Que devrions-nous craindre pour notre indépendance ?

Que devrions-nous craindre pour notre indépendance ?

 

En ce 20 mars 2017, qui coïncide avec le 61ème anniversaire de l’indépendance acquise de haute lutte pendant un combat inégal de plus d’un quart de siècle, la question qui hante les esprits est la suivante : « devrions-nous craindre pour cette indépendance » chèrement payée. Alors dans nos esprits, on pense pêle-mêle à la France, ancienne puissance colonisatrice, à l’Europe qui est à nos portes et qui peut être tentée par une nouvelle aventure coloniale mais aussi la plus grande puissance du monde, les Etats Unis d’Amérique et à un degré moindre la Russie présente dans notre mer Méditerranée. On pense aussi à la Turquie qui a envahi notre pays par ses marchandises bon marché. Mais aussi au Qatar qui a les moyens d’acheter nos palais et nos terres.

Mais par-dessus tout nous pensons aussi et certainement plus fortement du côté des hommes de gauche à ces institutions financières internationales qui tiennent en contrepartie des prêts qu’elles nous accordent nous dicter leurs oukases et peut être même hypothéquer sur le long terme notre souveraineté nationale. Certainement dans nos pensées nous sommes guidés par notre inconscient collectif qui se rappelle que notre pays a été colonisé à la fin du XIXème siècle parce qu’il est devenu colonisable.

Bien malgré nous émerge à la surface l’histoire des dettes contractées par les Beys et qui ont conduit à la banqueroute de l’Etat et à la mise en place de la Commission financière internationale, premier pays devant l’entrée des forces françaises sur le territoire tunisien pour imposer le protectorat à un souverain devenu dès lors fantoche.

Certes, nous ne sommes plus à l’ère de la canonnière où par la force des armes on envahit impunément un pays mais cela s’était produit comme ce fut le cas en Irak en 2003 ou en Libye en 2011. Mais ces deux interventions militaires étaient « justifiées » aux yeux d’une « communauté internationale » où la force prime, par la possession d’un arsenal d’armes de destruction massive qui s’est révélée être le mensonge de tous les temps comme ce fut le cas en Irak. En Libye, le prétexte trouvé pour introduire le chaos dans ce pays était qu’un dictateur était en train de massacrer son peuple.

Des justifications de ce genre sont toujours possibles. Mais pour la Tunisie elles sont exclues car notre pays a établi des liens d’amitié solides avec l’ensemble des pays du monde. Une diplomatie active tous azimuts mise en œuvre depuis l’ère Bourguiba et qui a retrouvé ses repères au cours des toutes dernières années représente le meilleur rempart contre toute velléité coloniale ou néocoloniale envers notre pays. Dans un monde globalisé la Tunisie grâce à une politique étrangère performante, la Tunisie reste un pays maître de ses décisions et donc de sa destinée. N’ayant aucun contentieux d’un quelconque ordre, soucieuse d’établir des liens d’amitié et de coopération avec les pays du voisinage et dans toutes les sphères de ses différentes dimensions elle n’a pas de crainte à avoir de ce côté. Respectée, elle n’a pas de souci à se faire. Du reste, elle traite d’égal à égal avec l’ensemble de ses partenaires traditionnels et nouveaux. D’ailleurs le succès de la conférence internationale sur l’investissement Tunisia 2020 est un nouveau témoignage de l’amitié et de la considération que vouent des pays proches ou lointains à la Tunisie. Son crédit sur la scène internationale ne fait que se renforcer ce qui est une assurance quant à son invulnérabilité dans le concert des nations.

Quant aux institutions financières internationales, si nous avons été amenés à recourir à leurs services, c’est bien évidemment en raison des difficultés inhérentes à la transition économique. Mais pour un mal c’est plutôt un bien. Car ces institutions vont nous obliger à entreprendre les réformes indispensables pour assainir nos finances publiques. La médication risque d’être dure à avaler mais nous n’avons pas le choix que de s’y soumettre. N’oublions pas que ce n’est pas la première fois que nous passons par là. En 1986, nous avons dû appliquer un Plan d’ajustement structurel qui a fini par remettre le pays à flots. A cette époque, quoiqu’on ait dit, la recette mise en œuvre pour se sortir d’affaire fut tunisienne, le FMI n’ayant pour rôle que de nous accompagner dans cette phase de recouvrement de la santé. Il importe dès lors que comme en 1986, le génie tunisien fonctionne à plein régime. Que l’imagination soit mise en œuvre et nous nous en sortirons, de cette phase délicate, plus forts et certainement mieux aguerris.

La Tunisie a toujours montré devant les difficultés des capacités insoupçonnées de pouvoir sauter les obstacles au moindre coût et de transcender la complexité des problèmes. Une dose de courage mêlée à une vision d’avenir nourrie par les expériences du pays est à même de nous guider dans la bonne et juste voie. Les hommes ou femmes de valeur ne manquent pas pour nous mener à bon port. Reste l’ennemi intérieur.

Bourguiba en grand visionnaire disait qu’il ne craignait pas pour la Tunisie l’ennemi extérieur car le monde a changé et notre pays a tissé des liens solides avec toutes les contrées de sorte qu’elle n’a plus d’ennemi extérieur à craindre. Quant à l’ennemi de l’intérieur, il peut prendre la forme de tribalisme, de régionalisme, ou plus insidieusement de luttes intestines, ou de différends idéologiques et le pire de conflits portant sur les valeurs communes qu’elles s’appellent la patrie, la religion. Ciments de la nation, ces valeurs ne doivent souffrir d’aucuns tiraillements de nature à porter atteinte à la cohésion du pays et à son union sacrée. « la concorde nationale » mise en place depuis la révolution entre des familles politiques divergentes est une manière de prévenir les conflits de cet ordre. C’est une assurance-vie pour la démocratie tunisienne naissante. Il faut la maintenir tant que le pays en a besoin.

Bien évidemment, le terrorisme est un ennemi externe puisqu’il est étranger à nos traditions et il porte atteinte à la nation dans ce qu’elle a de plus sacré le droit à la vie en sécurité. Mais il s’agit aussi d’un ennemi interne, puisque ce sont des Tunisiens qui mènent une guerre invisible contre d’autres Tunisiens portant atteinte à leur vie et à leur sécurité. C’est le plus grand défi à l’indépendance de la Tunisie. D’autant plus que les terroristes sont mus par une idéologie qui ne reconnait pas l’identité tunisienne et veut lui substituer une notion dangereuse et floue reposant sur un panislamisme factice et destructeur. C’est cet ennemi-là qu’il faut craindre. Il faut mettre tout en œuvre pour le combattre sans répit jusqu’à la victoire finale.

Raouf Ben Rejeb

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