Hommage à Bahi Ladgham, cet Homme d’Etat disparu il y a 18 ans
Il y a 18 ans jour pour jour s’est éteint un grand homme d’Etat, un combattant hors pair de l’indépendance de la Tunisie, M.Bahi Ladgham. Longtemps second personnage de l’Etat tunisien, il était connu comme le leader silencieux.
Né en 1913 à Bab El-Akoués, un quartier populaire de Tunis, il a été dès 1938 l’un des leaders du Néo Destour au sein de sa direction secrète mise en place après l’incarcération de Bourguiba et ses camarades. Mais il a fini par être arrêté lui aussi et placé au bagne de Lambèse en Algérie connu pour ses conditions extrêmement dures d’emprisonnement où il passa plus de quatre années. Rentré en Tunisie en 1944, au lendemain de la Seconde guerre mondiale il reprit le combat en devenant l’un des théoriciens du mouvement national par son action et ses écrits au journal « Mission » où il signait ses articles sous le pseudonyme « le Kroumir ».
Avec Bourguiba contre Ben Youssef
Après l’échec des négociations de 1951, il est chargé d’internationaliser la cause tunisienne. Il prit son bâton de pèlerin et sillonna le monde pour faire connaître la lutte du peuple tunisien pour l’indépendance. Il ne retourne au pays qu’en octobre 1955 alors que le conflit Bourguiba-Salah Ben Youssef faisait rage. Bahi Ladgham tente en vain de réconcilier les deux hommes. Mais il finit par prendre le parti de Bourguiba. Beaucoup d’analystes estiment que sans le renfort de Bahi Ladgham le chef du Néo Destour n’aurait pas réussi à s’imposer. Il intègre alors le gouvernement Ben Ammar et prit part aux négociations pour l’indépendance de la Tunisie.
Lorsque Bourguiba forme son premier gouvernement le 15 avril 1956, Bahi Ladgham est nommé vice président du conseil et devient de fait le bras droit de Bourguiba. Fondateur de l’armée nationale dés 1956, il est nommé après la proclamation de la République secrétaire d’Etat à la présidence et à la défense nationale. Il va garder cette fonction de chef de gouvernement de facto jusqu’au 7 novembre 1969 date à laquelle il est nommé Premier ministre tout en gardant ses fonctions de Secrétaire général du Néo Destour puis du PSD après 1964. Quand Bourguiba tombe malade et se fait soigner à l’étranger Bahi Ladgham le remplace en tant que président par intérim. Après avoir mis fin à la politique de coopérativisation et écarté l’homme fort de l’époque Ahmed Ben Salah, Bourguiba cherche un bouc émissaire. Les relations se détériorent alors entre Bourguiba et son bras droit. Après une réunion houleuse avec Bourguiba, le premier ministre présente sa démission ainsi que celle de son gouvernement en juillet 1970 ce que Bourguiba refuse. Ce n’est que le 2 novembre que Hédi Nouira prend la relève.
Crise Septembre noir: Président du haut comité arabe
Durant ses fonctions de second personnage de l’Etat, Bahi Ladgham joua aussi un rôle important sur le plan des relations extérieures. Ainsi il a entretenu de bonnes relations avec les dirigeants étrangers et joua un rôle important sur le plan diplomatique. Il a rencontré plusieurs fois le président égyptien Nasser notamment au cours des Sommets arabes où il dirigeait la délégation tunisienne. La dernière en date fut quelques jours avant le décès du Raïs égyptien en septembre 1970. En effet durant la crise de Septembre noir entre la Jordanie et l’OLP il est chargé de présider le haut Comité arabe pour mettre en application l’accord du Caire. Il organise notamment la sortie du leader palestinien de son refuge à Amman. Il fut aussi un interlocuteur du Général de Gaulle qu’il a rencontré en juillet 1962 pour le dénouement de la crise de Bizerte puis en octobre 1968 après la nationalisation des terres agricoles en mai 1964.
Bahi Ladghmam renonce à toute activité politique après 1973. Il se réconcilie avec Bourguiba au début des années 1980. Après 1987, il rendit visite plusieurs fois au Zaïm à Monastir jusqu’en 1996. Il meurt à Paris le 13 avril 1998 et des funérailles nationales lui sont organisées au Cimetière du Djellaz.
Raouf Ben Rejeb
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