Le texte intégral de l’avis de la commission de Venise sur le projet de loi relatif à la réconciliation

Le texte intégral de l’avis de la commission de Venise sur le projet de loi relatif à la réconciliation

 

La Commission européenne pour la Démocratie par le Droit, appelée Commission de Venise, a publié sur son site son avis intérimaire  sur les aspects institutionnels  du projet de loi sur les procédures spéciales concernant  la réconciliation dans les domaines économique et financier. Nous vous en livrons ce que nous avons considéré comme essentiel. Cliquer sur le lien en bas de la page pour lire et téléchrager le texte de 12 pages dans son intégralité. Il est à signaler que l'avis de la Commission est purement consultatif et n'engage en rien les Etats membres.

Introduction

1.       Par courrier du 22 juillet 2015, la présidente de l’Instance de la Vérité et de Dignité (IVD) de la Tunisie, Mme Sihem Bensedrine, a demandé à la Commission de Venise de préparer un avis sur le projet de loi organique relatif aux procédures spéciales concernant la réconciliation dans les domaines économiques et financiers, qui fut soumis par le Président de la République tunisienne au parlement tunisien (ci-après : « le projet de loi »).

2. Par courrier du 29 juillet 2015, le Président de la Commission a informé la présidente de l’IVD que l’avis de la Commission, conformément à la pratique concernant les saisines de la part d’institutions nationales tel que l’Ombudsman, portera sur les aspects institutionnels du projet de loi, notamment sur son impact sur le mandat de l’Instance de la Vérité et de la Dignité.

3. M. Nicos C. Alivizatos, Mme Veronika Bílková et Mme Regina Kiener ont été nommés rapporteurs.

4. Le 9 octobre, une délégation de la Commission de Venise, composée de Mme Regina Kiener et de Mme Simona Granata-Menghini, secrétaire adjointe de la Commission, s’est rendue à Tunis. Elle a rencontré les membres de l’Instance de la Vérité et de la Dignité, des représentants du service juridique de la Présidence ainsi que le Président de la Commission de législation générale de l’Assemblée des Représentants du Peuple. La Commission de Venise souhaite remercier ces interlocuteurs pour leur accueil et leur disponibilité.

5. Le présent avis est fondé sur la traduction française du projet de loi, fournie par l’Instance de la Vérité et Dignité. Les représentants du Président ont informé la Commission de Venise que le texte tel que soumis par l’IVD a été modifié par la suite. Le projet de loi révisé sera ultérieurement soumis à la Commission de Venise pour avis. Cet avis intérimaire a été discuté lors de la réunion conjointe des sous-commissions des institutions démocratiques et des droits fondamentaux le 22 octobre 2015 et a été adopté à la 104e session plénière (Venise, 23-24 octobre 2015).

    Analyse :

 30-La Constitution tunisienne n’impose pas de forme ni d’organe particuliers pour la réalisation de la justice transitionnelle : elle fait référence à « la législation qui s’y rapporte ». La loi organique n° 2013-53 n’interdit pas non plus l’adoption d’une législation spéciale relative aux domaines économique et financier. Il en découle que, en principe, le droit portant sur la justice transitionnelle peut être modifié par une autre loi organique. Cependant, toute modification de l’ordre juridique doit être conforme à la constitution et aux principes démocratiques et de l’Etat de droit (sécurité du droit, égalité de droit, bonne foi et confiance, légalité et proportionnalité), ainsi qu’au droit international.

32-Les représentants du Président de la Tunisie ont invoqué l’exigence de célérité et efficacité pour traiter des questions liées aux crimes financiers. L’IVD, qui est surchargée, pourrait alors se concentrer sur les atteintes graves aux droits de l’homme.

33. La délégation de la Commission de Il est vrai que le mandat de l’IVD est extrêmement étendu et ses prérogatives presque uniques dans un Etat de droit.

35-La création d’une commission spécialisée chargée à s’acquitter des dossiers financiers serait en soi-même positif, plusieurs organes y compris le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de nonrépétition ayant exprimé la préoccupation que « l’exercice de certaines des fonctions que le projet attribue à l’instance, par exemple l’administration des réparations et l’examen des affaires de corruption, risque fort de la surcharger et, partant, de l’empêcher de s’acquitter des fonctions propres à une commission de vérité ».

http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD(2015)032-f