« La diplomatie de la mendicité », et la dignité des Tunisiens, pardi !

« La diplomatie de la mendicité », et la dignité des Tunisiens, pardi !

 

Depuis quelques jours une pluie d’aides et de dons de vaccins, d’équipements médicaux, de lits de réanimation et d’hôpitaux de campagne nous a inondée tant et si bien qu’on ne parle que de ça dans les chaumières. Bien sûr en ces temps de disette avec des caisses vides et des têtes de responsable qui le sont autant, il s’agit d’une pluie bienfaisante. Car au moins elle va nous permettre de réduire les effets dévastateurs de la propagation exponentielle du coronavirus avec son lot de morts toujours plus nombreux et de patients dont l’angoisse n’a d’égale que la peur de lendemains difficiles.

L’imprévoyance, mère de tous les vices

Nos autorités, par leur imprévoyance nous ont réduits à la mendicité, car c’est bien de cela qu’il faut parler. Les pays frères et amis qui sont venues à notre secours, et on ne les remerciera jamais assez pour leurs gestes si nobles n’ont pas répondu à des demandes ou à des requêtes, elles ont réagi à des informations de presse parlant de l’effondrement du système sanitaire tunisien submergé par les effets de la pandémie.

La « diplomatie de la mendicité » ainsi mise en œuvre à notre corps défendant, est évidemment la bienvenue dans les circonstances difficiles que traverse notre pays. Mais viendra le jour où nous devons demander des comptes à nos autorités responsables à n’en point douter de non-assistance à un peuple en danger de mort.

Certes la Tunisie compte toujours, Dieu merci, des pays frères et amis qui accourent à son secours, mais cela nous ne le devons guère aux autorités qui nous gouvernent mais bien évidemment aux Pères fondateurs de notre indépendance et de notre Etat national.

On ne peut qu’en être fiers, car cela veut dire que les tentatives de placer notre pays dans un axe contre un autre se sont révélées vaines et que l’amitié que nous vouent les différents pays n’a pas varié et est demeurée toujours vivace. Que des aides nous viennent d’Arabie Saoudite, du Qatar et des Emirats d’un côté et de l’Algérie et du Maroc de l’autre est significatif de la place privilégiée que la Tunisie continue d’avoir dans les cœurs des uns et des autres et de la conscience de ces derniers que notre pays tient son rang dans le concert des nations.

Une gestion chaotique

Mais cela ne doit pas occulter la gestion chaotique de nos dirigeants de la crise sanitaire que le pays traverse depuis plus d’une année et qui a viré au drame national dont on ne réalisera les effets que plus tard puisque des familles entières ont été décimées des suites de ce vilain virus.

Si la première vague a été gérée de façon convenable, c’est que nous avons anticipé ses effets en mettant en œuvre un confinement général avec des mesures d’accompagnement adéquats pour les couches les plus vulnérables.

Mais au lieu de continuer sur la même lancée, le premier parti du Parlement, à savoir Ennahdha décida pour des raisons purement politiciennes de faire chuter le gouvernement Fakhfakh et engager le pays dans des méandres sans fin dont on continue à en payer le prix fort.

Non content de se mettre à dos une bonne partie de la classe politique, le parti islamiste s’est attaqué au président de la République Kaïs Saïed. Pour lui disputer ses attributions et chasser les quelques ministres qu’il a placés au gouvernement lorsque la main lui est revenue de nommer « la personnalité la plus à même de former un gouvernement », pour laquelle il a choisi Hichem Mechichi un commis de l’Etat sans appartenance partisane mais qui a fini dans l’escarcelle de la ceinture politique qu’on lui a concoctée et pour laquelle il a eu les yeux de Chimène.

La réaction du locataire de Carthage n’a pas tardé, ce dernier n’a pas trouvé mieux que de mettre son véto à un remaniement ministériel qui a pourtant reçu l’aval du Parlement. Cela fait plus de six mois que la crise ministérielle perdure et que le gouvernement compte onze ministres en moins avec des postes gérés par des intérimaires qui parfois ne pigent rien des départements qu’ils dirigent pourtant.

Guerre sans général-en-chef ?

Ce qui est affligeant, c’est que le ministre de la Santé qui est le général-en-chef des blouses blanches qui sont en première ligne de la guerre contre le virus, fait partie des ministres ayant été limogés en vertu du remaniement resté lettre morte.

