L’European Cancer Centers-Tunisie défie le ministre de la Santé et s’engage à traiter 1000 cancéreux par an

L’European Cancer Centers-Tunisie défie le ministre de la Santé et s’engage à traiter 1000 cancéreux par an

 

L’affaire qui oppose l’European Cancer Centers - Tunisie (ECC - Tunisie) au ministre de la Santé, Mohamed Salah Ben Ammar, continue à alimenter la polémique.

L’affaire a éclaté lorsque des investisseurs étrangers ont lancé de graves accusations contre le ministre de la santé et lui ont reproché de bloquer la création du plus grand hôpital privé de cancérologie du continent africain dans la région de Gabés et de favoriser un autre projet médical privé pluridisciplinaire, de notoriété publique à Tunis.

Bien que le ministère ait publié, le vendredi 19 septembre 2014, un communiqué dans lequel il a motivé son refus par sa  volonté de « garantir un accès universel à des services de santé de qualité concrétisant ainsi la démocratie sanitaire », avant d’ajouter: « que le secteur public doit rester la référence tout en travaillant pour un développement harmonieux des secteurs sanitaires public et privé », l’affaire a connu un autre rebondissement puisque l’European Cancer Centers – Tunisie vient d’éditer une longue réponse à ce communiqué.

Afin de vous permettre de suivre les rebondissements de cette affaire, Espacemanager a décidé de droit de réponse au communiqué du ministère de la santé dans son intégralité:

« Nous avons été extrêmement surpris par les termes du communiqué de Presse publié par le Ministère de la Santé Publique le 19 septembre 2014. Ce communiqué mentionne que « l’attitude circonspecte » du Ministère de la Santé Publique est « dictée par le seul souci de préserver l’intérêt du pays ». Il nous parait par ailleurs étonnant d’évoquer «un développement harmonieux des secteurs sanitaires public et privé » pour justifier le refus de développer le plus grand hôpital privé de cancérologie du continent africain.

Le communiqué du Ministère de la Santé Publique ne mentionne aucune raison concrète et objective légitimant le blocage du projet European Cancer Centers - Tunisie (ECC - Tunisie). Nous notons que près d’un mois après la tenue du la Commission Supérieure des Grands Projets, le Ministère de la Santé Publique n’a toujours pas transmis les éléments d’information justifiant sa décision.
Dans un souci de transparence et afin de répondre aux nombreuses demandes d’information que nous avons reçues, nous souhaitons donc apporter des précisions complémentaires concernant le projet ECC - Tunisie.

Nous tenons à préciser que l’ensemble des informations transmises ci-après sont documentées par écrit dans le projet de Convention d’investissement liant European Cancer Centers et l’Etat Tunisien, ainsi que dans les échanges d’emails avec les membres de la Commission Interministérielle des Grands Projets.

Qui sont les fondateurs de European Cancer Centers - Tunisie (ECC - Tunisie) ?

L’équipe à l’origine de ce projet est tunisienne et européenne. Le Vice-Président Affaires Médicales et Sociales d’ECC, le Dr Marc Keller, est un cancérologue franco tunisien né à Tunis, expert international et coordinateur de l’ALIAM, la 1ère alliance francophone contre le cancer.

Le Vice-Président Finance, M. Mathieu Merceret, est lui aussi né à Tunis, où il a grandi. Ancien banquier, il est administrateur d’un fonds d’investissement appartenant à une ONG visant à faire reculer la pauvreté en Afrique Sub-saharienne.

L’attachement personnel de ces deux fondateurs à leur pays d’origine a fortement influencé la décision de privilégier la Tunisie comme site d’implantation du premier centre privé de cancérologie d’Afrique, au détriment d’autres pays limitrophes.

Le CEO d’ECC, M. Alexandre Roquette, a travaillé au développement du plus grand centre de thalassothérapie de Tunisie (Royal Elyssa Thalasso & Spa à Monastir) et a pu apprécier le dynamisme du secteur privé de la santé en Tunisie.

