Moez Labidi: "Le problème de la Tunisie est économique, mais la solution est plutôt politique"

Moez Labidi: "Le problème de la Tunisie est économique, mais la solution est plutôt politique"

Moez Labidi, Economiste, professeur en sciences économiques,  membre du conseil des analyses économiques, et ancien membre du conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie (BCT) a accordé à Espacemanager, une interview exclusive où il a évoqué plusieurs points dont les réformes, le PLF 2020, le dinar tunisien et la crise du phosphate à Gafsa.  

Dans cette interview, Labidi a proposé de préparer une loi de finances complémentaire et en discuter au cours du premier semestre 2019. Au sujet de la crise du phosphate de Gafsa qui sévit dans le pays depuis un bon nombre d’années, il a pointé de doigt tous les partis politiques et les gouvernements qui se sont succédé après la Révolution. Sur la hausse de la valeur du dinar, il a expliqué que cette amélioration est technique.

Les élections présidentielles et législatives ont –elles vraiment un impact sur l’économie ? 

Les élections présidentielles et législatives ont donné une panoplie de partis politiques et de listes indépendantes mettant en difficulté la formation d’un gouvernement. Du coup, l'attentisme domine davantage le monde des affaires. Un gouvernement issu d'une mosaïque de formations politiques ne sera pas à la hauteur ni pour engager une dynamique de réforme, ni pour bien négocier avec les partenaires sociaux les bailleurs de fonds.

Le prochain gouvernement pourrait être amené à exiger de revoir ou apporter des modifications à certains articles de la loi de finances 2020. Ainsi, une LF 2020 complémentaire, discutée au premier semestre de l'année 2020 ne pourrait que renforcer l'attentisme chez les bailleurs de fonds et les investisseurs. Cela pourrait générer un stress de liquidité, surtout en devises, durant les mois d’avril et de mai, pénalisant ainsi le dinar. Espérons que la nouvelle majorité déserte le terrain du populisme pour réussir le déclenchement d’une vraie dynamique de réforme.  Car le populisme est l'ennemi des réformes sérieuses.

La valeur du dinar a récemment connu une amélioration par rapport à la monnaie internationale, dans quelles mesures cette hausse pourra être bénéfique pour l’économie ?   

L’amélioration du Dinar a été technique et non plus la résultante de manipulations, à caractère politique. Plusieurs facteurs ont joué en faveur du Dinar durant cette période bien précise (recettes du tourisme, essoufflement des opérations spéculatives sur le dinar, vente de Zitouna Bank et Zitouna Takafel, décaissement de ligne de financements extérieurs par certaines banques de la place, circulaire de la BCT portant sur le ratio LTD (Loans to Deposits ou crédits sur dépôts) ne devrait pas dépasser les 120%). Les marges de manœuvres de la BCT demeurent limitées pour maintenir ce cycle d'appréciation pour une longue durée du moment que les fondamentaux macro-économiques restent en berne (croissance faible, déficit courant près de 11% du PIB). 

La crise du phosphate persiste jusqu’à ce jour à Gafsa sans qu’une solution soit prise, qu’est-ce que vous en pensez ? 

Tous les partis politiques (du gouvernement et de l'opposition) assument la responsabilité. Les gouvernements, non seulement ont mal géré le dossier, mais en plus ils ont brillé par leur manque de courage pour imposer l'ordre sur les sites de productions. 

Mais aussi les partis de l'opposition qui ont perdu leur langue pour dénoncer ce mouvement de contestation, déstructure pour l'économie nationale. La solution est purement politique mettant l’accent d'une part, sur la nécessité de protéger les sites de production en faisant appel à l'armée. Et d'autre part, l'équipe gouvernementale devrait impérativement présenter un plan crédible de développement pour la région de Gafsa.

Selon vous, quelles sont les priorités du prochain gouvernement ?     

Les priorités du prochain gouvernement sont principalement regagner la confiance des Tunisiens, estimant que le prochain gouvernement doit présenter des indices rassurants afin de les impliquer dans les réformes. Le problème est économique mais la solution est plutôt politique. 

Propos recueillis par E.M.

 

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