Taoufik Baccar: De la dette, encore de la dette, rien que de la dette

Taoufik Baccar: De la dette, encore de la dette, rien que de la dette

 

Dans un article publié dans sa page Facebook, l’ancien gouverneur de la Banque Centrale Taoufik Baccar,  a expliqué que « le recours au financement extérieur est une arme à double tranchant. Maitrisée et bien utilisée la dette peut être une source de croissance et de création de richesses. Mais quand cette dette prend une dimension disproportionnée ou qu’elle s’impose à vous comme le seul recours possible, elle peut mener à la ruine. Des pays, autrement mieux lotis que la Tunisie en ont fait les frais ».

Une dette qui explose

En Tunisie si tous les indicateurs montrent l’augmentation sans précédant de la dette, aussi bien publique qu’extérieure depuis 2011 (volume de la dette, taux de la dette par rapport au PIB ou du PNB), l’indicateur que j’ai toujours privilégié, est celui du volume de la dette extérieure nette des réserves de changes parce qu’il exprime à mon sens le risque réel du pays. Sur ce plan les chiffres exprimés en milliards de dinars sont éloquents :

2010 2015 Evolution
(en%)

-volume de la dette extérieure à LMT 23 39 +70%
-Réserves de change 13 13 -
-Volume de la dette extérieure 10 26 +160%
nette des réserves de change

Ainsi entre 2010 et 2015 le volume de la dette extérieure nette des réserves de change en devises aurait été purement et simplement multiplié par 2.6.
Mais le problème n’est pas simplement une question de niveau de la dette, mais également de maturité de la dette. A ce niveau force est de constater que la maturité de la dette nouvellement contractée s’est beaucoup rétrécie, ce qui augure d’une augmentation prochaine de la dette qui viendrait à échéance et des difficultés de remboursement que cela pourrait entrainer d’autant que ces financements ont été utilisés pour couvrir des dépenses de fonctionnement et des déficits qui ne sont pas générateurs de croissance. Dernièrement le responsable des programmes économiques gouvernement a déclaré que le pays est sur le point de mobiliser 2.8 Milliards de dollars du FMI pour contribuer au financement du plan durant les quatre prochaines années oubliant de signaler que durant cette même période la Tunisie aura à rembourser les 1.7 Milliards de financement mobilisés auprès du même Fonds en 2013, ce qui signifie que la position nette à l’égard du Fonds sera de 1.1 Milliard de dollars.
Une précision de taille 
Au risque de choquer ceux qui ont fait de ce qu’il appelle « la dette odieuse » un cheval de bataille, il faut préciser que de plus en plus la dette à rembourser est celle contractée après 2011 en raison du raccourcissement des maturités des nouveaux emprunts contractés. A défaut de la publication du fascicule sur la dette extérieure depuis 2011, il a été procédé à des recoupements de données. Ces recoupements montrent que les remboursements en 2017 au titre des prêts contractés auprès du marché financier ou le FMI montrent que le volume de ces remboursements atteindrait 1500MD (sur un total de remboursement de près de 7 Milliards de dinars y compris les prêts bilatéraux et multilatéraux) environ dont 1300MD soit plus de 85% proviendraient e de prêts contractés après l’année 2011. Seul le prêt en Yen Japonais contracté en 1997 sur le marché Samouraï d’ailleurs à des conditions avantageuses (taux de 1.35% pour une maturité de 20 ans) sera remboursé à ce titre en 2017. 
Pour toutes ces raisons, On ne peut que souscrire à l’idée de la réalisation d’un audit de la dette à condition qu’il concerne également tous les crédits contractés par la Tunisie jusqu’à 2016 et que cet audit concerne l’utilisation de ces crédits et leur condition et la façon avec laquelle la dette a été gérée. A cet égard il faut rappeler que la Tunisie forte de sa connaissance des marchés financiers, a procédé durant la période 2006/2008 à des remboursements anticipés de crédits contractés à des taux élevés durant les années 1990, pour un montant total de 1 Milliard de dinars, ce qui a généré au pays des gains de près de 50 millions de dinars. Forts de ces résultats, les autorités ont décidé en 2010 la création d’un organisme spécialisé pour assurer la gestion dynamique de la dette, qui s’appellerait Tunisie Trésor, organisme dont j’ai parlé dans un statut antérieur, et qui constituera selon le Ministre des Finances le principal axe de la réforme dans ce domaine. Que de temps perdus !
Des temps difficiles devant nous
La Tunisie aura à gérer durant les cinq prochaines années des temps difficiles. Les crédits contractés auprès du FMI, sont d’une courte maturité. Le service de la dette pourrait rapidement atteindre le seuil de 7 à 8 milliards de dinars et représenterait une sérieuse menace au Budget de l’Etat et à la Balance de Paiement.
Si par malheur la croissance économique ne reprend pas d’ici là, la Tunisie n’aura plus de choix que de rééchelonner sa dette, ce qu’elle a toujours refusé de faire jusqu'à présent. C’est dire l’importance de tout mettre en œuvre pour une reprise de la croissance et cela ne peut se faire qu’à travers la mobilisation de toutes les énergies et les potentialités du pays et la libération des initiatives.

A cet égard, il faut signaler que seuls la mise en œuvre d’un ambitieux programme de reforme, d’une réconciliation économique et financière, et l’arrêt de la diabolisation de l’Administration et des hommes d’affaires sont à même d’assurer un tel objectif. Il faut remettre la machine économique en marche ; il en va de la suivie de ce pays et de l’avenir nos enfants.

T.B

 

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