Le mois du patrimoine palestinien à Tunis: Arrêter le génocide !

Le mois du patrimoine palestinien à Tunis: Arrêter le génocide !

Par Amel Fargi, Enseignante chercheure en Patrimoine

Cette année, le mois du patrimoine ne ressemble pas à ses prédécesseurs. Avec un sentiment d’amertume doublé d’une colère contre l’injustice et le génocide à Gaza qui se déroule sur fond de silence arabe, un autre mois du patrimoine se déroule en parallèle en guise de solidarité avec le peuple palestinien résistant.

En effet, l’association des sites et monuments présidée par le professeur Abdelaziz Daouletli a inauguré ce mois spécifique par une séance scientifique tuniso-palestinienne tenue à la salle Tahar Haddad à la Bibliothèque Nationale.

Tris conférenciers se sont succédés à la Tribune, les professeurs Abdelhamid Larguèche, Mme Faika Béjaoui, architecte et ancienne dirigeante de l’Association de Sauvegarde de la Médina, et le professeur Mazen Qamsia de l’université de Bethlehem.

La conférence inaugurale confiée au professeur Abdelhamid Larguèche, fut consacrée à la cartographie historique et le projet colonial.

En effet, l’historien a brossé cartes à l’appui la longue histoire de la représentation géographique de la Palestine dans l’imaginaire chrétien en Europe. Ce long cheminement à travers les ateliers de cartographie des églises et des Rois a montré à quel point nous sommes face à une topographie imaginaires nourrie par les mille et une légende de la bible hébraïque, tronc commun au christianisme et au judaïsme.

Le nom de la Palestine reconnu aux cartes fabriquées cache en fait des noms bibliques des anciens royaumes d’Israël et des douze tribus, descendants de Jacob.

Ce dogme, devenu vérité biblique fixe, révèle et dévoile une croyance chez l’Église du Moyen-âge jusqu’aux temps modernes.

Les cartes historiques françaises, mêmes celles faites après la Révolution de 1789 continuent à diffuser des messages bibliques sur des peuples imaginaires parce que disparus depuis l’époque romaine et ignorent les réalités humaines du terrain.

Carte française de la fin du XVIII siècle ; les contours du territoire palestinien sont bien

connus à cette date, mais le contenu reste le même légendaire et biblique

La cartographie et le projet colonial

Il faut attendre le XIX siècle, siècle des empires coloniaux pour voir la réconciliation de l’Église et de la science se traduire par une cartographie rigoureuse et scientifique surtout avec la montée de l’école cartographique allemande aussi systématique que rigoureuse.

Mais la rigueur scientifique basée sur les relevés du terrain et l’arpentage du territoire n’empêche pas la permanence de cet héritage biblique devenu une vérité immuable et axiomatique : La Palestine reste toujours dans ces cartes une terre des 12 tribus enfants de Jacob des anciens royaumes de Salomon et de David. Les philistins, ces peuples de la mer, restent comprimés dans cette bande autour de la légendaire ville de Gaza.

 La deuxième conférence, donnée par l’architecte Faika béjaoui a dressé le tableau noir à Gaza au présent. Nous connaissons bien le désastre humain dont le territoire de Gaza est le théâtre depuis plus de six mois et qui a fait trente-quatre milles mors et près de quatre-vingt milles blessés, mais nous connaissons moins les destructions subies par le patrimoine monumental historique d’une ville qui a une histoire plus que millénaires. Les mosquées et églises historique de la première heure sont réduites à même le sol.

C’est par centaines que les monuments historiques religieux et civils sont descendus par l’aviation et les tirs d’obus. On veut effacer l’identité et la culture d’un peuple et créer le néant. Bref une nouvelle friche de la terre pour mieux la préparer à une éventuelle colonisation comme le réclame ouvertement le pôle sioniste de l’extrême soutenu par l’Occident de l’extrême.

Le troisième conférencier, Pr.Mazen Qamsia de l’université de Bethlehem a développé dans une narration émouvante le déroulement du drame total en Palestine, en commençant par Gaza mais qui se déroule aussi dans l’ensemble des territoires occupés.

Ethnocide et extirpation culturelle   profonde et violente, bref une politique de l’effacement à grande échelle s’opère devant nos yeux à grande échelle.

Qu’est-ce qui reste aux populations écrasées, affamées, mises à nue autres choses que l’exil, la fuite impossible. Non nous assistons à un redoublement de résistance et d’attachement à la terre, plus puissant que l’acharnement génocidaire sioniste.

Un débat passionné s’en est suivi animé par l’intellectuel patriote Aissa Baccouche, qui a bien fait de rappeler la position de Bourguiba en 1965 lors de son voyage à Ariha qui a fait un plaidoyer historique en faveur du partage et de la création de deux Etats, hélas devenu maintenant chimérique et irréalisable.

Face à cette question que posent aujourd’hui des intellectuels palestiniens surtout parmi la diaspora aux USA : peut-on encore croire en une solution politique fondée sur le partage onusien du territoire ? La réponse de plusieurs acteurs est non.  Tout simplement parce que le projet colonial a fini par dévorer toute la terre palestinienne et l’on que s’achemine vers une situation comparable à la situation qui prévalait en Afrique du Sud au temps de l’Apartheid. Etat raciste fondé sur la discrimination ethno-raciale et la violence.

Seul un Etat complètement « désionisé », reconstruit sur une base citoyenne et égalitaire où le palestinien retrouve sa pleine dignité et droits nationaux, humains et politiques pourrait constituer une solution satisfaisante à la question nationale palestinienne et à la question de la coexistence avec la population juive. Telle est le point de vue d’une partie de l’intelligentsia de la diaspora palestinienne en Occident.

La première journée est ainsi clôturée par une note d’espoir illustrée par le présent d’une carte historique de la Palestine qui remonte au XVIII siècle offerte par le Professeur Abdelhamid Larguèche au Professeur Khaled Kchir, directeur de la Bibliothèque Nationale. Une carte qui vient enrichir les trésors de la Bibliothèque tunisienne.

Malgré l’absence du public, surtout la jeunesse absorbée par les réseaux sociaux, l’épopée du mois du patrimoine palestinien à Tunis continue tout au long du mois avec des séances scientifiques et culturelles à Tunis médina, à Hammam lif et au Centre des musiques méditerranéennes Ennejma Ezzahra.

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