Ennahdha-Nidaa-UGTT : consensus, quel consensus ?

Ennahdha-Nidaa-UGTT : consensus, quel consensus ?

 

A sa sortie de l’audience que lui a accordée le président Béji Caïd Essebsi, le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi n’avait que ce mot à la bouche. Consensus par ci, consensus par là, six fois le mot est répété en moins de trois phrases.

Ce qui a amené les spécialistes du déchiffrage, à interpréter cela comme un changement radical de la position du parti islamiste qui pour les beaux yeux de ce consensus va lâcher le chef du gouvernement Youssef Chahed, après l’avoir porté à bout de bras.

D’ailleurs on attendait pour le lendemain que le sort de ce dernier soit scellé et qu’à son retour de Chine, il soit renvoyé à ses chères études, d’une manière ou d’une autre. Soit qu’il soit acculé à démissionner ou qu’il soit éjecté suite à une motion de censure qui réunirait finalement les 74 députés pour être déposée et les 109 élus de l’ARP pour être adoptée. Dans la foulée comme par enchantement un nouveau locataire de la Kasbah sera nommé et tous les problèmes du pays seront réglés.

Il semble cependant qu’il n’en est rien et que les espoirs de Nidaa Tounés aient été douchés. Tout ce branle-bas de combat tenait à un engagement qu’aurait pris le Chef du gouvernement lors d’un entretien avec Rached Ghannouchi. De retour de Chine, il proclamerait qu’il n’est pas concerné par les élections présidentielles de 2019 comme le lui demandait le parti islamiste. Une demande faite il y a un an par le président d’Ennahdha et que vient de réitérer solennellement la plus haute instance du mouvement islamiste, son Majlés Choura.

C’est semble-t-il ce message qu’a transmis Rached Ghannouchi à Béji Caïd Essebsi en souhaitant qu’il en fasse part à Nidaa Tounès le parti qu’il a fondé et dont le directeur exécutif est son propre fils et à l’UGTT, l’organisation que préside Noureddine Taboubi devenu ces quelques mois un intime du Chef de l’Etat.

Le chef d’Ennahdha espérait ainsi que la parenthèse de la crise gouvernementale sera close et que le feu vert soit donné à Youssef Chahed pour procéder au remaniement auquel il s’était attelé depuis des mois.

De sorte que le pays puisse entrer de plain pied dans la préparation des prochaines élections, une échéance que le parti islamiste voudrait voir se tenir à sa date prévue.

Un report de ces élections comme le bruit en a couru sera, selon les islamistes, non seulement catastrophique pour le processus démocratique dans le pays mais il est surtout inacceptable pour les partenaires extérieurs de la Tunisie. Les Etats Unis ont d’ailleurs dépêché une délégation du Congrès pour mettre en garde contre ce scénario dès qu’ils ont pris connaissance de ces rumeurs d’ajournement.

Si le président Essebsi a pris acte du message que lui a transmis Rached Ghannouchi sans broncher et peut être sans trop y croire, car les promesses selon le mot d’un homme politique français célèbre ne tiennent que pour ceux qui veulent bien y croire, ni Nidaa Tounés, ni encore moins l’UGTT ne semblent enclins à accepter le maintien de Youssef Chahed quels que soient les arguments, qui ne sont pas pour eux que de faux semblants.

Le parti dirigé par Hafedh Caïd Essebsi et la centrale syndicale conduite par Noureddine Taboubi veulent la tête de Chahed et rien ni personne ne peuvent les faire changer d’avis.

Nidaa Tounés a imaginé le scénario qu’il mettra en œuvre si Youssef Chahed ne lâchera pas prise. Il demandera aux ministres et secrétaires d’Etat nidaïstes de présenter en bloc leur démission. C’est le sens de la réunion convoquée par le directeur exécutif de ce parti à laquelle moins de la moitié des membres du gouvernement concerné aient pris part.

Même si les présents ont « délégué » à la direction du parti le soin de décider du moment d’activer ce scénario, rien ne dit que les membres du gouvernement concernés sauteront le pays le moment opportun. Mais cette menace agira comme une épée de Damoclès suspendue à la tête de Youssef Chahed.

Quant à l’UGTT, elle compte recourir à la grève générale dans le secteur privé. Selon Taboubi Il y a une forte probabilité pour que la centrale ouvrière décrète une grève générale dans le secteur public. La commission administrative se réunira le 13 septembre courant afin de prendre une décision à ce sujet, a-t-il ajouté.

La grève intervient en signe de protestation contre l’atermoiement du gouvernement face au dossier du secteur public et aux négociations sociales, a-t-il précisé en marge des travaux d’une conférence nationale tenue à Hammamet.

Ainsi on est revenu à la case départ. Ennahdha est attaché à la « stabilité gouvernementale » entendez par là le maintien de l’actuel gouvernement avec Youssef Chahed à sa tête, alors que Nidaa Tounés et l’UGTT réclament plus que jamais « un profond remaniement du gouvernement » c'est-à-dire le départ de toute l’équipe et son chef en premier.

Comme le président de la République ne dispose d’aucun moyen pour contraindre Youssef Chahed à jeter l’éponge, la seule issue reste la démission de celui-ci. A défaut de cette éventualité, la crise risque de perdurer plus que de raison.

Et le pays sera aux prises avec tous les dangers y compris, le scénario catastrophique d’une mise entre parenthèse de la transition démocratique.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’attendre à une reprise des concertations de Carthage 2, ni à une mise en œuvre des 63 points sur lesquels le consensus a été réalisé.

RBR

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