Pourtant l’homme Faouzi Mehdi, venu des rangs de l’armée nationale n’a pas démérité. Même confirmé, du bout des lèvres, dans ses fonctions faute de mieux ( ?), il n’est pas humainement possible pour lui de s’investir complètement quand il sait que quels que soient les efforts qu’il déploiera il est appelé à laisser ses fonctions et cela ne saurait tarder.

Dans ces conditions peut-on espérer du gouvernement, qui tout au plus expédie les affaires courantes, avec un effectif réduit à sa plus simple expression, qu’il fasse des miracles et qu’il soit dans l’anticipation et prépare le pays dans de bonnes conditions à la guerre contre le coronavirus, ainsi qu’ à l’après-coronavirus.

Il aurait été miraculeux qu’il le fasse mais les miracles ne sont point de ce monde. Dès l’apparition du virus, il était évident que le vaccin était le seul moyen pour un retour à la vie normale. Les pays développés se sont lancés dans les recherches et les résultats n’ont pas tardé, ce qui ne peut être que salué.

Les pays qui ont été dans l’anticipation se sont associés aux tests cliniques lancés de par le monde, ce qui leur a permis d’être aux premières loges. C’est le cas de l’Egypte et du Maroc et c’est ce qui explique que ces deux pays ont eu des longueurs d’avance et se sont lancés même dans la fabrication du vaccin pour leurs propres besoins et pour l’exportation à destination de l’étranger.

Approché, parait-il, notre pays n’a pas répondu à la requête et a perdu une chance en or d’être aux starting-blocks lorsque le vaccin a été mis sur le marché.

Vaccin- notre pays a eu tout faux!

Qu’auraient dû faire nos responsables après avoir raté le train des tests cliniques. Mais acheter le vaccin au travers des acquisitions directes comme l’ont fait tous les pays organisés. Sur ce plan notre pays a encore une fois raté le coche, puisqu’il a compté sur les organisations internationales et régionales qui lui ont promis monts et merveilles sans pouvoir tenir leurs promesses.

Ce qui était attendu car la bureaucratie internationale a toujours eu des couacs car comme les plus belles femmes du monde elles ne peuvent donner que ce qu’elles ont.

Tributaires des pays donateurs et des grands groupes pharmaceutiques, ces organisations l’OMS en tête partagent en fait la pénurie. Et on ne peut pas leur en vouloir.

Le système COVAX comme du reste l’initiative de l’Union Africaine dite AVATT se sont contentés d’effets d’annonce restés sans réelle incidence sur le terrain.

Ainsi notre pays a eu tout faux et s’est retrouvé démuni ne disposant que des miettes pour vacciner douze millions de personnes.

Certes on a mis en place une stratégie, arrêté une plateforme électronique, mais sans doses de vaccins pour satisfaire la demande, tout cela n’avait pas grand-sens. Gérant la pénurie, le ministère de la Santé a dû tourner presqu’à vide pour montrer qu’il agit, alors qu’il n’en est rien.

Si, on compte des centaines de morts par jour et des dizaines de milliers de personnes atteintes par le mal, c’est qu’il n’y a pas eu assez de vaccin pour les prémunir.

Encore que les chiffres officiels sont minorés, comme le suggère d’ailleurs le taux élevé de positivité des tests de dépistage réalisés. Mais si la diplomatie de la mendicité s’est imposée la question qui se pose est pourquoi on ne l’a pas mise en œuvre plus tôt, ça aurait pu sauver des vies humaines.

Diplomatie défaillante?

Sur ce plan aussi il faut bien admettre que la diplomatie officielle arrêtée par le président de la République et mise en œuvre par le ministère des Affaires étrangères a été aussi défaillante que le gouvernement. Pourtant la Tunisie est membre non permanent du conseil de sécurité où elle n’a rien entrepris pour assurer l’égalité des ressortissants de tous les pays du monde devant la vaccination.

Sur le plan autant multilatéral que bilatéral, les efforts ont été plutôt timides sans commune mesure avec le potentiel des amitiés que compte notre pays partout dans le monde. Des pays se sont même engagés à nous fournir des lots de vaccins parfois par centaines de milliers de doses sans que l’on assiste à des démarches pour en prendre possession.

Le président de la République Kaïs Saïed veut capter à son avantage les dons que la Tunisie a obtenus sans qu’il ne fasse un grand effort pour ce faire, mais cette instrumentalisation, loin de le servir se retournera contre lui.

Car les Tunisiens sentent que leur dignité a pris un vilain coup en raison de l’impéritie de leurs dirigeants. Cela ils ne pourront jamais le leur pardonner.

RBR

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