Marwan Muasher: "Notre but est de prêter main forte à la Tunisie sur les plans politique, économique, sécuritaire..."

Marwan Muasher: "Notre but est de prêter main forte à la Tunisie sur les plans politique, économique, sécuritaire..."
 
 
A l’occasion de la tenue de l’événement « Supporting Tunisia’s Imperiled Transition », organisé par la fondation Carnegie pour la paix internationale (The Carnegie Endowment for International Peace), ce mercredi 27 avril 2016 à Gammarth, destiné à soutenir la transition  démocratique de la Tunisie, l’ancien ministre jordanien des affaires étrangéres et vice-président de la fondation Canergie, Marwan Muasher, nous a accordé une interview, afin de nous éclairer sur les tenants et les aboutissants de son projet.
 
Espace Manager : En quoi consiste votre projet ?
 
Marwan Muasher : Depuis six mois, de concert avec les collègues de la Fondation Carnegie, une série de consultations structurées a été menée en Tunisie auprès de hauts dirigeants, partis politiques, hommes et femmes d’affaires, syndicats, organisations de la société civile et partenaires internationaux afin de savoir quelle voie faut-il emprunter pour aider la Tunisie dans sa phase démocratique à travers des recommandations servant à pallier les maux que la Tunisie a connus depuis la révolution.
 
Pourquoi avoir choisi de soutenir la Tunisie ?
 
Depuis la révolution de janvier 2011, le peuple tunisien a réussi à destituer un dictateur de manière pacifique, à entamer un dialogue politique complet et inclusif, à ratifier une constitution remarquablement progressive et à organiser des élections libres et équitables.
 
Prêter main-forte à la Tunisie pour sa transition démocratique n’est pas vain, car ses troubles semblent moindres comparés à ceux de la Libye, de la Syrie, de l’Irak, ou du Yémen.
 
L’expérience tunisienne vacille entre dangers et promesses certes, mais elle représente un exemple, auquel il ne faut pas s’en détourner, en vue de créer une nouvelle dynamique plus constructive et inverser la trajectoire troublante à travers laquelle le pays a dû  faire face,  tant sur le plan politique qu’économique et sécuritaire. 
 
Comment pensez-vous aider concrètement la Tunisie dans sa phase transitoire ?
 
Marwan Muasher : Dans un pays où une bureaucratie inaccessible s’interpose à pratiquement tous les stades et dans tous les aspects de la vie économique, plusieurs défis majeurs sont en attente.
 
L’économie tunisienne a besoin de priorités réalistes, pour créer de nouveaux mécanismes aptes à surmonter les obstacles et goulets d’étranglement qui ont freiné considérablement les progrès par le passé, comme le cas de Deauville, en France, qui a été pour les Tunisiens synonyme de promesses non tenues, voire de désillusion quant aux garanties internationales.
 
Nous aspirons à ce qu’une nouvelle approche s’impose aujourd’hui, à travers un partenariat-cadre visant à ce que la Tunisie puisse reprendre pied, par le biais d’une méthodologie innovante, qui changera radicalement la manière dont le dialogue et les réformes prendront place entre les parties prenantes tunisiennes et les partenaires internationaux. 
 
En gros, nous ambitionnons à ce que les mécanismes alliant procédures et arrangements institutionnels puissent permettre de coordonner l’assistance internationale et tirer le meilleur parti du soutien international pour permettre la création d’emplois et le développement dans les régions marginalisées.
 
Pourquoi n’avez-vous pas créé de centres de recherche en Tunisie ?
 
Nous travaillons avec plusieurs compétences tunisiennes, d’ailleurs nous avons des centres à Washington, à Moscou, à Beyrouth, à Bruxelles et à New Delhi, ceci dit, l’idée de fonder un centre en Tunisie n’est pas encore d’actualité pour le moment.
 
Quelles sont vos recommandations pour que ce projet prenne forme ?
 
Les possibilités d’amélioration, grâce à un soutien accru et intensifié à l’économie tunisienne, y compris par le biais d’un appui financier et d’accès au marché et par la poursuite d’une assistance et d’un engagement solides dans le secteur de la sécurité en Tunisie.
 
-Proposer un mécanisme de coordination pour l’assistance internationale, qui constituerait une innovation considérable, servant à encourager une responsabilisation mutuelle entre le gouvernement tunisien et ses partenaires internationaux. Il permettrait également aux bailleurs de fonds et aux représentants du gouvernement tunisien d’énoncer clairement les sources de leur frustration.
 
En outre, il fera office de dépositaire des engagements du gouvernement, ce qui offrirait aux entités du secteur privé d’associer leurs plans et engagements aux benchmarks du gouvernement, en incitant une meilleure mise en œuvre.
 
-Sensibiliser le dialogue avec les citoyens contribuera au processus de décision politique, qui peut avoir deux résultats positifs dépassant de loin les coûts en temps et en efforts, d’une part, l’échange réduira l’anxiété du public au cours du processus de rédaction des projets de loi, et d’autre part, il renforcera les perspectives d'application des lois une fois adoptées.
 
-Mettre en œuvre des réformes institutionnelles et juridiques pour l’amélioration de la gouvernance et l’administration publique qui sont situées en haut de la liste des décisions cruciales et difficiles pour la Tunisie. Une attention qui devra être prêtée à la sélection, à la supervision, à la gestion des ressources humaines et aux arrangements de soutien logistique, pour assurer une relance rapide de l’économie, soutenir la modernisation du secteur de la sécurité et tenir les promesses du gouvernement en vue de faire correspondre les objectifs des investisseurs à des besoins publics. 
 
-Proposer un mécanisme rapide pour accélérer le développement, en sachant que la situation économique en Tunisie, constitue une urgence nationale, qui est susceptible d’empirer si aucune action rapide n’est entreprise pour pallier les lacunes liées au chômage, au sous-emploi, à la criminalité, à l’hésitation des investisseurs locaux et étrangers ou encore à la criminalisation de l’économie qui constituent des menaces sérieuses pour la sécurité nationale.
 
Ainsi, pour pouvoir aller de l’avant, une nouvelle approche devra se faire de la part du gouvernement tunisien, en matière de mise en œuvre de programmes et de projets de haute priorité afin de combiner des procédures nouvelles et simplifiées servant à rétablir la confiance du public.
 
Propos recueillis par Amira Gordeh
 
 
 

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