L’adhan, le bruit et le son

L’adhan, le bruit et le son

Les préjugés ont la peau dure, on le sait.  Les préjugés qui n’en ont pas l’air, surtout. Ceux enrobés de prévenance. L’un d’eux revient à chaque rendez-vous religieux. Celui de la « gêne sonore » provoquée par la voix du Muezzen !

 Des haut-parleurs pour être précis. Le souvenir de la députée progressiste Riadh Zghal, appelant  déjà sous Ben Ali, à limiter l’usage des haut-parleurs et à réduire l’adhan à sa simple fonction indicielle, est encore frais. L’anthropologue Youssef Seddik en a remis une couche y quatre ans à la télé. La chroniqueuse Beya Zardi, elle aussi, y alla de son couplet…..

Breuvage de démagos. Non, mais non,  mais attendez ! Pas trop vite en besogne. Pas encore les grands chevaux. Vous gagnerez à mettre de l’eau dans votre vin. Vos ardeurs esseulées seraient bien tempérées par la science. Les pétitions de principe ne sont pas des lois physiques et la « psycho-physique » a ses raisons que votre « cœur » ignore.

Pour que l’adhan soit considéré comme une « gêne sonore », il doitparvenir aux récepteurs auditifs  comme du « bruit », plutôt que comme du « son ». Or, un phénomène sonore n’est en soi strictement Son ou Bruit. Ces qualificatifs tiendraient compte de paramètres complexes et la distinction « peut venir du fait que beaucoup de sons perçus comme des bruits varient dans le temps de manière imprévisible » selon les chercheurs Berglund et Lindvall.

Le son, le sens  et le bruit

Dans son excellente revue de littérature, le chercheur Julien Morel  indique qu’ « Un bruit se distingue () d’un son également par les représentations qu’un auditeur peut en faire, en fonction du sens que celui-ci donne à la source émettrice. Pour Léobon, le bruit est une notion culpabilisante, négative, alors qu’il n’est pas nécessairement nuisible. En effet d’après Delage, un son est le témoin d’une activité qui peut être étrangère à l’homme, ou lui être liée. Si nous acceptons la manifestation d’éléments naturels (le bruit des vagues, le bruit des oiseaux), nous acceptons moins le témoignage de l’existence d’autrui (par exemple les bruits de voisinage).  Nous comprendrons donc () le bruit comme tout phénomène sonore complexe, tant du point de vue spectral que temporel, désiré ou non, pouvant affecter l’auditeur, et porteur de sens. »

Telle est donc la définition psycho acoustique et cognitive du Bruit : «  un phénomène sonore complexe, tant du point de vue spectral que temporel, désiré ou non, pouvant affecter l’auditeur, et porteur de sens ». Comment alors prendre l’adhan pour du bruit ?  

Le bel Adhan de Ali Barrak, qui ne varie pas de manière imprévisible dans le temps, se ballade mélodieusement sur deux octaves et fait sens et essence à tout un peuple, serait-il du bruit ! Allons, allons si Youssef. Les Médinass’étaient  toujours construites autour demosquées, bien avant Al-Mohadeet les Hafsides, bruissaient-elles des voix des chalands et autres Muezzins ! Plus tard,  des bottes du colon.

Les villes ne sont jamais neutres. Les villes silencieuses, sont des cimetières. Les villes muettes, sont séquestrées. Ce qui vous paraît  bruit,  est la « parole » des villes. Ce qui vous semble  bruit, est le « souffle » des villes. Ce qui vous est bruit, est le « chant » des villes ! Les touristes en pleurs entre la mosquée Sultan Ahmad et Anna Sofia, vous le diraient : « l’adhan est la mélodie de Dieu »…….

L’enfance « effrayée »

Sans nous attarder sur les différents critères psycho-acoustiques du bruit, abordons la Sonie, c’est de cela qu’il retourne, selon toute vraisemblance. « La sonie mesure l’intensité d’un bruit telle qu’elle est perçue par l’auditeur. On l’exprime en sone ( sone correspond à l’intensité perçue d’une tonalité pure à 1000Hz et 40 dB). La sonie dépend évidemment du niveau de pression sonore, mais également d’autres facteurs, comme le contenu fréquentiel ou la durée » !

Pour que bruit se fasse, faudrait donc établir « l’isosonie » calculée à partir de la sonie : LN = 10In ( N) + 40 phones !!!!!

Evidemment ce calcul savant n’a jamais été effectué par Baya Zardi. Il n’a été fait par personne, pour ramener le bel Adhan de Barrak à du simple « bruit routier ».

Quant à  l’enfance« effrayée», il convient de définir son propre « bruit » plutôt que le nôtre, la Sonie, l’acuité, la rugosité et la force de fluctuation du « bruit » infligé aux pauvres mômes, plutôt qu’aux oreilles « sélectives » de leurs aînés! Mais à cet âge-là, on dort déjà au manège, les stridulations assourdissantes de roues déglinguées n’ont probablement pas le même sens que le «vilain petit adhan » !!!Descendez du carrousel, votre tour est fini……

 

Votre commentaire