Amine Mahfoudh : On est dans le pétrin ! Comment en sortir?

Amine Mahfoudh : On est dans le pétrin ! Comment en sortir?

Amine Mahfoudh était dans tous ses états ce dimanche, trois jours après la publication du « projet de constitution » qui est loin, très loin du « draft » auquel il a contribué et dont il considère qu’’il était bien meilleur que celui qui sera soumis aux Tunisiens le 25 juillet prochain lors du 1er référendum post-révolution. Invité d’un « Grand Débat » exceptionnel ce dimanche sur Shems-FM par notre consœur Myriam Belkadhi, il était toujours sous le choc, inconsolable parce qu’il se sentait trompé, abusé, dupé.

Déçu il ne l’était qu’à moitié car il savait que l’exercice auquel il était associé, était miné à la base, puisque le comité dont il faisait partie était consultatif. Mais il ne croyait qu’il allait être avec son co-équipier Sadok Belaïd les dindons de la farce. Néanmoins, il sentait le coup venir. Le président Kaïs Saïed leur a fait comprendre qu’il regrettait d’avoir mis en place ce comité. Il aurait aimé qu’on lui dise qu’on était dans l’incapacité de produire un draft. Il s’en serait satisfait.

Ce qui lui a fait le plus mal, c’est que le président de la République a fait publier le texte, dont il est sûr qu’il est l’unique auteur sans avoir réuni le comité pour discuter avec lui des changements qu’il avait introduits. La pilule aurait pu mieux passer si Saïed avait eu la charité de ne pas les laisser sur le carreau sans un mot, sans une remarque. Il avait surtout de la compassion pour son compagnon d’infortune qui s’était répandu dans les médias pour souligner qu’un chapitre entier de la loi fondamentale sera consacré aux questions économiques et sociales, alors qu’il n’en sera rien. Saïed aurait dû faire savoir à Sadok Belaïd qu’il n’en sera rien, pour qu’au moins ce dernier puisse garder un minimum de dignité.

Au cours de sa prestation médiatique, Amine Mahfoudh, n’a pas mâché ses mots. Le «projet » de Kaïs Saïed est dangereux. C’est un « coup dur » pour les droits et les libertés. Il est loin d’instaurer un régime démocratique, il est même anti-démocratique puisque il ouvre la voie à une dérive autoritaire du pouvoir. En raison notamment d’un président de la République omnipotent, détenteur d’un pouvoir très étendu, avec un parlement affaibli et sans contre-pouvoir véritable. De plus un président qui échappe à tout contrôle et qui jouit d’une totale irresponsabilité. En gros, le président fera ce qu’il veut sans jamais être inquiété. Un retour en somme à l’ère Ben Ali.

L’interlocuteur de Myriam Belkadhi n’a pas été tendre avec la Cour Constitutionnelle telle que prévue dans le projet de Kaïs Saïed. Alors que ce dernier ne cesse de critiquer les magistrats, il remet aux plus anciens d’entre eux, c’est-à-dire aux plus conservateurs la destinée de la plus haute instance juridique du pays. De plus ce sera « un club de vénérables pré-retraités », les uns succédant aux autres ce qui risque de créer « l’insécurité judiciaire » selon ses mots. Dans la mouture proposée par le duo Belaïd-Mahfoudh, la Cour Constitutionnelle est formée de trois professeurs universitaires, de trois avocats auprès de la Cour de Cassation et de trois hauts magistrats.

Amine Mahfoudh estime que suite à la publication du projet de Kaïs Saïed, « on est dans le pétrin ». Pour en sortir, il propose de prendre prétexte de la correction des « erreurs de toute nature » qui sont légion dans la publication du JORT pour faire une révision de fond en comble du projet de Constitution avant de le soumettre au référendum. « C’est faire preuve de naïveté que de faire une telle proposition, lorsque l’on sait que Kaïs Saïed ne change jamais d’avis » a rétorqué Myriam Belkadhi à son invité. Lui, il n’en démord pas. C’est la seule voie qu’il estime possible.

Ayant été embarqué dans cette aventure, car il estimait que la Constitution de janvier 2014 n’était pas viable, Mahfoudh ne pouvait légitimement appeler à voter contre le projet de Kaïs Saïed. Quand bien même cette éventualité pourrait être envisagée, auquel cas le président de la République doit en tirer les conséquences en présentant sa démission.

« Si malgré tout, le « oui » l’emporte, il faudrait que la classe politique unisse ses rangs pour appeler à voter pour un nouveau président en 2024 » estime Amine Mahfoudh. Pour déconstruire ce que Kaïs Saïed avait construit.

RBR

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