 

 

Maaouia Chourabi demande aux autorités françaises d'aider la Tunisie à élucider le sort de deux journalistes disparus en Libye depuis septembre 2014, dont son fils Sofiane.

Il porte au revers de sa veste un macaron illustré de deux visages: ceux de Sofiane Chourabi et de Nadir Ketari, deux journalistes tunisiens enlevés en Libye il y a plus de huit mois. Le texte en arabe dit: «Sofiane et Nadir, on vous attend».

Cet homme simple assis dans le salon d'un hôtel parisien est le père du premier. Il s'appelle Maaouia Chourabi, épicier de son état dans la petite ville de Soliman, à une trentaine de kilomètres au sud de Tunis. Il est venu participer le 9 mai à une manifestation de soutien place de la République à Paris, et il espère être reçu par des représentants du gouvernement français, au Quai d'Orsay ou au ministère de l'Intérieur. Mais les rendez-vous se font attendre…

M. Chourabi n'est pas un homme vindicatif. C'est un homme perdu. «La douleur de ne pas savoir où se trouve mon fils est insoutenable, c'est une torture», dit-il.

«Soit ils sont vivants, et il doit y avoir une solution, soit ils sont morts, et il nous faut une preuve»

Sofiane, blogueur chevronné en mission pour la chaîne tunisienne First TV, et son caméraman Nadir ont été arrêtés le 3 septembre 2014 dans le port de Brega, entre Sirte et Benghazi, pour être «entrés illégalement» en Libye, un pays livré aux milices et divisé entre deux gouvernements concurrents. Trois jours plus tard, ils sont relâchés. Sofiane appelle sa mère et son patron, qui lui disent tous deux de rentrer en Tunisie. Les reporters prennent un taxi vers l'est. Ce même jour, à 20 heures, tout contact est rompu pour la deuxième fois.

Pendant des mois, responsables tunisiens et libyens affirment que les deux hommes sont vivants et en bonne santé. «On connaît la zone où ils se trouvent et on fait tout pour les libérer», assurent à Maaouia le premier ministre et le ministre de l'Intérieur tunisiens lorsqu'ils le reçoivent.

Puis, le 29 avril dernier, une porte-parole du ministère libyen de la Justice - celui du gouvernement de Tobrouk, le seul reconnu par la communauté internationale - annonce que deux djihadistes égyptiens tout juste arrêtés ont avoué le meurtre des journalistes. Le procureur général de Tunisie se rend en Libye pour les interroger. Il fait chou blanc. «On ne sait même pas si ces Égyptiens existent vraiment», se lamente le père, qui «ne croit plus personne».

«Le dossier de Sofiane Chourabi est vide»

Une première fois, le 8 janvier, le groupe État islamique avait déjà revendiqué l'assassinat des journalistes, sans que cette annonce puisse être authentifiée. Aujourd'hui, les autorités libyennes affirment qu'il est impossible de récupérer les corps, qui se trouveraient dans une zone sous contrôle djihadiste. «De deux choses l'une, dit Maaouia: soit nos fils sont vivants, et il doit y avoir une solution, soit ils sont morts, et il nous faut une preuve».

À Paris, Maaouia Chourabi voudrait obtenir l'aide de la diplomatie française et des services de renseignement pour élucider le mystère. Il accuse le gouvernement tunisien de passivité: le ministre des Affaires étrangères, Taieb Baccouche, n'a-t-il pas déclaré publiquement: «Le dossier de Sofiane Chourabi est vide»? Il n'y a jamais eu de revendication claire, ni de demande de rançon. Seulement l'absence, et le silence.

Le Figaro 13 mai 2015