Le terrorisme se nourrit de nos peurs et de la médiation de ses crimes

Le terrorisme se nourrit de nos peurs et de la médiation de ses crimes

 

On épiloguera longtemps sur le crime macabre commis à l’encontre du jeune Mabrouk Soltani, devenu un symbole dans un pays encore assommé et qui cherche ses repères. Sa décapitation  par un groupe de terroristes, qui a provoqué colère et émoi chez l’ensemble des Tunisiens, illustre bien le sentiment d’abandon, de la peur  et de la misère qui habite les populations de ces confins reculés adossés aux monts où se cachent les terroristes. Des populations qui, pour reprendre les dires de Mohamed Soltani, frère de Mabrouk,  vivent « en dehors de l'Histoire, coupées du monde ». Au-delà de cette fâcheuse exploitation des douleurs d’une famille qui vit encore sous le choc, de la lenteur dans la réaction des autorités que le chef du gouvernement Habib Essid a reconnue, « nous avons pris les mesures nécessaires, un peu tard il est vrai », a-t-il déclaré à la chaîne El Hiwar Ettounsi, c’est notre conscience collective qui est, aujourd’hui, interpelée.

Depuis, le 14 janvier 2011, le phénomène du terrorisme connait un essor sans précédent à la lumière du laxisme avéré des gouvernements successifs qui n’ont rien vu venir, de la compromission de plusieurs parties y compris des hommes politiques qui ont laissé faire, des imams radicaux  qui ont encouragé et des états voyous qui ont financé. Des dizaines de policiers et de militaires ont été tués, et une soixantaine de touristes étrangers ont connu le même sort dans deux attentats terroristes au Bardo le 18 mars et à Sousse le 26 juin 2015, les deux revendiqués par le groupe État islamique, Daesh qui semble avoir trouvé un nouveau sanctuaire dans la Libye voisine. La psychose est à son paroxysme chez les Tunisiens, ravivée par les rumeurs que colportent certains médias en quête de « buzz » et d’exclusivités. Avec l’exécution, en un intervalle d’un mois,  de deux bergers, Gasmi à Kasserine et Soltani à Sidi Bouzid, les terroristes semblent avoir adopté une nouvelle tactique pour terroriser les populations et les contraindre à collaborer avec eux plutôt qu’avec les forces sécuritaire set militaires. En leur faisant miroiter  une récompense divine avec « des jouvencelles d'une égale jeunesse et des coupes débordantes », en plus de quelques liasses de billets, souvent en devises étrangères.

Sonner l’appel à l’unité

Le terrorisme « se nourrit de nos peurs » et de notre incapacité  à réagir face aux menaces et à anticiper le danger. Il se nourrit de la médiatisation de ses actes et faits.  Un soupçon d’information sur un possible attentat terroriste est, souvent,  présenté comme une réelle menace. Et si les terroristes terrorisent occasionnellement les populations, les  médias les font vivre dans un état permanent de peur et  de terreur. Il se nourrit, également, de  l’absence d’une réponse ferme et déterminée résultat d’une « union sacrée » contre  le mal du siècle.

Tout près de chez nous, la France a été frappée au cœur  par des attentats, les plus terribles de son histoire. Les réactions ont été, à la fois, rapides et  vives. Pouvoir, opposition, société civile, médias et l’ensemble des français se sont unis contre le danger. Les candidatures des jeunes dans l'armée sont en forte hausse et ils « sont trois fois plus nombreux à vouloir s'engager ». Même le prolongement de trois mois de l’état d’urgence et le renforcement de ce régime d’exception a été massivement, voté, par l’Assemblée. Mais la France n’est pas la Tunisie, diriez-vous ? Soit. Cependant, notre pays est beaucoup plus vulnérable aux actes terroristes en raison de la faiblesse des moyens, de la présence parmi nous de nombreuses cellules dormantes et la vulnérabilité de ses frontières sud surtout. Comment alors ne pas sonner l’appel à l’unité face à ce danger rampant que nous devons  affronter  ensemble, avant de chercher le soutien d’autres pays, à leur tour, exposés au terrorisme.  Nous sommes visés à tout moment.  Face à la menace terroriste, il n’y a pas de place pour les tiraillements, ni pour les clivages  partisans, ni pour les excès et les surenchères.   Tous les Tunisiens doivent  se montrer à la hauteur de la terrible émotion suscitée par la mort de Mabrouk Soltani. 

Brahim OUESLATI

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