Vivement la construction dans l’union

Vivement la construction dans l’union
 
Des Tunisiennes et des Tunisiens se sont levés ce matin avec un sentiment nouveau de devoir accompli après avoir franchi une étape décisive dans la consolidation de notre démocratie. Les tendances sont désormais quasiment dessinées et la compétition interne devra bientôt céder la place à la compétition de la Tunisie unie face au reste du monde.
 
Nidaa serait selon les premiers sondages, le premier parti en sortie des urnes législatives. Il serait suivi par Nahdha, UPL, Jabha, Afek… Ainsi, si les programmes électoraux partagés par les partis politiques étaient relativement proches dans les grandes lignes avec quelques différences en profondeur dont la sensibilité sociale versus libérale, c’est définitivement la victoire du leadership qui a permis à Nidaa de rayonner.
 
Une belle victoire du Leadership
 
Félicitations à Nidaa, mais également à l’ensemble de notre classe politique et surtout aux institutions de l’Etat et à la société civile qui ont soutenu la trajectoire de transition de la Tunisie ces dernières années. Enfin, félicitations à tous les citoyens.
 
Ces résultats électoraux viennent reconnaitre l’importance des machines électorales, confirmer l’importance de la motricité financière et professionnaliser l’exercice de la politique en Tunisie. Ces résultats sont également positifs pour les partis qui ont reculé aux yeux de l’opinion publique, dans la mesure où c'est l’occasion, pour eux, de tirer les leçons de cette précieuse évaluation afin de progresser pour mieux aborder les prochaines batailles.
 
Divisions, bipolarisation, quelles seront les réponses apportées ? 
 
L’adage tunisien disant si bien « elli aendou lekaeb yelaeb kima yheb / اللي عندو الكعب يلعب كيما يحب » ou encore « celui qui a les billes joue comme il veut », Nidaa pourrait avec l’ivresse du succès être tenté par une pseudo-facilité. Faut-il continuer à porter le clivage anti-islamiste et gouverner selon sa vision en élargissant sa coalition à des sensibilités très proches ou vaut-il mieux adopter une ouverture qui va davantage dans le sens des intérêts de la Nation ?
 
Après quatre années de clivages et de divisions, la Tunisie peut-elle avancer vite tout en étant divisée jusqu’aux prochaines élections dans cinq ans ? Les constats sont unanimes, les défis sont énormes, les réformes nécessaires sont impopulaires et douloureuses, les ressources sont limitées. La sécurité, la paix sociale et l’économie sont fragiles, l’impatience pour des résultats tangibles est pressante et le temps est plus que compté ! 
 
Mieux vaut dans ce cas mettre plus de chances de son côté et privilégier l’unité de la Nation.
 
Scénario 1 – coalition sans Nahdha
 
Une coalition sans Nahdha, au profit des petits partis "démocrates" laisserait une opposition parlementaire forte et engendrerait un sentiment d’exclusion pour une partie de la société. Si la constitution du gouvernement et l’exécution du programme de Nidaa semblent plus faciles dans une coalition sans Nahdha, la réforme de l’Etat et la sécurité du pays nécessiteraient une fermeté dictatoriale qu’on pensait avoir enterrée depuis la révolution !
 
La tentation de remettre en état de marche les appareils grippés de l’ancien système serait plus forte et sa mise en œuvre probablement plus aisée sans pour autant garantir la relève des défis de la nouvelle Tunisie. Ce serait un pari risqué préparant probablement une nouvelle alternance dans 5 ans là où la Tunisie aurait besoin de 2 ou 3 législatures de continuité de reconstruction.
 
Ce scénario digne des démocraties matures serait-il bénéfique pour la Tunisie fragilisée en cette période post-révolutionnaire ? Personne de censé ne saurait le garantir en ces temps d’incertitude.
 
Scénario 2 – coalition avec Nahdha
 
Une telle coalition donnerait :
 
• une plus grande majorité au parlement et les lois de la seconde République bénéficieraient d’un consensus plus large et seraient votées plus facilement, 
• une meilleure entente entre les deux exécutifs Kasbah & Carthage, 
• un Etat plus fort avec un leadership incontesté de Béji Caid Essebsi soutenu par Rached Ghannouchi, derrière lesquels les forces vives du pays se mettraient à travailler ensemble plutôt que d’alimenter des querelles internes.
 
Le vrai challenge de la Tunisie se caractérise par une meilleure compétitivité face à la mondialisation. Toutes oppositions internes à la Tunisie nuiraient à sa progression et seraient coûteuses en termes de sécurité, de réformes structurantes et de développement économique et social.
 
La Tunisie ayant objectivement besoin d’être gouvernée dans les prochaines années avec un esprit social-démocrate, tout en laissant au secteur privé l’ouverture et la place qui devrait être la sienne en fonction de sa motricité, c’est autour d’un programme inspiré de celui de Nidaa et enrichi avec les contributions d’une coalition large pour le rendre exécutable sur les cinq prochaines années que la Tunisie diminuera ses divisions internes et avancera vite pour rattraper le temps perdu.
 
De même qu’il a été admirable que les élus de Nahdha fassent une coalition avec CPR & Ettakatol en 2011 pour nous offrir une nouvelle constitution après 2 ans, dans laquelle ils ont refusé l’exclusion des RCDistes de la vie politique tunisienne, il serait admirable que Nidaa intègre dans sa coalition la deuxième force politique de la Nation sans exclusion des autres. Ceci nécessite bien entendu de dépasser les égos et les intérêts partisans, privilégiant l’intérêt suprême de la Nation. Seul ce dernier compte et avec la vague d’enthousiasme générée par le succès de Nidaa, ce rêve pour la Nation - et certes cauchemar pour certains conservateurs - devient permis.
 
Béji Caid Essebsi à Carthage et une coalition autour de Nidaa et Nahdha dans la majorité parlementaire et le redressement rapide de la Tunisie deviendrait plus plausible et plus crédible.
 
Puissent ces idées alimenter les réflexions de nos stratèges et prochains gouvernants.
 
En attendant, félicitations à la Tunisie nouvelle et à tous ses amis.        
 
Mounir Beltaifa
 
Mounir Beltaifa est un ingénieur civil de l’Ecole des Ponts ParisTech, un expert de la transformation des organisations et du développement, possédant une grande expérience à l’international. Il est fondateur et Président de Bridgers One, et il est Président de CONECT France