Accords d’Abraham: Entre ambitions de Trump, Riyad et blessures de Gaza
Par Aymen WAFI
La normalisation des relations entre les pays arabes et Israël reste un sujet brûlant, chargé de tensions historiques et émotionnelles. Les efforts récents pour renforcer ce processus, notamment à travers les Accords d'Abraham, se heurtent à une réalité complexe marquée par les souffrances du peuple palestinien et les profondes divisions au sein des populations arabes.
La guerre de Gaza : un catalyseur de résistance populaire
La résistance à la normalisation s’est intensifiée à la suite de la guerre dévastatrice menée par Israël contre Gaza. Cette guerre, qui a laissé derrière elle près de 47 000 civils tués, dont une proportion importante de femmes et d’enfants, ainsi que plus de 1,5 million de déplacés, a ravivé la solidarité arabe avec la cause palestinienne.
Netanyahou et la "refonte du Moyen-Orient"
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, présente régulièrement sa vision d'une "refonte" du Moyen-Orient. Cette vision, articulée autour des Accords d'Abraham, mêle ambitions stratégiques et économiques. Netanyahou affirme que la sécurité d’Israël est une priorité absolue et que tous les moyens, qu'ils soient militaires ou diplomatiques, doivent être envisagés.
Cependant, pour beaucoup dans le monde arabe, cette "refonte" évoque davantage une tentative de normaliser l'occupation israélienne et d'écarter la question palestinienne du discours public. Les récents appels à une "nouvelle ère" de coopération régionale résonnent comme une manœuvre pour exploiter les divisions entre les États arabes tout en évitant de répondre aux demandes fondamentales des Palestiniens, notamment la création d’un État indépendant sur les frontières de 1967.
Le rôle de Donald Trump et l’Arabie saoudite
Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis marque un nouveau chapitre pour les Accords d'Abraham. Trump a joué un rôle central dans la mise en place de ces accords, qui ont vu les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan normaliser leurs relations avec Israël. Aujourd'hui, son administration vise à inclure l'Arabie saoudite, un acteur-clé de la région.
Lors de plusieurs déclarations récentes, Trump a exprimé son optimisme quant à l’intégration de Riyad dans les Accords d’Abraham. Il a déclaré que l’Arabie saoudite "finira par faire partie" du processus, soulignant que cet objectif pourrait être réalisé sans pressions excessives. Il s’agit d’un développement stratégique majeur, car l’adhésion de l’Arabie saoudite renforcerait considérablement la portée des accords.
Cependant, ces ambitions se heurtent à des obstacles. Les Saoudiens, bien que réceptifs aux avantages économiques et stratégiques de la normalisation, insistent sur des garanties concernant la création d’un État palestinien. Ce point est crucial pour obtenir un soutien populaire et maintenir une certaine légitimité régionale.
Dans le cadre des négociations, Riyad a notamment proposé l’inclusion de conditions prévoyant le respect des frontières de 1967 et la reconnaissance d'Al Qods-Est comme capitale palestinienne. En parallèle, les ambitions économiques de l’Arabie saoudite se profilent avec force. Le royaume vise des investissements massifs pouvant atteindre 600 milliards de dollars pour financer ses projets de développement aux États-Unis, notamment dans le cadre de la Vision 2030. Une question cruciale se pose : ces investissements sont-ils largement conditionnés par la réussite des Accords d’Abraham ?
Les Accords d’Abraham à l’épreuve des réalités
Malgré leurs promesses, les Accords d'Abraham sont confrontés à des limites évidentes. La guerre de Gaza a souligné la fragilité de ces accords face à des crises humanitaires et politiques.
Le soutien populaire à la cause palestinienne demeure fort, et les scènes de souffrance à Gaza ont amplifié les critiques contre les gouvernements arabes ayant choisi de normaliser leurs relations avec Israël.
Avant les événements du 7 octobre 2023, des discussions auraient été en cours entre Israël et l’Arabie saoudite pour inclure la reconnaissance d’un État palestinien dans le cadre de leur normalisation. Cependant, ces discussions restent marquées par un manque de garanties concrètes, ce qui alimente les doutes sur la sincérité des intentions israéliennes.
Une opportunité ou une impasse ?
La normalisation peut théoriquement offrir des opportunités économiques et stratégiques significatives. Les pays arabes pourraient bénéficier d’investissements accrus, de transferts technologiques et de coopération économique. Toutefois, ces avantages potentiels doivent être équilibrés par une prise en compte sérieuse des aspirations des populations arabes et des droits des Palestiniens.
Pour de nombreux Arabes, une normalisation sans une solution juste pour les Palestiniens risque de renforcer les tensions régionales et d’approfondir le fossé entre les gouvernements et leurs citoyens. Les Accords d'Abraham, bien qu’ambitieux, ne pourront réussir que s’ils sont accompagnés d'un véritable engagement en faveur de la paix et de la justice.
Conclusion : un équilibre fragile
Le futur de la normalisation entre les pays arabes et Israël reste incertain. Les déclarations de Netanyahou sur une "refonte du Moyen-Orient" et les efforts de Donald Trump pour inclure l’Arabie Saoudite dans les Accords d’Abraham reflètent des ambitions à la fois stratégiques et économiques.
Cependant, ces efforts doivent s’accompagner d’une réponse aux aspirations des populations arabes et d’une reconnaissance des droits des Palestiniens. Sans une telle dynamique inclusive, ces initiatives risquent de perpétuer les divisions et de renforcer le sentiment d'injustice dans la région. Une solution durable au conflit palestino-israélien reste la clé pour transformer les promesses de normalisation en réalité positive pour tous les acteurs impliqués.
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