Séminaire sur le parcours du diplomate et écrivain Hatem Karoui

Séminaire sur le parcours du diplomate et écrivain Hatem Karoui

 

La Fondation Temimi a accueilli le samedi 1er novembre 2014 matin le diplomate et écrivain Hatem Karoui, spécialisé dans le créneau du roman historique en langue française.

L’assistance composée comme à l’accoutumée  des habitués de la fondation appartenant à l’intelligentsia tunisienne a suivi avec intérêt l’exposé du principal intervenant à ce séminaire.
 
Hatem Karoui a commencé par brosser aux présents les circonstances dans lesquelles il a entamé sa carrière d’écrivain. Revenant d’Afrique du Sud où il avait passé quelques années à la tête de la Mission Economique Tunisienne à Johannesburg, il avait « métabolisé » cette fantastique expérience coïncidant avec la période qui avait suivi les élections multiraciales et l’accès de Nelson Mandela à la magistrature suprême.

La confrontation de visu aux séquelles encore tenaces de la discrimination raciale connue sous la dénomination de l’Apartheid, lui avait fait revivre dans un « flashback » son enfance alors que la Tunisie vivait les derniers soubresauts du Protectorat.

Les colons étaient alors pour la plupart partis mais Hached avait alors été sauvagement exécuté. Ces ultimes manifestations de la violence motivées par la recherche de l’accréditation de l’idée que les humains étaient nés inégaux lui avaient rappelé la violence restituée aux Blancs pour le traitement bestial et criminel qu’ils avaient longtemps réservé aux Noirs.
Le sentiment d’injustice comme une blessure béante avait été cependant pansé et la volonté du  « vivre ensemble » lentement reconstruite.

Pour Hatem Karoui, le passé éclaire toujours le présent. Il avait montré dans son premier roman « Le destin tragique du juif Baittou » qu’avant le Protectorat français en Tunisie, les communautés religieuses arrivaient à coexister pacifiquement. Mu par un réflexe pédagogique, il avait fait valoir que les tensions arrivaient néanmoins à poindre de temps à autre. Ce qui avait entraîné l’exécution du cocher juif Baittou de manière injuste après sa condamnation par la justice beylicale pour un délit mineur. Dans son second ouvrage « Meurtre au palais du Bardo », il avait tissé la toile de fond sur l’organisation par les autorités coloniales de la participation tunisienne à l’exposition universelle de Paris de 1889.

La trame du récit était focalisée sur la rivalité entre deux intellectuels indigènes qui pourtant participaient communément et de manière brillante au mouvement de réforme de la société musulmane. Son troisième roman « Lady Zeineb » traçait en filigrane l’itinéraire d’une princesse égyptienne, héritière de la dynastie de Mehmet Ali qui avait introduit en Tunisie le modèle des salons à vocation culturelle et littéraire durant la période coloniale. Cette dernière en avait profité pour soutenir le mouvement des réformes engagé à cette époque en Tunisie notamment par Ali Bachhamba et Abdelaziz Thaâlbi.

L’auteur a aussi parfois donné à ses ouvrages romancés un cadre historique plus ancien. Ainsi en est-il de « L’Emissaire Barbaresque au Nouveau Monde » qui mettait en scène un litige entre Hammouda Pacha et Thomas Jefferson, qui avait failli provoquer une guerre entre la Régence de Tunis et la jeune république américaine. La base en était la saisie par l’US Navy de deux navires tunisiens au port de la Tripolitaine alors que la Libye était sous blocus américain pour cause de piratage en Méditerranée.

Le Monarque tunisien avait pour essayer de résoudre le conflit –d’autant que les deux pays étaient théoriquement en paix- envoyé une délégation tunisienne dirigée par son émissaire particulier, l’ambassadeur Slimane Mellamelli. L’auteur a aussi parlé d’une pièce de théâtre historique qu’il avait écrite intitulée « La résurrection d’Ulysse » qui se concentrait sur un événement majeur : la bataille navale en 1560 entre les flottes ottomane et espagnole au large du fort « Ghazi Mustapha » à Djerba.

Enfin, l’auteur a brièvement parlé de sa dernière œuvre dont le titre est « Le drogman » qui est en cours de parution et qui se rapporte à la biographie de son propre grand-père, l’Emiralay Mohamed Karoui, fidèle lieutenant de Keireddine Pacha et ayant joué un rôle majeur dans le mouvement de réformes en Tunisie et ayant été en particulier le premier président de l’école Khaldounia, le premier directeur des Archives gouvernementales et l’un des fondateurs de l’école des filles musulmanes de la rue du Pacha. Le titre provient du fait que le cheikh Karoui avait été par ailleurs un brillant interprète durant les premières années de sa carrière administrative.

Le débat qui a suivi a été très riche et les questions très nombreuses. Elles ont porté sur la différence entre roman historique et recherche académique dans le domaine historique, sur les nouvelles technologies au service de l’édition, sur les problèmes liés à l’édition en Tunisie, etc. Hatem Karoui a aussi été interrogé sur la période qu’il a passée en Afrique du Sud et sur les enseignements qu’il en a tiré. Ses réponses en la matière ont été très instructives.

Par la suite une séance de dédicace a été organisée en sachant que le séminaire a été entièrement filmé dans la salle  très bien équipée de la fondation. Et comme à son habitude si Abdeljelil Temimi a mis tout son poids dans la balance par son sens de l’organisation et ses interventions pertinentes pour faire de cette rencontre une manifestation  parfaitement réussie.