Kaïs Saïed n’est pas le chef de guerre qu’on espère, plus rude sera d’ailleurs la chute.

 Kaïs Saïed n’est pas le chef de guerre qu’on espère, plus rude sera d’ailleurs la chute.

 

Enfin le président de la République Kaïs Saïed a pris conscience de l’ampleur de la crise sanitaire que traverse le pays et qui se traduit par une croissance du nombre des personnes atteintes par la Covid-19 et celles qui en décèdent. Depuis plusieurs jours ce sont 100 Tunisiens qui rendent l’âme à cause de ce vilain virus alors qu’autour de six mille personnes sont contaminées quotidiennement.

On aurait poussé un ouf de soulagement si ce n’est que le chef de l’Etat a réuni autour de lui en urgence, nous dit-on, un samedi soir un jour chômé des cadres militaires et sécuritaires dont on ne connait ni la fonction ni la responsabilité. A part la ministre directrice du cabinet présidentiel Nadia Akacha affairée à prendre des notes et qui suit son mentor de président comme son ombre c’est tout juste si on reconnait en bout de table le directeur général de la Santé militaire, le général de division médecin Mustapha Ferjani.

Il y a lieu de se demander pourquoi ni le chef du gouvernement-ministre de l’Intérieur par intérim, ni le ministre de la Santé, ni le ministre des Affaires étrangères (censé faire venir le vaccin) ni d’ailleurs le président du comité scientifique, ni le chef de la campagne de vaccination n’ont été convoqués à cette réunion d’urgence. A se demander d'ailleurs qui va appliquer les décisions ou les mesures arrêtées par la réunion de samedi. En l'absence des responsables idoines ce ne serait qu'une réunion pour la forme, un théâtre d'ombres, d'une pièce mal préparée et mal mise en scène.

Il y a lieu de se demander d’ailleurs pourquoi Kaïs Saïed continue-t-il à ignorer qu’il dispose d’un outil fort précieux qu’il aurait dû actionner car il s’agit du lieu idoine pour délibérer de ces questions à savoir le conseil de sécurité nationale qui par la loi doit se réunir une fois tous les trois mois et autant de fois que nécessaire. Il est convoqué par le président de la République qui en fixe l’ordre du jour et qui peut y inviter toute personne dont la présence lui paraît utile.

Ce conseil de sécurité nationale réunit les hauts responsables du pays, à savoir le chef du Gouvernement, le président de l’ARP, les ministres régaliens (intérieur, affaires étrangères, défense et justice) ainsi que le ministre des Finances.

S’agissant de questions engageant la sécurité nationale et la crise sanitaire qui tue les Tunisiens par centaines et affecte la marche du pays en fait partie, on se demande pourquoi Kaïs Saïed s’entête à ne pas convoquer cette assemblée dont la dernière réunion remonte à la veille de la séance de vote de confiance du remaniement ministériel opéré par Hichem Mechichi lequel était resté lettre morte après le veto inconstitutionnel du chef de l’Etat.

Dans son mot diffusé en sonore par la présidence de la République, Saïed tance le gouvernement pour sa mauvaise gestion de la crise sanitaire. Il peut avoir raison mais n’assume-t-il pas lui-même une grande part de responsabilité pour l’avoir laissé faire sans aucune interférence de sa part.

S’agissant comme je l’ai soutenu plus haut que la crise sanitaire est une question de sécurité nationale, en laissant faire le gouvernement sans feuille de route ni encadrement par les structures appropriées de l’Etat, militaires ou civiles, Kaïs Saïed est autant responsable que le gouvernement sinon plus dans la situation catastrophique dans laquelle le pays entier s’est enlisé alors que lui s’était contenté du rôle de spectateur qui compte les points politiques.

S’il dit que le pays est en « guerre » contre le coronavirus, il dit certainement vrai, mais cette guerre dure depuis plusieurs mois sans que le président de la République ne s’en soucie et ne s'en mêle. Plus de quinze mille Tunisiens en sont morts soit plus que ce que la nation avait consenti comme martyrs pour recouvrer son indépendance tout au long de la nuit coloniale qui a duré trois quarts de siècle et cela il ne pouvait l’ignorer.

Ce qui attriste encore davantage c’est que le président Saïed pointe du doigt des raisons politiques pour justifier l’inaction du gouvernement et des autres instances officielles, alors qu’à l’évidence c’est lui et lui seul qui est en train d’utiliser cette catastrophe nationale pour marquer des points politiques. Cherche-t-il à parvenir au pourrissement de la situation, qu’il ne s’en serait pris autrement. A l'évicene Kaïs Saïed n'st point le chef de guerre qu'on espérait.

La crise sanitaire ne date pas d’hier cela fait plusieurs mois qu’elle perdure et en est à sa 4ème vague avec son cortège de morts et de personnes atteintes. Cela n’a pas donné lieu à une réunion du conseil de sécurité nationale ni à une réunion exceptionnelle du Conseil des ministres que le président de la République peut convoquer et qu’il préside de droit comme le stipule la Constitution.

Mais ce qui est encore plus affligeant c’est lorsque Kaïs Saïd appelle à des solutions nouvelles ou innovantes pour faire face à cette hécatombe. Suggère-t-il qu’il va inventer la roue de nouveau qu’on ne le croirait guère. Il suggère de partager le pays en zones et de les classer selon le degré de contamination. Le problème n’est pas là, il peut proposer ce qu’il veut, l’essentiel en politique c’est le résultat.

De plus la Constitution prévoit des conseils régionaux et des conseils de districts (akalim) mais le chef de l’Etat qui aime la structuration de bas en haut n’a rien proposé pour la mise en place de ces structures alors que c’est son rôle du fait du magistère qu’il exerce sur les autres autorités. Dans deux ans, il y aura les élections municipales mais rien n'a été prévu pour les élections des conseils régionaux ni pour celles des conseils de district. Du reste pour  l'ISIE on n'a pas procédé au renouvellement du tiers des membres de l'instance parmi lesquels le président dont le mandat a expiré depuis la fin de l'année sans que perosnne ne s'en préoccupe. Encore une défaillance des institutions de l'Etat dont le président de la République est aussi comptable.

Il ne suffit pas de proclamer qu’il n’y a qu’un seul chef de l’Etat , ce que personne ne conteste ni de chercher à rassembler le plus grand nombre d’attributions civiles ou militaires, l’important c’est d’assumer ses fonctions pour le bien de la communauté nationale et là Kaïs Saïed il faut bien le dire a failli à ses missions.

Il n’est d’ailleurs pas surprenant dès lors qu’il chute dans le baromètre des personnalités en qui les Tunisiens ont confiance puisque selon le sondage Sigma-Le Maghreb, il est classé second derrière Abdellatif Mekki, l’ancien ministre de la Santé et dirigeant d’Ennahdha.

C’est une petite révolution qui est en train de s’opérer sous nos yeux à moins de deux ans de l’investiture de Kaïs Saïed à la magistrature suprême. La chute risque d’être plus rapide qu’on ne le croit ou qu’on le redoute. Car les Tunisiens ne sont pas dupes.

RBR

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