Nabil Karoui-Slim Riahi ou les risques d’un règlement de comptes incontrôlé !

Nabil Karoui-Slim Riahi ou les risques d’un règlement de comptes incontrôlé !

 

L’émission controversée, consacrée à l’homme d’affaires Slim Riahi, a été finalement diffusée dans la soirée du mardi 14 octobre. Malgré la mise en garde de la HAICA qui a pourtant rappelé Nessma qu’elle doit se conformer au code de la presse, au décret 116, et qu’elle ne doit pas se servir de son antenne pour salir quiconque, la direction de la chaîne est allée jusqu’au bout de ses intentions.

Au niveau du contenu, les investigations de Nessma n’ont rien ajouté concernant l’origine de la fortune de Slim Riahi qui laisse pourtant planer de nombreux doutes et dont les Tunisiens auraient bien voulu découvrir réellement la source.

L’émission d’investigation, ayant préféré zapper l’essentiel de l’énigme Slim Riahi, s’est en effet focalisée sur les promesses non tenues par ce dernier dans de nombreuses régions du pays.

L’objectif étant de discréditer, de salir et de diaboliser «l’ennemi juré de Nabil Karoui», l’émission est arrivée même à l’accuser de meurtre d’une petite fille atteinte d’un cancer.

Le journaliste d’"Investigation" Ramzi Bettibi a accusé clairement Slim Riahi « d’être le responsable de la mort de la petite Loujain, juridiquement et moralement », lançant  par la même occasion un appel au ministère public pour ouvrir une enquête sur la question.

Même si l'on ne va pas trop s’attarder dans cette analyse sur le contenu de l’émission, laissant à la HAICA  et à la justice d’assumer pour une fois pleinement leurs responsabilités sans se soucier des pressions médiatiques et syndicales,  on se limitera à mettre en garde contre ce genre d’émission qui risque d'initier une nouvelle forme de règlement de comptes entre les lobbies d’intérêts qui peut basculer facilement vers la violence. Surtout que le terrain est propice dans un pays où l’Etat a perdu son autorité.

La violence étant devenue depuis la révolution protéiforme, associant trop étroitement revendications politiques, voire idéologiques, et banditisme classique, gangrénant le fonctionnement de la société, la voilà maintenant atteindre les sphères des lobbies médiatiques influents, au risque de remettre largement en cause le fonctionnement démocratique de l’Etat.

Ainsi, en plus de la violence politique «légitimée» par des extrémistes fanatiques et par les ennemis de la démocratie, la Tunisie risque d’être désormais menacée par une nouvelle criminalité de droit commun révélant les stratégies prédatrices des lobbies d’intérêt qui visent, dans une lutte sans merci, à contrôler chacun à sa manière son territoire.

Le comble dans cette affaire c’est que Nabil Karoui et Slim Riahi, qui se tirent dessus depuis des mois, contrôlent deux des télévisions les plus influentes du pays. Pire encore, ils étaient les meilleurs amis du monde. Ils  visaient à s’associer pour créer un empire médiatique fort dont ils détiennent à eux deux le contrôle pour orienter l’opinion publique.

Ils sont même arrivés à s’infiltrer dans les hautes sphères de la décision politique en Tunisie lorsqu’ils ont joué le rôle de conciliateurs entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebssi, et même en Libye lorsqu’ils ont joué les médiateurs entre les clans opposés. Avant que les affaires ne s’arrêtent brusquement pour une histoire de quatre milliards qui a fini en justice et dont le sort n’a jamais été élucidé.

Face à ces menaces et avant que ce genre de conflits d’intérêts ne tournent au vinaigre, l’Etat doit réagir pour endiguer ces nouveaux phénomènes quels que soient le nom et le statut des fauteurs de troubles.

Ses actions doivent être fortes et lisibles par des signaux homogènes et clairs émanant de ses différents services, mais aussi par un appel responsable à la classe politique et médiatique afin d’éviter d’instrumentaliser les conflits et de cesser de remonter les Tunisiens les uns contre les autres, en attendant que la justice ne se saisisse de ce genre de dossier brûlant.

B.M.K.