Abdessattar Sahbani (Expert en sociologie politique): "Une rentrée politique difficile, comme d’habitude"

Abdessattar Sahbani (Expert en sociologie politique): "Une rentrée politique difficile, comme d’habitude"

 

Sociologue, président de l’association des sociologues de langue française, universitaire, encadreur de thésards, Abdessattar Sahbani, notre invité, répond sans détour aux questions avec une approche originale mêlant la sociologie à la politique. Détails.

Espace Manager : Comment se présente la rentrée politique ?

Abdessattar Sahbani : C’est une rentrée difficile, comme ce fut le cas durant les 3 et 4 dernières années. Ce n’est un secret pour personne, parce que théoriquement et pratiquement, les dossiers n‘ont pas été convenablement traités. Depuis mai, on vit dans un état de gestation pour le gouvernement et son avenir. Comme pour l’année dernière au ministère de l’Education. On a bavé durant des mois pour trouver de bons candidats. La même chose pour le gouvernement Essid. Comme si s’était une destinée, tous les mois de mai, l’année s’achève par une crise et on est dans le brouillard.

Pourquoi choisir la même période ?

C’est la question. Pourquoi choisir la même période pour développer une crise et se scléroser pour des problèmes sans intérêt pour les Tunisiens. En plus de Ramadan, l’Aid, l’Aïd el Kébir , la rentrée , les Tunisiens sont épuisés. Et le mois de septembre on avance des décisions draconiennes pour maîtriser le déficit budgétaire et l’augmentation des prix. Pour la 1ère fois depuis l’indépendance on augmente les prix du carburant 4éme fois en une année. C’est une décision anti développement.

On a bien déclaré la guerre à la corruption ?

Oui, depuis un an et demi on a annoncé la guerre contre la corruption. Elle s’est avérée de l’intox. Aucune mesure réelle et conséquente n’a été prise. Je pense que le problème épineux réside dans la lutte contre le gaspillage. Malgré  la crise, on gaspille des milliers de tonnes de pain par jour. A-t-on idée du carburant consommé par l’administration ? et les autres formes de gaspillage ? Elles découlent d’un manque de savoir faire et de gouvernance.

Rien qu’à entendre le Président, lors de sa dernière intervention télé, l’année est difficile. « Les choses vont très mal et l’alliance avec Ennahdha est finie », dit-il en substance. On se prépare aux échéances électorales de 2019.

Comment peut-on voir un avenir clair ? C’est un problème pour le processus démocratique qui peut déboucher sur un renouveau. La crise est provoquée pour des raisons multiples.

Qu’en est -il de Youssef Chahed ?

Il veut devenir un leader. La production de phosphate a repris. Les touristes sont là. Les bailleurs de fonds sont en train d’investir.Un secteur parallèle agit, sabote et ne veut pas  que les choses aboutissent. Le problème sécuritaire ne se pose pas. Tout plaide vers un renouveau social et politique.On est en démocratie en devenir. Depuis la Révolution aucun ministre n’a été jugé ou inquiété. L’année dernière deux ou trois semaines avant la fin de l’année la providence politique  a résolu tous les problèmes. Pourquoi pas avant ? La solution est là et personne ne veut prendre ses responsabilités.On a gaspillé des dizaines de milliers de litres de lait l’année dernière. Aujourd’hui, la classe politique est incapable de donner des solutions.

Peut-on avoir un Macron tunisien ? Ou un Berlusconi ?

Derrière ces deux personnalités il y a de grands lobbies financiers. Aujourd’hui, c’est comme si on est en train de couver une nouvelle dictature. Les Tunisiens vivent un désenchantement total. Le pouvoir d’achat baisse. Le dinar aussi. Les familles ne sont plus en mesure de faire face à la rentée scolaire avec 30 à 40%  d’augmentation des prix des fournitures scolaires.

Interview réalisée par Hasssine Bouazra

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