La question de confier les archives de l’IVD à une société étrangère fait polémique ?

La question de confier les archives de l’IVD à une société étrangère fait polémique ?

 

Des représentants des instances nationales et des composantes de la société civile se sont déclarés, mercredi, catégoriquement contre l’hébergement des archives de l’Instance « Vérité et Dignité » (IVD) sur des serveurs appartenant à des sociétés étrangères.

L’instance avait lancé, sur son site officiel, un appel d’offre (01/2018) pour l’hébergement de ses archives documentaires et audiovisuelles par des sociétés privées.

Lors d’un colloque national autour des « archives des victimes : outils de réconciliation et partie de la mémoire collective » organisé au siège des archives nationales, les participants ont dit craindre que l’appel d’offre soit remporté par une société étrangère, surtout que des informations circulaient sur l'attribution de cet appel d’offre à une société étrangère.

« Une telle mesure risque de créer une polémique. Elle est contraire aux lois tunisiennes et aux accords internationaux ratifiés par la Tunisie », ont estimé les participants. « Ces archives sont concernées par la protection des données personnelles et le droit d’accès à l’information », ont-ils affirmé. « Aucun opérateur n’a encore été retenu pour cet appel d’offre », a tenu à préciser le vice-président de la Commission de conservation de la mémoire et membre de l’Instance « Vérité et Dignité », Slaheddine Rached.

« La décision de l’attribution de l’hébergement des archives de l’IVD à une société nationale ou internationale n’a pas encore été prise », a-t-il assuré. « Ces archives et plus particulièrement les archives audiovisuelles représentent une grande partie des documents à héberger, ce qui exige la maîtrise de techniques assez développées », a-t-il expliqué.

L’hébergement de tels documents dans une société étrangère est contraire aux dispositions de l’article 24 de la Constitution, a lancé Mohamed Hedi Oueslati, membre permanent de l’Instance Nationale de la Protection des Données Personnelles.

Selon lui, une telle mesure est contraire à tous les textes de loi relatifs à la protection des données personnelles, dont notamment la loi sur la justice transitionnelle. « 90% de ces documents sont des données personnelles cruciales ». Il s’agit de données sur des crimes et sur la situation pénale du citoyen, son état de santé, sa religion, ses convictions et toute les données définies par la loi comme personnelles » a-t-il expliqué.

« Le transfert de telles données personnelles en dehors du territoire tunisien est illégal et interdit par la loi tunisienne ainsi que par les conventions internationales ratifiées », a-t-il soutenu. Selon la loi internationale, a-t-il précisé, ces données ne peuvent être transférées en dehors du territoire qu’à une seule condition : « l'anonymisation ». L'anonymisation des données consiste à supprimer les noms des personnes et à les transformer en des données purement statistiques, a-t-il expliqué.

Oueslati a tenu à souligner qu’il existe en Tunisie des établissements privés et publics, dont principalement les archives nationales qui sont capables d’archiver ces données. Le président de l’instance d’accès à l’information, Imed Hazgui, a affirmé que l’hébergement des archives de l’IVD auprès d’une société étrangère est hors de question.

Il s’agit « d’une affaire nationale », a-t-il lancé, faisant remarquer que l’Instance « Vérité et Dignité » serait en train de réétudier les offres qui lui ont été parvenues. Pour Hazgui, il est important que les archives de l’IVD soient accessibles aussi bien pour les victimes que pour les citoyens dont notamment les chercheurs sur l’histoire moderne de la Tunisie.

Quant au directeur général des archives nationales, Hedi Jallab, il s’est dit inquiet face à un éventuel hébergement des archives de l’IVD par de sociétés privées tunisiennes ou étrangères.

A ce propos, il a jugé judicieux de confier les archives de l’IVD à la fin de son mandat à une institution de l’Etat que ce soit les archives nationales ou une autre institution publique créée à l’occasion, conformément à la loi sur la justice transitionnelle.

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