Crise de gouvernance  ou crise de régime ? .

Crise de gouvernance  ou crise de régime ?  .

Aujourd'hui, la Tunisie célèbre le 61ème anniversaire de la fête de la République, sur fond de crise au sommet de l’Etat entre le président de la république et le chef du gouvernement. Pourtant Youssef Chahed, que rien ne prédestinait à une telle promotion, a été choisi par Béji Caid Essebsi pour remplacer l’ancien haut commis de l’état, Habib Essid poussé vers la porte de sortie. Mal lui a pris, puisque le jeune « poulain » a, depuis, repris du poil de la bête et s’est fait pousser des dents longues. Après avoir réglé ses comptes à son rival Hafedh Caid Essebsi qui dirige le mouvement présidentiel, qu’il a accusé d’avoir détruit le parti, Chahed a limogé avec fracas le ministre de l’intérieur Lotfi Brahem, contre la volonté du chef de l’état. C’en est trop pour le président. Un crime de lèse-majesté, impardonnable de la part du vieux briscard de la politique tunisienne qui, du temps de Bourguiba, avait côtoyé les grands du monde quand il était à la tête la diplomatie et il continue de le faire. Voire un parricide si l’on sait que sans Béji Caid Essebsi, Youssef Chahed n’aurait pas existé. Le cordon ombilical est coupé.

Cette crise pose, en effet, la question du régime politique imposé par des constituants peu prévoyants. Un régime hybride qui, selon plusieurs constitutionnalistes voire politiques, ne convient pas à une jeune démocratie. La constitution de janvier 2014, qui a instauré un régime semi parlementaire a, considérablement, rogné les compétences du président de la république, pourtant élu au suffrage universel. Placé à un poste prestigieux mais honorifique, il ne dispose pas de vrais pouvoirs pour agir sur le cours des événements. Il se trouve, des fois, confiné à inaugurer les chrysanthèmes. Par contre, elle accorde au chef du gouvernement des compétences plus élargies. Même s’il reste, l’otage du parlement, lequel, en plus de contrôler son action, le contraint à revenir vers lui pour toute modification de son équipe, ne serait-ce que pour remplacer un secrétaire d’État. Il est pratiquement devenu « un simple courtier politique sous haute surveillance parlementaire ».

Ce régime est aussi le produit d’un code électoral qui a instauré le mode de scrutin proportionnel au plus fort reste, lequel, même s’il fait apparaître « une meilleure représentation des électeurs », participe à l’éparpillement des voix et, par là même, à celle des sièges lors de leur répartition. Aujourd’hui, une vingtaine de partis sont représentés au Parlement, dont huit ont un seul député. Cette loi électorale ne permet à aucune formation politique d’obtenir la majorité absolue. Fruit de conciliabules entre des partis se méfiant les uns des autres, il empêche qu’un seul parti puisse véritablement gouverner seul. Depuis le 17 janvier 2011, date de la formation du premier gouvernement de transition de Mohamed Ghannouchi, se sont succédé sept Premiers ministres et dix équipes gouvernementales, soit une tous les dix mois. C’est un « scrutin de non-gouvernabilité » conduisant « à une situation de non-gouvernance », comme le disait le constitutionnaliste Amine Mahfoudh.

 Ce système se révèle être une véritable pétaudière pour une démocratie naissante. Cela a eu des conséquences graves pour la gouvernance de la Tunisie.

Devant l’impossibilité de toucher à la Constitution, du moins pour le moment, eu égard notamment à la non installation de la Cour constitutionnelle, le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a annoncé le 20 mars dernier, à l’occasion de la célébration du 62e anniversaire de l’indépendance, la révision de la loi électorale. Un projet de loi devrait, normalement, être déposé par le gouvernement devant l’Assemblée de représentants du peuple pour modifier le mode de scrutin des prochaines législatives, prévues au mois de décembre 2019.

Pour le moment la classe politique est en proie aux tiraillements et aucun débat n’a été engagé autour de cette proposition. Il faudrait plus de volonté et moins de répugnance, plus d’esprit d’Etat et moins d’esprit partisan pour pouvoir appréhender les vrais sujets.

B.O

 

 

 

 

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