Les dessous du désistement de Khalil Ghariani

Les dessous du désistement de Khalil Ghariani

 

Autant le limogeage rapide de Abid Briki a surpris, autant la nomination de Khalil Ghariani à sa place a été  décriée par l’UGTT. La centrale syndicale a même vu dans cette désignation une « provocation » à l’encontre des milliers de fonctionnaires. Un homme d’affaires, de surcroît membre influent de l’UTICA,  à la tête d’un ministère-clé en charge de la Fonction publique a été jugé par plusieurs observateurs inadmissible voire inconcevable.

L’homme est une compétence connue et reconnue, un négociateur infatigable et un digne représentant de la Centrale patronale dans les commissions de négociations sociales.  Dirigeant sportif, il a présidé la fédération tunisienne de golf, et ancien membre de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique, Ghariani n’est pas pour autant un illustre inconnu.

On disait qu’il voulait être ministre dans le gouvernement de Habib Essid. Sa proximité avec le palais de Carthage et ses liens de parenté avec le président de la république Béji Caid Essebsi, outre son CV, le prédisposaient à un poste dans le gouvernement. Mais pas n’importe quel poste. Un poste moins exposé.

En le choisissant pour remplacer Abid Briki, un ancien dirigeant syndicaliste, qui a gardé des liens étroits avec  la centrale syndicale,  le chef du gouvernement Youssef Chahed n’avait, certainement pas, mesuré l’ampleur des réactions. Il n’avait pas non plus consulté la patronne de l’UTICA pour prendre son avis, ni une autre personne susceptible de lui donner une opinion contraire. La rapidité avec laquelle il a  anticipé la démission de l’ancien ministre de la Fonction publique ne lui pas permis de se concerter avec des personnes ressources.

Aujourd’hui qu’il se trouve dans l’embarras,  il doit savoir s’en sortir avec les moindres dégâts. Toutefois, d’aucuns se demandent  quelles sont les raisons qui ont amené Khalil Ghariani à  décliner le poste de ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance.

En homme averti, il a mesuré l’ampleur de la tâche dans un climat défavorable avec une opposition systématique de l’un des principaux signataires  du « Pacte de Carthage » et principal partenaire de la fonction publique. Lors de son entretien avec Noureddine Tabboubi, le secrétaire général de l’UGTT, Ouided Bouchemmaoui, la présidente de l’UTICA,  a  tenté de convaincre son interlocuteur de ne pas opposer un  « veto » systématique contre  la nomination de son vice-président à la tête de ce ministère, promettant une étroite collaboration et une plus grande disposition à impliquer les partenaires syndicaux dans la mise en place de toute réforme touchant le secteur. Rien n’y fit.

Constatant l’obstination de l’UGTT, elle aurait agi auprès de Khalil Ghariani afin de le convaincre de décliner le poste. Ce qui permettrait d’apaiser les tensions entre les deux centrales qui s’apprêtent à engager un nouveau round dans les négociations salariales, « préserver les équilibres séculaires et profonds qui existent entre l’UTICA et l’UGTT et  subséquemment,  offrir une aubaine au chef du gouvernement pour sortir de l’embarras.

D’autres personnalités du monde politique et d’ailleurs auraient, également, conseillé Ghariani de se retirer, craignant un vote négatif de l’Assemblée des représentants du peuple au cas où le chef du gouvernement solliciterait sa confiance. Le retrait de Khalil Ghariani ne pourrait que satisfaire l’UGTT et décanter l’atmosphère générale et calmer les esprits.

L’on se demande d’ailleurs  si Noureddine Tabboubi, dont les  déclarations  à l’issue de ses rencontres avec  le chef du gouvernement et le chef de l’Etat étaient apaisantes, n’avait pas reçu une promesse d’une révision de cette nomination et qu’il serait consulté sur le nom du successeur de Briki. En contrepartie, le bureau exécutif devrait agir sur les deux syndicats de l’enseignement pour les assagir  et les dissuader à aller loin dans la réclamation de la tête du ministre de l’Education Néji Jalloul.

Le choix du nouveau ministre de la Fonction publique et de la Gouvernance permettra certainement d’en savoir davantage sur les raisons du désistement de  Khalil Ghariani.

Brahim OUESLATI

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