Non M.Essid, démissionner n’est pas une désertion, mais un acte de patriotisme

Non M.Essid, démissionner n’est pas une désertion, mais un acte de patriotisme

 

Regardez bien la photo. Vous reconnaissez  le Premier Ministre britannique sortant David Cameron qui porte le carton de son propre déménagement du 10, Downing Street où sa successeuse,  Theresa May doit prendre ses quartiers aussitôt nommée par la Reine Elizabeth II. 

Aussitôt connu le résultat du référendum sur la sortie du Royaume Uni,   le fameux Brexit, de l’Union Européenne qui était contraire à son vœu, il a annoncé sa démission.  Devant prendre effet en septembre prochain, le départ a été anticipé et une nouvelle Première Ministre a été nommée après avoir été investie par son parti, les Conservateurs dont elle est devenue la Présidente sans vote puisque son adversaire a retiré sa candidature pour accélérer le reprise en main du gouvernement et éviter d’inutiles chamailleries à la tête du parti au pouvoir.

Comme on est loin de tout ça. L’image donnée hier par les deux têtes de l’Exécutif est  surréaliste. Alors que le président de la République Béji Caïd Essebsi  célèbre en son Palais de Carthage la fin du mandat de l’actuel Chef du gouvernement, ce dernier retranché à Dar El-Bey fait comme si de rien n’était. Poussant le défi jusqu’ à faire savoir que son gouvernement  détient tous les pouvoirs  que lui attribuent la Constitution. Il aurait même dit à qui voudrait l’entendre en plein conseil des ministres : moi je ne démissionne pas. Que ceux qui veulent démissionner le fassent. Allusion à peine voilée aux sept ministres de Nidaa Tounés qui  se sont rangés sans états d’âme derrière l’initiative du Président de la République et l’ont fait savoir dans une déclaration commune qui avait  tout l’air d’une pétition anti-Essid.

Au moment où tout le monde s’accorde à dire que le pays vit une grave crise sur tous les plans politique, social, économique, financier, sur le front du chômage, au niveau des régions démunies, sans parler de la soif dans des zones reculées ou du chaos et de la volonté de certains de faire fi à la loi y compris en s’appropriant avec force ce qui ne leur revient pas de droit, que fait le chef du gouvernement ?

 Il s’accroche à son fauteuil. Prétextant  au départ qu’il ne veut pas créer le vide à la tête de l’Etat, alors que cela ne risque pas de survenir car son gouvernement restera en place jusqu’à la prise de fonction de l’équipe qui lui succédera. Disant ensuite que c’est à  l’assemblée qui l’a investie de juger son action et de lui retirer sa confiance si tel est son désir. Sa dernière trouvaille, c’est celle qui vient de filtrer de son proche entourage et qui a été reprise par une agence de presse étrangère, l’AFP. « Une démission à l’heure actuelle équivaut à une désertion ». Voilà un langage militaire qui ne sied pas à une démocratie naissante.

Au tour début du lancement de l’initiative, il a dit qu’il y réagirait positivement. Recevant les représentants des partis de la coalition, ceux- là mêmes qui lui ont accordé la confiance au Parlement, il s’est dit prêt à démissionner. C’est ce que ceux-là ont cru comprendre.

Le parti Nidaa Tounés qui a présenté sa candidature à la primature a beau annoncer dès le départ qu’il lui retire son mandat, il ne veut rien entendre. L’air de dire : « J’y suis, j’y reste ».Le  mouvement Ennahdha lui a fait certes miroiter que ce sera peut être lui le chef du gouvernement d’union nationale, mais cela n’est plus d’actualité. Désormais le président de ce  parti  Rached Ghannouchi lui demande carrément de partir.

Alors pourquoi ces tergiversations de la part de Habib Essid quand il sait que son sort est scellé. Pourquoi ajouter aux difficultés du pays déjà nombreuses et variées une crise institutionnelle qui n’a pas sa raison d’être ?

Le patriotisme et la sagesse devraient lui commander de partir. Ce ne serait pas de la désertion mais un acte de courage et de don de soi. La Tunisie mérite au moins ce sacrifice.

Raouf Ben Rejeb

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