Disparités régionales et inégalités sociales en Tunisie

Disparités régionales et  inégalités sociales en Tunisie

 

Officiellement le taux de chômage actuel est de 15.2%. Mais c’est au niveau des régions que l’on relève beaucoup de disparités qui persistent toujours et s’aggravent d’une année à l’autre. Les régions du Sud et de l’Ouest du pays demeurent les plus touchées par le chômage avec des taux supérieurs à 20%. Avec environ 25%, le Sud Est arrive en tête  des régions les plus touchées, suivi du Sud Ouest avec 22%, du Nord Ouest avec 21% et du Centre Ouest avec 20%. Alors que les régions du Nord Est et du Centre Est enregistrent des taux beaucoup moins élevés, soit 11% seulement.

Les jeunes sont davantage touchés par le chômage et les 18-29 ans constituent plus de 70% des chômeurs  dont le nombre est estimé 612.000 dont 242.000 diplômés de l’enseignement supérieur, selon les dernières statistiques officielles. Et ce sont les maitrisards (ayant accompli avec succès quatre ans de formation universitaire) qui constituent  plus de 56% du total des diplômés chômeurs. Ce qui pose de gros problèmes quant à la nature des diplômes et la capacité de l’économie nationale à créer davantage d’emplois. D’autant plus que le marché de l’emploi a subi de fortes pressions à partir de 2011.  Les secteurs clés de  production, comme les phosphates,  ont connu plusieurs  arrêts ayant entrainé une paralysie de l’économie du pays. En plus des coups durs subis par les secteurs du tourisme qui ne s’en relèvera pas de sitôt. Avec un taux de croissance nul, on n’espère pas grande chose si l’on sait qu’un point de croissance pourrait créer entre 15.000 et 20.000 emplois. Les programmes d’emploi créés à partir des années 2000 et qui ont permis à plusieurs milliers de jeunes de s’insérer dans la vie active n’arrivent plus à satisfaire des demandes de plus en plus croissantes et à favoriser l’insertion des jeunes. La Tunisie est, depuis plusieurs années déjà, entrée dans une crise structurelle de son marché du travail.

Les soulèvements ont toujours dans les régions déshéritées

Les disparités entre les différentes régions du pays ont, depuis longtemps, constitué, un souci majeur pour tous les gouvernements, depuis les premières années de l’indépendance, sans pour autant arriver à mettre en place une véritable stratégie de développement. Au fil des années, elles se sont approfondies, au point de devenir criardes. Ce qui n’a pas été sans répercussions puisque les mouvements sociaux qui ont, souvent, dégénéré en soulèvements et émeutes ont, depuis la révolte de Ali Ben Ghedhaham, menée en 1864 contre le pouvoir beylical, éclaté dans les régions déshéritées du Sud, du Centre et du Nord-Ouest. Mais l’approche a, toujours, été basée sur l’aspect « économiste », en escamotant « les aspects politico-institutionnels ». Pourtant, c’est la politique qui a, depuis les premières années de l’indépendance, tout guidé, traçant les grandes orientations dans tous les domaines et initiant les grandes réformes.

La réussite scolaire biaisée par les disparités sociales

Dans un rapport préparé par le laboratoire d’Economie et Sociétés Rurales, Institut des Régions Arides Médenine, et publié en 2011, son auteur Ridha Béchir écrit, notamment, que « depuis des décennies, le développement du littoral en Tunisie a été préféré à celui de l'Ouest du pays. Les infrastructures routières étaient construites prioritairement pour relier la capitale avec les régions côtières de l'Est, en particulier le Centre-est et le Grand Tunis où se concentrent les industries à haute valeur ajoutée (tourisme, textile, etc.) et génératrices d'emplois ». Avec une infrastructure de base, inhibitrice et paralysante parce qu’elle ne s’est pas développée de manière soutenue, les régions de l’intérieur  n’attirent pas les gros investisseurs tunisiens ou étrangers et les efforts d’investissement sont restés modestes eu égard aux énormes difficultés de transport.

Les disparités sont, également, perceptibles au  niveau d’autres secteurs, comme celui de l’éducation et de l’enseignement supérieur où la réussite scolaire est biaisée par les inégalités sociales.    Selon un rapport de l’universitaire Hédi Zaiem sur « Les inégalités sociales et régionales dans l’enseignement supérieur », les disparités  « prennent leur source dans les cycles inférieurs, à savoir l’école de base et le secondaire, et se révèlent clairement au niveau des résultats du baccalauréat ». La scolarisation massive n’a pas suffi à réduire les inégalités avec les régions et les gouvernorats de Jendouba, Kasserine, Kairouan, Tataouine, Sid Bouzid, Kebili, Gafsa et Siliana, ont, souvent, figuré en bas du tableau de classement des résultats des examens nationaux et notamment le baccalauréat. Un bachelier de ces mêmes gouvernorats a très peu de chances d’accéder à une filière médicale ou d’ingénieurs qu’un bachelier de Tunis, de Sfax ou de Sousse. Trois indicateurs suffisent à illustrer ces inégalités. Un bachelier du Nord-Ouest, par exemple, a 0,7 % de chance d’accéder à une filière médicale contre une moyenne nationale de 1,7 %, et 6,3 % de chance d’accéder à une filière d’ingénieur contre une moyenne nationale 8 %.  « La probabilité d’être au chômage au terme de ses études supérieures, varie de 14,6% pour un bachelier de Sousse jusqu’à 25,7% pour un bachelier de Gafsa ».

«Les régions défavorisées ne connaîtront pas de réel développement sans le développement de leur capital humain, et il ne servira pas à grand-chose de «greffer» des projets à coups d’investissements si ces régions ne disposent pas d’un capital humain capable de mener le développement ».

Brahim OUESLATI

 

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