Le Président d’ECC, le Dr Augustin Roquette, est un cancérologue et entrepreneur qui a fait de la lutte contre le cancer l’engagement d’une vie, sur tous les fronts géographiques. Le Dr Augustin Roquette a été le premier à créer un pont sanitaire entre la France et la Grande-Bretagne pour soigner en France les patients britanniques victimes de la sous-capacité de traitement en Angleterre.

Il a noué des attaches personnelles avec la Tunisie, où il se rend depuis plus de 3 ans pour échanger avec ses confrères cancérologues tunisiens sur le développement du projet.

Le Comité Scientifique d’ECC, en charge de la définition du programme médical et de la supervision des formations diplômantes et des programmes de recherche, est constitué d’experts internationaux dont le Pr Farhat Ben Ayed, un des pères de la cancérologie en Tunisie (Annals of oncology 1995) ; le Pr Pierre Bey, ancien Directeur de l’Institut Curie - Paris, un des plus grands centres européens de recherche contre le canceret le Pr Serigne Gueye, Président de la Société Sénégalaise du cancer. Les fondations d’ECC dépassent les clivages nationaux et géographiques, car le cancer ne connaît pas de frontières.

L’équipe médicale de ce projet est-elle tunisienne ou étrangère ?

Le projet d’ECC est fondé sur les compétences du personnel de santé (médical et paramédical) tunisien, hautement qualifié et actuellement sous-employé. ECC a pris l’engagement écrit que l’ensemble du personnel du Centre soit exclusivement tunisien, dans le plus strict respect de la loi tunisienne et de la réglementation de l’Ordre des Médecins tunisien. Les intervenants étrangers ne seront impliqués que dans le cadre de la formation et d’un transfert de compétences, dans le respect de la législation tunisienne en vigueur.

Est-il urgent de développer l’offre anti-cancer en Tunisie ?

Le cancer est une cause majeure de décès dans le monde. Il est à l’origine de 8,2 millions de décès en 2012. On estime que le nombre de cas de cancer par an devrait passer de 14 millions en 2012 à 22 millions au cours des deux prochaines décennies (Globocan, IARC 2012).

Plus de 60% des nouveaux de cancer surviennent en Afrique, Asie, Amérique centrale et Amérique latine. Ces régions représentent 70% des décès par cancer dans le monde (The Lancet Oncology 2012).
Il existe aujourd’hui en Tunisie et dans la sous-région un nombre très limité d’équipement de cancérologie, particulièrement en radiothérapie, que ce soit dans les secteurs public ou privé, ce qui provoque une situation catastrophique en terme de santé publique.

Que propose ECC dans son projet tunisien ?

ECC propose de mettre en place, en collaboration avec les Institutions, un programme de sensibilisation, de prévention, d’information et de traitement du cancer, pour toutes les catégories socio-économiques, avec le soutien d’une Fondation caritative indépendante prenant en charge les populations les plus démunis.

ECC propose d’installer en Tunisie des équipements innovants et aux standards internationaux, des protocoles de soin aux normes 2014 et un programme de formation conduit par les plus grands experts internationaux pour aider le personnel médical et para-médical tunisien à développer ses compétences.

ECC propose de développer un partenariat public-privé, qui a été accueilli avec enthousiasme, afin de lancer des programmes conjoints de formation en cancérologie avec les universités tunisiennes et européennes.
Grâce au partenariat avec l’ALIAM, ECC a déjà pris l’initiative, dès cette année 2014, de faciliter l’équipement du service d’anatomopathologie du CHR de Gabès par un don conséquent de matériel et de consommables.

Quelle sera la part de financement par la CNAM ?

A la demande des Institutionnels tunisiens, l’ECC - Tunisie sera soumis à un statut offshore tel que défini par le décret 2002-545 du 5 mars 2002.

Ce statut limite la proportion de patientèle tunisienne à 20% de l’activité du Centre (ECC a demandé une dérogation pour 50% : refus des Institutionnels).

