L’égalité de l’héritage entre l’homme et la femme : De la controverse à la convergence

L’égalité de l’héritage entre l’homme et la femme : De la controverse à la convergence

 

Quelle mouche a piqué le député Mehdi Ben Gharbia d’ordinaire si mesuré pour remettre sur la table un nouveau sujet de controverse, celui  de l’égalité de l’héritage entre l’homme et la femme. La question va représenter une nouvelle diversion, une de plus. Ou est-ce une manœuvre pour cimenter la relation entre Ennahdha et Nidaa ?

Alors que le pays a d’autres chats à fouetter voilà qu’on lui envoie dans les jambes un sujet sur lequel les avis diffèrent évidemment mais ce n’est pas là le danger. Ces avis sont tellement tranchés qu’ils constituent un risque certain y compris pour l’ordre public. Car pour les uns, parmi lesquels veut se situer l’auteur de cette initiative qu’on peut appeler les modernistes, cette égalité va de soi. Non que la Constitution la prévoie tacitement  puisque l’Etat étant civil et l’égalité ainsi que la parité étant inscrites dans la Loi Fondamentale, l’égalité de l’héritage paraît aller de soi. Sauf que le Texte du Coran ne laisse la place à aucune ambigüité : « le mâle hérite comme deux femmes » ou bien « à l’homme la part de deux femmes », lit-on. Donc pour ceux-là, dire le contraire,  c’est être contre le Texte Sacré, la Parole Divine. Un blasphème donc.

En son temps,  Bourguiba n’a pas osé prendre le contrepied de l’injonction coranique. Le code du Statut personnel qui fut son œuvre et qu’il a promulgué le 13 août 1956 dans l’urgence moins de quatre mois après son accession à la présidence du premier gouvernement de l’indépendance comportait des dispositions révolutionnaires comme l’abolition de la polygamie mais pas l’égalité de l’héritage, car il ne voulait pas heurter les sentiments des Tunisiens, qui sont profondément ancrés dans la foi musulmane. Des proches de Bourguiba soulignent le souci du « Zaïm » d’inscrire sa réforme dans le texte et l’esprit des sources de la foi que sont le Coran et les Hadiths.

D’ailleurs la polygamie impose l’égalité entre les épouses, une égalité impossible à réaliser quoiqu’on fasse selon le texte sacré.  C’est d’ailleurs cela qui le distingue d’Ataturk qui a préconisé la laïcité, inimaginable en terre d’Islam. Bourguiba que l’on dit proche dans ses idées du fondateur de la Turquie moderne n’a pas manqué de critiquer ce dernier pour avoir contrevenu aux fondements de la religion musulmane.

Sur le tard Bourguiba aurait essayé de revenir à la charge. Mais ça aurait été peine perdue, car les Tunisiens ne le suivraient pas. Ainsi ce que le « libérateur de la femme » comme il aime qu’on l’appelle n’a pas pu faire, comment peut-on y parvenir maintenant.

Ben Gharbia peut toujours réunir les signatures pour une initiative parlementaire, mais ça n’ira pas bien loin. La manœuvre ne peut qu’échouer. Sauf s’il veut tester la relation entre Nidaa Tounes et Ennahdha sur un sujet de société intimement lié à la religion. Sur ce plan, il ne peut que cimenter davantage la convergence entre ces deux mouvements qui sont, sur ce sujet, sur la même longueur d’ondes.

Peut-être est-ce le but de la manœuvre, car on sait que Mehdi Ben Gharbia a toujours été favorable au rapprochement entre les modernistes et les traditionalistes. C’est le meilleur sujet qu’il peut offrir à ces deux partis. Là on ne trouvera pas entre eux l’écart d’un papier de cigarette.

R.B.R.

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