Nahdi aurait pu impliquer Dilou !

Nahdi aurait pu impliquer Dilou !

Rares sont certainement les Tunisiens qui n’ont pas entendu parler de l’affaire de la série « Ezzamil » de Lamine Nahdi. Les rebondissements qu’elle a connus, son hypermédiatisation, la victimisation de l’acteur concerné, ainsi que de certains membres de son équipe de production et leur acharnement contre ceux qui ont pris, à la télévision nationale, la décision de ne pas l’acquérir pour un montant avoisinant 400 mille dinars, ont fait qu’ « Ezzamil » devienne un feuilleton interminable avant même sa diffusion.

L’affaire a éclaté en février 2012 lorsque le comédien Lamine Nahdi a entamé une grève de la faim pour protester, selon ses dires, contre le veto de la commission de lecture de la Télévision publique tunisienne à l’encontre de sa nouvelle série intitulée à l’époque « Inspecteur Khalifa ».

D’après la version qu’il a présentée, la série humoristique aurait obtenu un accord de principe de la part de l’ancienne direction de la Télévision publique, mais la direction qui est venue après a vu les choses autrement.

Bien que la commission de la télévision ait justifié le rejet de la série « Inspecteur Khalifa » par le fait que le scénario est banal, qu’il ne contient pas de séquences comiques et qu’il comporte de grandes similitudes avec la série algérienne « Inspecteur Tahar », Lamine Nahdi a considéré ce refus « décrété par des ignorants », comme une grande humiliation pour son parcours artistique.

Mais malgré cela, un compromis a été trouvé entre la Télévision nationale et Lamine Nahdi pour enrichir le scénario, enlever toute similitude avec la série algérienne, trouver des sources pour le financement de cette production,avant d’enregistrer une émission pilote et de la faire superviser par une commission neutre.

L’apport du ministère des Droits de l’Homme et de la Justice Transitionnelle, qui a décidé de contribuer avec la somme de 100 mille dinars dans la réalisation de ce projet, a contribué largement à sa relance.

Surtout après que la série a changé de titre pour devenir « Ezzamil » et que le ministre Samir Dilou a été convaincu de son éventuelle contribution à la révélation des procédés de torture de la police du régime de Ben Ali.

Relancée par le soutien du ministre et convaincue de la qualité de son œuvre, la société de production ne s’est pas limité à enregistrer la seule émission pilote demandée par la commission pour la juger, mais a remis cinq émissions à la télévision nationale.

Après leurs visionnages, la commission n’a pas validé la programmation de la série parce que ses membres ont considéré que le niveau artistique était médiocre. Malgré les contestations de la société de production et les multiples interventions, cette décision a été entérinée par la commission des marchés de la télévision nationale et par son conseil d’administration.

Une grande polémique a bien sûr suivi. Entre grève de la faim, sit-in de protestations et campagnes médiatiques, Lamine Nahdi a usé de tous les moyens pour revendiquer son « droit » de voir son œuvre acquise par la télévision publique, assurant que la série sera quoi qu’il en soit une réussite et que son nom est à lui seule une garantie de son grand succès.

Après ces nombreux rebondissements qui ont duré des mois, Nahdi s’est rabattu sur les télévisions privées pour vendre son œuvre. Il a trouvé, semble-t-il, son compte avec la chaîne « Al Moutawassat » qui diffuse durant ce mois de Ramadan cette série.

Les téléspectateurs et les observateurs ont finalement pu juger la qualité de cette œuvre et savoir qui parmi Nahdi ou les commissions de la télévision avaient raison.

Au vu de ce qu’on a découvert, on peut dire sans risque de se tromper que c’est l’ex-ministre de la justice transitionnelle Samir Dilou qui est sorti grand gagnant de l’affaire.

Car si son ministère avait financé à raison de 100 mille dinars cette série au cas où la télévision nationale aurait accepté de la diffuser, Dilou aurait pu se retrouver dans de sales draps répondant à des questions sur sa gestion de l’argent public !

En somme, on peut dire que la montagne a accouché d’une souris dans une affaire à méditer qui prouve que les têtes d'affiches n'ont pas toujours raison !