Cette décision est liée à l’incapacité de la CNAM à prendre en charge le remboursement des traitements de radiothérapie sur accélérateurs de particules de patients tunisiens dans une proportion dépassant les 20% d’activité du centre. Et ce même si la part de remboursement effectuée par la CNAM sur ces traitements est limitée à environ 20%, et qu’ECC s’est par ailleurs engagé à s’aligner sur les prix actuellement pratiqués par les 2 centres privés pluridisciplinaires disposant d’une offre de radiothérapie haute énergie en Tunisie.

Cette situation est justifiée par les contraintes budgétaires qui pèsent sur l’Etat Tunisien et l’allocation des ressources publiques vers d’autres secteurs jugés plus prioritaires que la santé.

ECC est une structure privée ayant vocation à pérenniser son activité à travers un modèle économique durable et n’est pas une association caritative. Toutefois, les fondateurs d’ECC sont tout autant attachés au développement social et à l’importance accordée au droit humain fondamental qu’est l’accès à la santé.

ECC a donc pris l’initiative de garantir contractuellement la création d’une Fondation caritative indépendante destinée à soigner les plus démunis. ECC a pris l’engagement formel d’apporter une dotation annuelle de 800 000 euros au budget global de 5 millions d’euros de cette Fondation, ce qui permettra de prendre entièrement en charge le traitement du cancer de 1000 patients démunis par an.

Le développement des soins pour les étrangers est-il une opportunité pour la Tunisie ?

ECC part du constat que le continent africain va vivre une crise sanitaire majeure dans un futur proche, en raison de l’augmentation très importante des cas de cancer, près d’un million de nouveaux cas par an à l’horizon 2020 (source : OMS).

Il existe très peu de capacités installées pour traiter les patients sur le continent et la Tunisie, grâce à sa position géographique, l’excellence de ses compétences humaines, la formation de son personnel médical et à ses nombreux atouts (accueil, infrastructures hôtelières), est en mesure de développer une plateforme médicale globale afin de traiter de nombreux patients du continent. La Corée du Sud est ainsi passé de 8000 patients étrangers en 2008 à 140 000 en 2013, grâce à un positionnement axé sur des spécialités à haute valeur ajoutée telles que la cancérologie et au soutien public des initiatives privées.

Outre cette notion de santé publique, ECC souhaite que cette initiative contribue modestement au développement socio-économique de la Tunisie. En effet, La stabilité de la Tunisie est minée par les difficultés économiques et un chômage endémique touchant particulièrement les jeunes diplômés. Or la misère et la pauvreté étaient au cœur de la révolution de 2011.


Pourquoi travaillez-vous sur ce projet depuis plus de 3 ans ?

Tout projet nécessite des études de faisabilité et des données statistiques d’évaluation. Or, à titre d’exemple, il n'existe pas de relevé exhaustif regroupant tous les cas de cancers en Tunisie, mais uniquement des publications parcellaires, comme par exemple le "Registre des Cancers Nord- Tunisie" de la Société Tunisienne de Médecine Interne ou les chiffres du Globocan (OMS).

ECC a donc passé près d’une année à interviewer des centaines de personnes parmi lesquelles des médecins, personnels paramédical, patients et Institutionnels en Tunisie, en France et en Afrique subsaharienne afin de réaliser une étude complète qui a par la suite permis de développer ce projet. Outre ce point, l’instabilité politique qui a frappé la Tunisie a imposé un moratoire administratif d’une année, mais le lien avec la Tunisie n’a jamais été rompu puisque le projet a mûri et des ajustements ont été apportés pour reprendre les négociations en septembre 2013.

Quelle est la nature de vos relations avec le Ministère de la Santé Publique ?

Nous avons des relations de travail très cordiales et suivies avec l’ensemble des équipes du Ministère de la Santé Publique impliquées dans la Commission Interministérielle des grands projets. Au cours des 12 derniers mois, nous avons eu de nombreuses réunions avec ses cadres et experts afin de valider les termes du projet de Convention d’investissement. Nous avons reçu du Ministre de la Santé l’accord de principe signé en date du 11/12/2013 pour l’implantation du centre ECC en Tunisie. Nous avons eu l’opportunité de pouvoir nous entretenir directement avec le prédécesseur du Pr Mohamed Salah Ben Ammar. Ce dernier en revanche n’a, depuis sa nomination au poste de Ministre, jamais souhaité nous recevoir en dépit de nombreuses demandes relayées par les membres de la Commission Interministérielle des Grands Projets.

