Chez Samir el-Wafi, Slim Riahi déballe tout : en arrière toute

Chez Samir el-Wafi, Slim Riahi déballe tout : en arrière toute

 

En deux heures de temps Slim Riahi, l’homme orchestre, chef de parti, président d’un grand club de football, milliardaire à ses heures a tout déballé. C’était dimanche soir sur l’émission « Limna Yajroo » de Samir el-Wafi sur el-Hiwar Attounsi, une chaîne qu’il n’aime pas particulièrement. Le choix du lieu de cette « sortie médiatique » n’est pas fortuit, puisqu’il s’agit d’une émission qui bénéficie d’une grande audience. L’homme qui dit commander des sondages qu’il paie contre monnaie sonnante et trébuchante doit le savoir fort bien.

Arborant une nouvelle coiffure qui lui donne un air de très jeune homme, les cheveux teints ou du moins d’une couleur homogène, les dents brillants qui lui donnent l’aspect carnassier qui sied aux hommes qui mordent dans la vie, Slim Riahi était tout préparé à la confrontation avec son sparring-partner qui lui a fait « cracher le morceau ».

Coaché pour l’occasion, il était d’un calme olympien, d’une sérénité à faire envier plus d’un et surtout d’une grande maitrise de soi pour donner l’image d’un responsable politique mûr dont l’argumentation se voulait limpide et surtout d’une simplicité toute naturelle.

Alors profitant de cette tribune qui « le fâcherait avec tout le monde » a-t-il prévenu, il n’y est pas par le dos de la cuillère. Oui, il a déchiré le document de Carthage au propre comme au figuré, oui il se situe désormais dans l’opposition la plus déterminée, oui il est en train de former un « front politique » avec Mohsen Marzouk et les « dissidents de Nidaa Tounés », oui ses députés ont voté contre la loi des Finances 2017.

Il a dit tous ces « retournements » comme s’il s’agissait d’un chapelet d’évidences. Sans nier pour autant qu’il a été le premier à saluer la nomination de Youssef Chahed à la tête du gouvernement et même qu’il a défendu le choix du président de la république en s’appuyant sur l’énoncé de la Constitution . Mais il ne nie pas non plus qu’il a changé d’avis pour des raisons qu’il cherche à échafauder mais il peine. On a beau lui dire que son intention était de faire partie du gouvernement et que n’obtenant pas satisfaction, il a tourné casaque, il dément. On a beau lui rappeler que c’est le chef du gouvernement qui constitue son équipe, comme la loi fondamentale le stipule, il ne s’embarrasse de mettre en cause la méthode de formation de l’équipe Chahed, car il voulait avoir son mot à dire sur tout et tout le monde.

Il enfonce le clou lorsqu’il prétend que Youssef Chahed fait office de Premier ministre car l’essentiel du pouvoir est entre les mains du président de la république et de ses conseillers au palais ajoutant que ceux-là sont incapables de gérer les difficultés du pays. « Cela exige 15 heures de travail par jour » entendez par là que le président de la république est handicapé par son âge pour assumer cette fonction.

Allant plus loin et de façon plus explicite il affirme « nous avons soutenu Caïd Essebsi selon la configuration d’un régime parlementaire, mais c’est autre chose, c’est clair il veut instaurer un régime présidentiel, d’ailleurs il l’a dit dans une récente interview alors que l’on fasse un référendum et l’on change de régime, alors les choses deviendraient claires » surenchérit-il.

Slim Riahi défend l’UPL son fond de commerce sur la scène contre les visées qu’il prête à Béji Caïd Essebsi et à ses porches de chercher à brider les partis politiques. « C’est l’esprit du parti de l’union nationale que le président cherche à constituer par-dessus la tête des partis » dit-il contre toute évidence car le chef de l’Etat a toujours nié vouloir constituer une nouvelle formation politique. Ce n’est ni son rôle ni sa fonction.

Alors pour contre ces visées, il s’est allié avec Mohsen Marzouk et ses troupes de Machrou3 Tounés ainsi qu’avec les « dissidents » de Nidaa Tounés qui ont formé « le comité du salut ». C’est pour lui la planche du salut même sil elle doit l’inciter à revoir ses ambitions à la baisse. Quand on lui dit que lui et Marzouk seront des concurrents à la prochaine élection présidentielle, il est embarrassé car le dilemme n’est pas encore réglé et chacun attend encore de l’autre qu’il s’efface le jour fatidique. Mais à l’évidence Slim Riahi n’est pas prêt à faire cette concession. Car son sourire enjolivé lorsque Mokhar Tlili, l’entraineur de football qui est venu lui prêter main forte lui dit tout de go qu’il votera pour lui en dit long sur l’ambition qui l’habite.

D’ailleurs il se voit déjà au second tour et il aimerait être confronté à Rached Ghannouchi pour que sa victoire putative soit encore plus significative.

A la fin de cette longue prestation de règlement de compte Slim Riahi a de lui-même mis les téléspectateurs au courant de deux faits qu’il a laissés pour clore l’émission, question de frapper encore les esprits.

Le premier fait c’est de proclamer qu’il fait l’objet d’une présomption de blanchiment d’argent, une accusation grave déposée contre lui par la Banque Centrale. Il en a fait état avec forces détail y compris sa déposition devant le pôle financier pour justifier le fait qu’il n’ait rien investi dans les régions marginalisées et qu’il n’ait rien fait pour l’emploi des jeunes. « Je fais venir l’argent au compte goutte »dit-il sans nier que sa fortune est colossale même s’il refuse d’en donner le chiffrage.

Le second fait c’est cette demande saugrenue qu’il présente à Béji Caïd Essebsi d’organiser des élections présidentielles et législatives dans une année « pour qu’il sorte par la grande porte » lui conseille-t-il. Il demande au Chef de l’Etat rien de moins que de se retirer donc de démissionner et de créer ainsi le vide politique. Le pays qui a besoin de stabilité pour rentrer dans la seconde phase de sa transition, la transition économique peut-il supporter une déstabilisation au sommet de l’Etat.

Puis de quelle manière le président de la république pourrait-il provoquer des élections législatives anticipées à moins qu’il ya ait une crise politique majeure.

C’est le cauchemar de la Tunisie si l’on rentre dans le processus échafaudé par Slim Riahi. Si le pays est encore incapable à mettre en marche le processus des élections locales et régionales, comment peut-il se lancer dans l’aventure que lui suggère le président de l’UPL.

Slim Riahi a préparé son coup en se faisant inviter chez Samir el-Wafi. Mais c’est peut-être pour lui le début de la fin.

Raouf Ben Rejeb

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