Sacrés Tunisiens Schizophrènes, non, différents oui…

Sacrés Tunisiens Schizophrènes, non, différents oui…

 

Etre curieux, parfois étrange, toujours complexe. Ainsi est le Tunisien. Un brin contestataire, protestataire quand il s’agit de juger le comportement des autres, mais souvent tête dure qui ne voit pas le mal qu’il y en lui. L’enfer c’est les autres qui peuvent être ses proches, ses contemporains, ses amis. Qu’à cela ne tienne. Grognon pas toujours car parfois il se satisfait de peu. Parmi les autres, il y a ceux auxquels il s’attache malgré tout et à qui il sait gré de ce qu’ils sont, de ce qu’ils ont fait ou de ce qu’ils peuvent apporter. Alors versatile, peut-être bien, mais dans le bon sens du terme, car pour lui l’autre est perfectible, ce qui est mauvais aujourd’hui peut devenir bon sinon meilleur demain. Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, et très peu de Tunisiens se considèrent comme tels. Mais une qualité le distingue des autres c’est cette capacité à s’adapter pour rebondir. Pour peu que les apparences changent pour que lui aussi change. S’accrocher aux évidences, aller dans le mur, se battre avec les moulins à vent comme Don Quichotte, très peu pour lui. Ce n’est pas son genre. Les murs on les contourne, les obstacles on les ignore, les moulins à vent on les utilise pour ce pourquoi ils ont été inventés. Les évidences peuvent être des vérités aujourd’hui, des contre-vérités le lendemain. Alors pourquoi insulter l’avenir. C’est pour ces raisons que la grille de lecture des sondages chez nous n’a rien à voir avec ce qui passe ailleurs. Chaque peuple a son génie et le Tunisien en a un, bien propre à lui, que l’on ne retrouvera nulle part ailleurs. Jugez-en vous-mêmes. Posez-lui la question : la Tunisie est-elle sur la bonne ou la mauvaise voie (comme l’a fait Sigma Conseil pour le compte du quotidien le Maghreb), il vous répondra sans réfléchir : eh, bien sûr la mauvaise voie pardi ! En ajoutant dans son for intérieur : tout va de travers ! Rien ne marche comme on veut, voyez-bien ! Alors continuez à lui poser la même question, il vous répondra de la même manière avec une différence minime entre les personnes, interrogées. Car les Tunisiens ce n’est pas monolithique. Ils sont différents les uns des autres. Ils doivent être différents, vous répondent-ils avec une belle unanimité. Alors c’est normal que 62,2% des Tunisiens estiment que le pays est sur la mauvaise voie en mai, un peu moins de ce qu’ils étaient en avril (63,7%). Une différence qui ne semble pas significative, comme on dit.

Curieusement les Tunisiens estiment en grande majorité que le pays est sur la mauvaise voie, mais ils sont tout aussi nombreux à se dire satisfaits des hommes politiques qui les ont pourtant placés sur cette même mauvaise voie. Ils sont 67,0% à se dire très satisfaits ou plutôt satisfaits du président de la république, Béji Caïd Essebsi. En ce qui concerne le Chef du gouvernement Habib Essid, le total des satisfaits (66,3) n’est guère différent. Ce sont les proportions des « très satisfaits » (19%) et des « plutôt satisfaits » (47%) qui sont différentes mais sans réelle incidence sur l’ensemble. Peut-être parce qu’il a les mains dans le cambouis que les Tunisiens jugent le locataire de la Kasah plus sévèrement tout en se disant satisfaits quand même de lui. Mais encore un trait de caractère tunisien, satisfaction ne rime pas avec confiance. On peut être satisfait de ce que vous faites, mais l’on ne vous fait pas confiance dans les mêmes proportions. Allez savoir pourquoi. En tout cas personne dans la classe politique ne jouit de la totale confiance des Tunisiens. Une autre particularité bien de chez nous. Quoi que vous fassiez, ceux qui vous critiquent risque d’être plus nombreux que ceux qui vous apprécient Alors dans le baromètre Sigma c’est Néji Jalloul qui obtient le taux de confiance le plus élevé (48%) mais moins que la moyenne.

Le ministre de l’Education est-il plébiscité pour autant. C’est exagéré de le dire. Toujours présent sur les médias, accessible et travaillant sur un dossier brulant qui intéresse toutes les familles, sa manière de faire, en tout cas ses réactions face à l’extrémisme des syndicats sont appréciées par un nombre élevé de ses compatriotes. Le président de la république a beau satisfaire plus des deux tiers des Tunisiens, ils ne sont que 41% à lui faire confiance. Je voudrais bien poser la question aux 27% perdus en chemin, satisfaits oui mais confiants pas du tout. Allez comprendre les nuances. Habib Essid lui en perd 30% (36% lui font confiance pour 66% de satisfaits). Si pour les hommes ou femmes politique qui sont dans l’action, le taux élevé de confiance peut être justifié, comment expliquer des taux de confiance aussi hauts obtenus par ceux qui n’ont jamais été mis à l’épreuve du vrai pouvoir. Adelfattah Mourou joue sur l’image de l’islamiste ouvert pour gagner 41%, autant que le Chef de l’Etat en personne, alors que Samia Abbou dont on connaît la voix plus que l’œuvre fait jeu égal avec le président de l’ARP, Mohamed Ennaceur. Seul le taux, 26% obtenu par Mehdi Jomaa dû la bonne image qu’il a laissée auprès de l’opinion publique justifie qu’il continue à avoir un préjugé favorable malgré son départ de l’action directe. Sacrés Tunisiens. Un peuple à part. L’exception tunisienne c’est aussi ça. Fruit et résultante d’un long cheminement des hommes et des idées.

Schizophrènes les Tunisiens ? Vous n’y êtes pas du tout. Différents certainement. Mais avec une belle constance.

Raouf Ben Rejeb

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