Quel est le tour de table du projet et quels sont les engagements financiers pris par les investisseurs ?

Le projet ECC - Tunisie prévoit une capitalisation en fonds propres à hauteur de 50% et de la dette long terme pour l’autre moitié. Les capitaux sont des investissements directs étrangers de la part des fondateurs eux-mêmes, qui croient en ce projet et souhaitent y investir leur patrimoine personnel ; de la part d’un consortium d’investisseurs tunisiens et africains; de la part des Institutions multilatérales de développement qui accompagnent les projets porteurs de progrès dans la  sous-région et particulièrement en Tunisie.

La conclusion des engagements financiers est suspendue à l’autorisation préalable du projet par le Gouvernement Tunisien.

Dans le cadre du projet de Convention d’investissement, ECC a pris des engagements écrits concernant le pourcentage de fonds propres investis dans ce projet ainsi qu’une clause garantissant le maintien de ces fonds propres en Tunisie. Par ailleurs, ECC a pris un engagement de délai concernant le début des travaux de construction, qui doivent être lancés dans un délai de 18 mois à compter de la date de la signature de la Convention d’investissement entre l’Etat Tunisien et ECC. Les termes des engagements d’ECC sont très clairement établis et ont été validés un à un par les experts et les équipes gouvernementales interministérielles qui ont contribué à leur rédaction.

Pourquoi étudiez-vous une implantation d’ECC - Tunisie dans la région de Gabès ?

La région de Gabès, à l’image de l’ensemble du pays, est très largement déficitaire en matière d’offre de soins anti-cancer. Outre cet aspect de santé publique, ECC a été mis en relation par les Institutionnels tunisiens avec les investisseurs européens et tunisiens du Groupe Marina, qui développe le projet de ville thermale de Khebayat. Ce projet de ville thermale, d’un montant de 350 millions d’euros, a été validé par la Commission Supérieure des Grands Projets le 22 août 2014.

L’objectif d’ECC est de positionner le ECC - Tunisie à proximité immédiate de la ville thermale afin de pouvoir bénéficier de ses infrastructures de transport, de loisir et d’accueil, qui sont absolument indispensables au développement et aux opérations d’un grand Centre anti-cancer.

Existe-t-il un risque de spéculation immobilière liée au projet ECC - Tunisie ?

Le projet de Convention d’investissement précise qu’ECC se portera acquéreur d’un terrain sur le marché public ou privé. Il est par ailleurs indiqué que dans le cas où la cession de ce terrain serait effectuée par la République Tunisienne, la transaction reflète le prix normal du marché. ECC a expressément précisé qu’il n’était aucunement question de cession à prix bonifiée par l’Etat Tunisien, ce afin de respecter l’analyse des risques effectuée par ses conseils juridiques. L’Etat Tunisien s’engage de son côté à faciliter l’obtention des autorisations liées au droit d’usage du sol pour que le projet soit implanté en totale conformité avec la législation nationale et locale.

Pourquoi ce projet dont l’investissement préliminaire est limité à une trentaine de millions d’euros est-il soumis au décret n°2013-561 du 21 janvier 2013 relatif aux grands projets ?

ECC n’a pas sollicité de participation à la catégorie « grands projets ». Ce sont les Institutionnels tunisiens en charge du dossier qui ont souhaité opter pour ce statut de projet prioritaire, en raison de l’impact décisif que représente le projet ECC - Tunisie pour contribuer au développement de la recherche contre le cancer, de la santé publique et de l’essor socioéconomique. Le projet ECC - Tunisie permettrait de maîtriser la fuite des devises vers l’étranger, de générer une importation très forte de devises dans le pays et de créer des emplois à haute valeur ajoutée en Tunisie… »