Rached Ghannouchi veut réformer le système électoral

Rached Ghannouchi veut réformer le système électoral

Dans une interview accordée à Middle East Eye, le président du parlement et du mouvement Ennahdha Rached Ghannouchi, qualifié de « l’une des plus influentes personnalités politiques tunisiennes » évoque « la démocratie, le rôle de son mouvement Ennahdha et le chemin à suivre. »

Il appelle à réformer « le système électoral en place depuis les premières élections post-révolution a abouti à la fragmentation du système politique et a empêché l’émergence de majorités fortes qui peuvent assumer leurs responsabilités en matière de gouvernance et, à leur tour, être tenues responsables par le peuple », indique le président du Parlement.

« Par conséquent, nous devons réformer le système électoral si nous ne voulons pas que notre démocratie s’effondre. »

Pour lui, « le changement apporté par la révolution ne doit pas être nié. Il faut néanmoins selon lui plus d’une décennie pour démanteler les dommages causés par des années de dictature. Pour Rached Ghannouchi, la confiance et le compromis doivent être le principe directeur pour l’avenir ».

 « Nul ne peut dire que la démocratie n’a pas apporté de véritable changement à notre peuple. Notre Parlement est composé à 29 % de femmes, nous avons adopté une Constitution, nous avons donné plus de pouvoir aux autorités locales dans notre quête de décentralisation », indique Rached Ghannouchi.

« Dans le dernier budget de l’ère Ben Ali, avant le Printemps arabe, 82 % des fonds allaient aux villes côtières. Reconcentrer les investissements de façon à générer des opportunités partout en Tunisie est l’une des principales priorités de l’ère démocratique. »

La semaine dernière, les forces de sécurité ont procédé à des arrestations de masse, y compris de mineurs, et ont violemment réprimé les manifestations diurnes contre la pauvreté, la corruption, la répression policière et le chômage, ainsi que les émeutes en soirée.

La frustration vis-à-vis du chaos créé par les dirigeants politiques depuis 2011 va croissante, les sociétés publiques sont pratiquement en faillite, le chômage des jeunes dépassent les 35 % et l’inflation est endémique.

« Les gens ont raison de manifester car leurs attentes étaient élevées et les progrès économiques sont plus lents qu’ils ne l’avaient imaginé, et puis cela a été exacerbé par la pandémie de COVID-19 », assure Ghannouchi à MEE.

Cependant, il ajoute que les citoyens qui manifestent pacifiquement pour leurs droits ne doivent pas être confondus avec « ceux qui sont là principalement pour casser ».

Le politicien, dont le parti est partiellement responsable de cette crise, estime que la démocratie ne peut être réduite au fait de glisser un bulletin dans une urne.

« La révolution avait deux slogans : la liberté et la dignité. Nous avons œuvré, les premières années, à inscrire ces libertés pour lesquelles le peuple s’était battu dans la Constitution la plus progressiste du monde arabe », indique-t-il.

« La dignité est bien plus difficile à atteindre car elle vise à corriger les méfaits de 60 ans de dictature. Nous avons pris nos premières mesures. Je suis persuadé qu’elles ne suffisent pas et je suis persuadé que nos jeunes sont mécontents – et nous comprenons leur frustration. » 

L’exemple peut-être le plus parlant de cette approche basée sur le consensus est la loi controversée sur la réconciliation administrative, adoptée en 2017.

Cette initiative a accordé une immunité totale aux fonctionnaires impliqués dans la corruption sous l’ancien régime et leur a permis de retrouver des postes de pouvoir.

De nombreux Tunisiens, y compris des membres d’Ennahdha, ont perçu l’approbation des démocrates musulmans, alors second parti au gouvernement et lui-même victime de la dictature, comme une haute trahison. 

Pour autant, Rached Ghannouchi fait désormais de la réconciliation totale avec les dirigeants de l’ancien régime une priorité majeure. Il a récemment chargé l’une de ces personnalités, Mohammed Ghariani, de la réconciliation nationale et de la finalisation du dossier de la justice transitionnelle.

Ghariani était le secrétaire général du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali aujourd’hui dissolu.

« Nous avons connu l’exclusion et nous ne voulons pas que cette expérience se répète avec toute autre force dans le pays, quel que soit le sujet de discussion », se justifie le leader d’Ennahdha.

« L’objectif ultime de la justice transitionnelle doit être de parvenir à la réconciliation nationale afin d’avancer vers l’avenir, sans le fardeau des problèmes du passé. »

Cependant, les problèmes de réconciliation et de justice transitionnelle démontrent que la politique de consensus ne constitue pas seulement la plus grande force de la démocratie tunisienne : c’est également sa principale faiblesse.

Les négociations sans fin ont laissé les gouvernements successifs dans une impasse quasi-perpétuelle, amenant en fin de compte à des compromis que personne ne comprend. En conséquence, les partis politiques se désagrègent et les électeurs se tournent vers des forces antisystèmes plus véhémentes.

Les Tunisiens ne peuvent que se demander comment sortir des crises actuelles qui grippent la démocratie dans leur pays.

À l’instar d’un nombre croissant de partis politiques, Rached Ghannouchi veut une nouvelle loi électorale.

https://www.middleeasteye.net/fr/entretiens/rached-ghannouchi-revolution...

 

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