Nebiha Karabibane Gharsa, émancipation d'une femme affranchie 

Nebiha Karabibane Gharsa, émancipation d'une femme affranchie 

Par Naoufel Ben Aissa

Enterrée dimanche 16 Mai 2021, Nebiha Karabibane est l'épouse de Cheikh al Malouf l'éminent feu Mohamed Tahar Gharsa, virtuose, enseignant, compositeur et personnalité référentielle en matière de musique tunisienne authentique et de sa grammaire et mère de la star de la chanson tunisienne Zied Gharsa, qu'on ne présente plus.

Par ailleurs, elle est aussi la cousine de l'illustre critique Khaled Tebourbi et de Raouf Ben Amor, l'un des ténors du théâtre et de l'art dramatique. Enfin, elle est la nièce de feu "Mme Kmiha", pionnière de l'enseignement musical en Tunisie.

Nebiha Karabibane Gharsa, enseignante de la langue française, originaire de Bizerte, a vécu pour de longues années à Hammam lif où son père instituteur était affecté. 

A l'époque, Hammamlif était un "bouillon de culture". On y croisait entre autres Ali Ben Ayed, Noureddine Kasbaoui, Mouna Noureddine, Oulaya, Abdelmajid Lakhal, Hedi Mokrani, Sadok Thraya, Abdessatar Ben Aissa, mon père, mais aussi Bchira Ben Mrad ou Tawhida Bechcheikh. 

Mon père était alors ami avec les frères de la défunte mais aussi de futur mari, "Am Tahar".
Depuis, leur enfance, les chemins de "am Tahar" et de mon père, se croisaient à la rue Tourbet el Bey où habitaient les Gharsa - voisins de Cheikh Khemaies Tarnane - et se trouvait la demeure de la famille de la grand-mère paternelle de mon géniteur. 

Ensuite, la Rachidia, la profession et l'établissement de Radio Tunisienne les ont réunis. Plus tard, ils ont pris des chemins différents sans pour autant se perdre de vue d'autant plus qu'ils s'appréciaient et se respectaient mutuellement.

Ainsi, je suis bien placé pour parler de la défunte, puisque, comme si j'étais son fils, je l'ai connu de très près et peux témoigner qu'elle fût témoin de l'époque où il était bon de vivre en Tunisie et de l'effervescence artistique qui s'y trouvait.

Sans pour autant être révolutionnaires, ces femmes militantes, car c'était le cas, avaient le courage de leurs opinions.
Elles ont bravé les tabous, elles ont fait actes de non-conformité aux dogmes imposées par la société de l'époque, sclérosée et stéréotypée, et refusé, comme en témoigne leurs vécus, d'être des femmes objets. 

Aujourd'hui qu'elles nous ont quittés, fières et dignes, ces femmes à qui le pays devrait être reconnaissant, ont marqué leur époque. Dans la discrétion, elles ont joué un rôle de transition de la société de son hybernation à son éclosion pour intégrer la modernité. Nebiha Karabibane Gharsa, qui vient de nous quitter sur la pointe des pieds, avec classe et grâce, en est une.

Ce n'est pas qu'un hommage, c'est une reconnaissance à toute sa génération de femmes qui ont semé sans attendre rien en retour, sauf le bonheur et l'épanouissement de leur progéniture et de leur pays.

Allah yarhamha. Qu'elle repose en paix !
 

 

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