Rentrée scolaire : Les chiffres, les nouveautés et les risques

Rentrée scolaire : Les chiffres, les nouveautés et les risques

 

Ce mardi 15 septembre c’est la rentrée scolaire. Quelque 1.940.000 élèves dont 1.060.000 dans le primaire et 880.000 dans le secondaire, vont retrouver ou découvrir  les cours des 4500 écoles, 1400 collèges et lycées, après, officiellement, 75 jours de vacances. Au lendemain de la rentrée des enseignants effectuée le 14, dont le nombre avoisine les 138.000 entre primaire(63.500) et secondaire(74.500).

La rentrée scolaire est l’événement qui mobilise l’ensemble des Tunisiens, familles, autorités publiques, société civile et medias. Tant il est vrai que l’école, malgré les vicissitudes du temps, demeure le bastion du savoir qui, indépendamment du recul qu’il connait, est la chose la mieux partagée. «L'éducation pour tous», engagée dès les premières années de l'indépendance, a fait de l'école un véritable ascenseur social qui a permis aux enfants de toutes les régions du pays de bénéficier de la généralisation de l'enseignement et de sa gratuité, pour se construire un avenir dans la Tunisie indépendante et de participer, une fois le diplôme en poche, à son développement. Même si, aujourd’hui, cette vision a complètement changé et l'ascenseur, parce que mal entretenu, est tombé en panne, l’école continue à assumer, tant bien que mal sa mission éducative. L’éducation a été élevée au rang de « priorité nationale absolue » et l’enseignement « est un droit garanti à tous les Tunisiens ». Par conséquent, l’école doit véhiculer les valeurs et les principes fondamentaux énoncés dans la constitution et « élever les élèves dans la fidélité à la Tunisie et  la loyauté à son égard, ainsi que dans l’amour de la patrie et la fierté de lui appartenir »,( article 3 de la loi relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire). La généralisation de l'enseignement et sa gratuité ont un prix. Le coût annuel moyen d'un élève au primaire est passé de 200 dinars en 1990 à 1.400 dinars aujourd’hui et celui d'un élève en classe préparatoire et secondaire a presque quintuplé pendant la même période, passant de 500 dinars à environ 2.300 dinars. Le taux net de scolarisation pour les enfants en âge d’être scolarisés est de 99.5% et il est de 94.2% pour les 6-16 ans. Il descend jusqu’à 81% chez les 12-18 ans.

Une uniforme unique

La nouvelle année va connaitre quelques nouveautés. Dans ses différentes déclarations, comme lors de la conférence de presse donnée hier, le ministre de l’éducation Néji Jalloul s’est engagé à restaurer la discipline à l’école. D’abord par l’instauration du port du tablier à tous les élèves, filles et garçons, sans distinction. En attendant d’imposer l’uniforme unique dans tous les établissements scolaires, « à l’instar des pays anglo-saxons » ! Encore faudrait-il sensibiliser davantage les enseignants à assumer leur mission d’éducateurs. Avec cette indifférence qui caractérise de plus  en plus certains d’entre eux, maquée par un laisser aller qui affecte même leur comportement vestimentaire, la tâche parait difficile. Il n’est pas rare de croiser un enseignant vêtu de haillons, allant en classe traînant dans de vieilles savates, avec des cheveux hirsutes et une barbe mal rasée. Et fumant devant ses élèves, s’il ne partage pas de cigarettes avec eux. Jalloul a promis, également, de revoir le calendrier des examens et le système d’évaluation ainsi que les emplois du temps qui « sont taillés sur mesure pour les enseignants alors qu’ils devraient être adaptés aux élèves ». Sur un autre plan, l’année 2015-2016 verra la réintroduction des concours de la « sixième » et du « neuvième » ainsi que la suppression définitive des 25% à l’examen du baccalauréat, introduite en 2002, et la révision du système de rachat pour mettre fin à une forme « d’enseignement populiste » annonçant l’avènement ou le retour à une « forme d’enseignement élitiste ». Des « réformettes », déjà contestées par les syndicats des enseignants qui exigent d’être impliqués dans toutes les décisions qui touchent au secteur, d’autant sont parties prenantes dans le dialogue national sur l’éducation.

Déjà une grève annoncée

Les déclarations du chef du gouvernement et du ministre de l’éducation ainsi que celles de certains membres du bureau exécutif de l’UGTT rassurent. Habib Essid a même annoncée « une paix sociale » pour les deux prochaines années. Soit. Mais ces déclarations ne sont pas partagées par d’autres responsables syndicaux. D’où les menaces qui continuent à peser sur la rentrée de cette année. Le bras de fer engagé entre le ministère de l’éducation et les enseignants du primaire et du secondaire a fortement  marqué la saison scolaire passée. Les examens de fin d’années ont été boycottés par les instituteurs et le ministère a été contraint de prendre des mesures exceptionnelles pour assurer le passage automatique des élèves. Une première dans les annales de l’école tunisienne. Les tiraillements ont continué durant les vacances d’été et on a assisté à des échanges, parfois, musclés entre les syndicats et le ministre  Néji Jalloul. Et si avec les professeurs, un accord a été signé le 10 septembre, mettant fin à l’annonce d’un boycott de la rentrée, avec le syndicat général du primaire, la menace persiste encore, et une grève de deux jours a été, dores et déjà décrétée pour les 17 et 18 septembre. A moins d’un accord de dernière minute. Ce qui est fort probable.

On ne peut pas réformer l’éducation nationale sans les enseignants.

 B.OUESLATI