Tunisie : BCE et Ghannouchi sur le point de se rabibocher mais à quelles conditions ?

Tunisie : BCE et Ghannouchi sur le point de se rabibocher mais à quelles conditions ?

Après près d’un an de brouille, Béji Caid Essebsi et son « ami » Rached Ghannouchi ont repris contact. Sur initiative du président d’Ennahdha, les deux hommes se sont rencontrés longuement et même si rien n’a filtré sur la teneur de leur entretien, il n’est pas exclu que les deux « amis » aient parlé de tout pour dissiper les malentendus et trouver une nouvelle plateforme d’entente pour terminer l’année 2019 sans accrocs. Une année de tous les défis.

Le président de la république qui veut la peau du chef du gouvernement Youssef Chahed, avait annoncé la fin du deal avec Ennahdha et multiplié les piques à son adresse. Dans une démarche inédite, il a reçu le collectif des avocats des deux martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi et les services de communication de la présidence leur ont donné l’occasion de s’exprimer sur le perron de Carthage. Ce qui a été interprété comme un « casus belli » par Montplaisir qui, dans un communiqué, a exprimé son étonnement quant à la publication, sur la page officielle de la présidence de la République, « d’accusations émanant de certaines parties politiques qui cherchent à nuire à une autre partie en diffusant de fausses accusations et en attaquant les dirigeants politiques nationaux au palais de Carthage ».

Bien plus, le chef de l’Etat, qui a déclaré avoir été menacé par Ennahdha, a réuni le Conseil de la sécurité nationale pour examiner l’appareil secret révélé par le collectif de défense. Il a même chargé son conseiller militaire l’Amiral Akrout d’initier une enquête sur le sujet. Mis en difficulté et en raison d’une conjoncture régionale et internationale défavorable, notamment après la victoire de Bachar Al Assad contre Daesh en Syrie, Rached Ghannouchi cherche à sortir son mouvement de cette situation compliquée et sauver ses chances pour les prochaines échéances électorales. Il a multiplié les gestes et les déclarations de bonne volonté à l’égard de son « ami » Béji Caid Essebsi.  Après avoir participé à la réunion convoquée par le président à Carthage pour examiner la situation sociale dans le pays, il a fait publier un communiqué signé par ses propres soins dans lequel il rend hommage au chef de l’Etat pour cette initiative. De même, et l’occasion du 8ème anniversaire de la révolution, le mouvement a salué le rôle du Président de la République dans l’apaisement de la situation sociale.

Lors d’une conférence organisée par le Centre des études stratégiques et diplomatiques à Tunis, sur le thème « la révolution, 8 ans après : vision et prospective », Ghannouchi a parlé de son amitié avec BCE, niant toute rupture avec lui. Il a même affirmé n’avoir aucune ambition personnelle pour l’élection présidentielle. Déclaration qui a bien résonné à Carthage. Au cours du débat qui s’en est suivi, il a appelé le chef du gouvernement à suivre l’exemple de Mehdi Jomaa et s’occuper uniquement de la gestion des affaires du pays et ce au moment où les proches de Youssef Chahed s’activent pour lancer le nouveau parti. Ce qui n’est pas sans rappeler sa condition initiale annoncée en août 2017, au cours d’une interview télévisée sur Nessma Tv, « l’engagement de ne pas penser aux élections en contre partie du soutien d’Ennahdha ».

De son côté, le président Béji Caïd Essebsi a multiplié les piques acérées contre le Chef du gouvernement Youssef Chahed sans jamais le citer. C’était au cours de l’inauguration de l’exposition « Instant tunisien » organisée au Musée du Bardo à l’occasion de la commémoration du 8ème anniversaire de la Révolution. Il a déclaré avoir entendu parler d’un parti du gouvernement en allusion au projet politique en cours de mise en œuvre et dont Youssef Chahed serait le leader, il a estimé qu’il s’agit d’un recul du processus démocratique du pays.

« Aujourd’hui, je constate que certains sont préoccupés par d’autres choses. On parle de la création d’un nouveau parti, celui du gouvernement. C’est un recul pour la démarche démocratique, qui n’est toujours pas à l’abri. Ceci dit, on ne reproche à personne de vouloir créer un nouveau et j’espère que les initiateurs de ce projet n’ont pas tort », a déclaré Caïd Essebsi. Par contre il n’a pipé aucun mot contre Ennahdha.

Les deux « amis » se sont trouvés, sur ce point précis, sur la même longueur d’ondes. De là à penser qu’ils vont se rabibocher pour se débarrasser de Youssef Chahed, il n’y a qu’un pas que plusieurs observateurs ont franchi. Les prochains jours nous en diront plus.

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