Abdelaziz Belkhodja: "Je me suis retiré pour une question de principe"
Le porte-parole de la campagne électorale de Nabil Karoui, l’écrivain Abdelaziz Belkhodja, a annoncé hier son retrait du parti après le vote des députés de 9alb Tounes au profit du chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, au poste de président de l’ARP. Pour lui, c'est une question de principe. Dans cette interview accordée à Espacemanager, Belkhodja explique pourquoi les députés de 9alb Tounes ont voté pour Ghannouchi. Il a, à cette occasion, partagée sa vision sur l’avenir politique du parti et du pays. Récit.
Pourquoi avoir quitté 9alb Tounes alors que vous aviez défendu Nabil Karoui et son parti avec force ?
Avant de répondre à cette question, je dois dire que j’ai vécu avec 9alb Tounes une grande aventure. Les cadres du parti ont mis en place un programme capable de sortir le pays de ses crises et ils ont réussi, malgré les immenses difficultés et sabotages, à passer au second tour et à devenir le deuxième parti de Tunisie, ce n’est pas peu. D’autre part vous avez bien fait d’utiliser le verbe « quitter » car je n’ai aucun poste officiel dans le parti, j’ai fait partie d’un Bureau Politique mis en place dans l’urgence le jour de l’arrestation de Nabil Karoui. Sans plus. Il ne s’agit donc pas d’une « démission » mais juste, comme je l’ai mentionné, d’un retrait à cause d’une question de principe : le vote pour Rached Ghannouchi comme président de l’Assemblée. Ghannouchi travaille pour d’autres intérêts que ceux de la Tunisie, le nommer président de l’Assemblée est pour moi quelque chose d’inacceptable.
Pourquoi les députés de 9alb Tounes ont-ils voté pour Ghannouchi?
C’est un deal politique, l’essentiel est bien sûr dans la contrepartie. 9alb Tounes pense que s’il fait partie du gouvernement d’une façon substantielle, et qu’il a la possibilité de peser sur les événements, le deal serait positif.
Si le deal s’avère positif, alors pourquoi vous vous êtes retirés ?
C’est 9alb Tounes qui le pense, personnellement, je n’y crois pas. Pour moi Tant qu’Ennahdha sera au pouvoir, même d’une façon secondaire, la Tunisie ne pourra pas résoudre ses problèmes. Ennahdha a phagocyté l’État, il y a plusieurs milliers de fonctionnaires qui travaillent pour elle et non pour la Tunisie, et la première condition qu’Ennahdha impose à tous ses partenaires politiques, c’est de ne pas toucher à son réseau. Ce qui signifie que tant qu’Ennahdha aura une part de pouvoir, il sera impossible pour la Tunisie de résoudre ses problèmes.
Donc pour vous 9alb tounes ne survivra pas à cette alliance ?
L’objectif priorotaire d’Ennahdha est de maintenir le mouvement progressiste dans un état végétatif, d’empêcher l’émergence d’un leadership progressiste apte à relever le pays. Comment voulez-vous, à partir de cette logique, qu’un parti survive à une alliance avec Ennahdha? Ennahdha a réussi à casser Nida qui était arrivé premier et avait plus du double des députés de 9alb Tounes. Ennahdha joue sur les mauvais sentiments, c’est elle qui avait excité Hafadh Caied Essebsi pour qu’il aille jusqu’à la destruction de Nidaa. Elle a plus d’un tour dans son sac et pour lui résister il faut un parti très fort idéologiquement et structurellement.
Comment voyez-vous la suite des événements ? La sortie du tunnel est-elle possible ?
Si Ennahdha, par miracle, décide tout à coup de travailler pour la Tunisie et de choisir un chef de gouvernement indépendant porteur d’une vision et d’un projet économique et si elle ne lui met pas des bâtons dans les roues, alors on pourra voir le bout du tunnel, mais le problème est qu’elle persistera dans la volonté de s’accaparer le pouvoir, et tant qu’elle le fera, la Tunisie poursuivra sa chute jusqu’à l’explosion sociale.
Des noms de chefs de gouvernement possibles ?
Oui, Fadhel Abdelkafi, Hédi El Arbi, Ghazi Jeribi, Khaled Kaddour,... il y en a d’autres bien sûr, la Tunisie regorge de capacités exceptionnelles qui réussissent partout dans le monde, mais le problème est celui de la mauvaise mentalité ambiante à la tête de l’État. On l’a vu ces 3 dernières années avec tous ces ministres limogés parce qu’ils ont fait leur travail. Ce syndrome ne touche pas que les ministres, on a vu des directeurs limogés pour les mêmes raisons, comme Imed Achour et Laajili à l’Intérieur, comme Héla Ouardi qui est arrivée avec un projet exceptionnel au ministère de la Culture, comme aussi la directrice du Centre national du cinéma et de l'image, Chiraz Latiri, qui a fait un travail formidable et qui a été limogée pour des raisons innomables. Et la liste ne s’arrête pas là, c’est pratiquement généralisé. Comment voulez-vous remettre un pays debout avec cette mentalité?
Propos recueillis par Cheker Berhima
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