Aux origines du masochisme tunisien II
Par Jamel HENI
Notre maitre Khaled Tébourbi, critique musical et chroniqueur au journal La Presse, nous retourna aimablement le réquisitoire ! Notre génération en eut pour son grade, paya cher sa « méprise » et vous ? Êtes-vous du dernier bien avec votre ère ! Aviez-vous mieux réussi ?
Le paradigme de l’universalisme immédiat porté par la génération 56 a vécu. Rien ne vint le relever. Du fond de leur syndrome de Peter Pan, chevauchant leur balai magique « de la jeunesse éternelle », les adeptes de la « Dépression culturelle » avaient tué le père et le fils, on l’ a souvent écrit.
Rectifions. Avaient-ils tué père, fils et saint esprit. Les conditions de l’universalité totale, impliquaient une « purge » culturelle, une rupture, la solution radicale appliquée aux symboles, à l’histoire, à la langue, aux croyances, aux représentations ! La casse était totale, La ruine tragique. Jusqu’au bout. Jusqu’au bout. La honte était consubstantielle de « la langue maternelle », la honte était consubstantielle de « la religion musulmane », la honte était consubstantielle des « fêtes arabes », la honte était consubstantielle de la « majorité » La honte était notre « identité ! … La destruction épargna à peine quelques proverbes aseptisés, deux trois friandises et la danse du ventre !
Comment, sans déblatérer, répondre à la question de Khaled Tébourbi, dans ces conditions de « minorité » culturelle immanente ? Comment faire le constat de l’identité universelle?!
Double peine, double héritage
Les petits-enfants de 1956, avaient fini par oublier le sens de l’indépendance. Ils s’en rappelaient à peine, trente ans plus tard. La purge avait atteint la mémoire à long terme. Rien ou presque ne survivra à l’universalisme immédiat. Il n’était plus possible de « reprendre l’œuvre d’indépendance dans ces conditions de « dépersonnalisation ». Deux chemins s’ouvraient aux malheureux rejetons de soixante-huitards attardés : une « dépression culturelle bis » ou alors la régression vers un autisme primitif. Les deux ne menaient nulle part. Et à leur corps défendant, les soixante-huitards, avaient laissé non pas un seul, mais bien deux héritages : celui de la haine de soi et celui de la dépersonnalisation. Le premier trouve sa parfaite illustration dans l’entrée de la dépression à l’université, sous forme de « révisionnisme » tous azimuts, le second se décline comme une excommunication universitaire, de toute expression culturelle, une sorte de « retour forcé à l’élément culturel pur » !
Les moyens justifiant la fin, les élèves de Majid Charfi chassèrent ceux de Abou Yaareb Marzouki. S’établirent comme les « héritiers officiels de l’universalisme immédiat », jouèrent les prolongations de la purge culturelle : il ne suffisait plus de nier la légitimité de la culture « indigène », fallait-il encore en nier l’existence. Les savants Arabes seraient une intox, contrairement au courage carthaginois, les compagnons du prophète l’auraient assassiné de main-froide, l’islam n’aurait rien interdit…….
Service service, la preuve après
Ce révisionnisme scientifique et institutionnel était moins l’œuvre d’islamologues, d’historiens, de sociologues, que de………spécialistes de « Camus », de « Maupassant », de « Darouich » !!!!!!!! Quelles méthodes ? On n’en sait goutte.
Les Youssef, Grami, Ouardi, Hammami…..ne prennent pas la peine de tester leurs hypothèses, , si tant et si bien qu’ils en aient eu quelques-unes. Leur point de départ est lui-même, leur point d’arrivée. Ils partent tous de « pétitions de principes » qu’ils finissent selon toute vraisemblance par confirmer. Vérité, vérité de la palisse, monopole de la vérité !
En veux-tu en voilà ! Du révisionnisme sur la place ! La prophétie auto-réalisatrice remplace l’argument. L’énoncé supplante la preuve. La fête est totale.
Comment éprouver l’hypothèse de l’assassinat du prophète ? Hein !….. La preuve est purement bibliographique. Quoi ? Mais d’autres livres prouvent littéralement le contraire, comment trancher dans ces cas ? Comment justifier une bibliographie ? Silence on lutte contre l’intégrisme. Oui mais la science s’en moque. Comment diable, justifier une « source »? ? Re-silence, on lutte contre l’intégrisme. Alors ?
Le critère absolu de la variation des sources dans l’historiographie positiviste ou marxiste, est mis en rancart. A quoi bon aller plus loin, pour illustrer les rapports incestueux entre recherche et doctrine chez les « charfistes » !
Quid du retour vers l’élément culturel pur ?
L’école « puriste » d’Abou Yaareb Marzouki, est trop dénigrée pour être discutée. D’infra-sophistes lui font le même procès en sorcellerie depuis trente ans ! L’excuse n’en interdit cependant pas l’examen. Comment justifier cette remontée vers les temps immémoriaux ? Cette recherche de l’élément culturel pur ? La philosophie ne naît pas d’elle-même, et une fois née, elle répond aussi bien à des critères historiques qu’à des impératifs catégoriques.
La question n’est pas tant philosophique qu’historique ? Abou Yaarib ne nie pas sa « révulsion » à l’égard du masochisme universitaire. Dût-il y réagir « historiquement » ? Pourquoi Ibn Taymiaah et non Ibn Arabi par exemple ? Il se pose encore une fois la question des « sources », ce par quoi se justifie une bibliographie ? Il se pose aussi la question du rapport au temps ? Comment relier le présent à l’élément culturel pur ? Sa simple revisitation ne suffit pas! Comment retrouver la filiation d’avec les institutions traditionnelles, ici et maintenant ? Il se pose enfin le sens de ce « retour ». D’autres auteurs seraient parvenus au même « élément » par des chemins moins « linéaires ».
Je me rappelle encore l’intervention de Hédi Tourki à Beït Al Hikma : l’art m’a permis de retrouver Dieu, et de me retrouver avec ! C’était au milieu des années 90, la salle en fut probablement « désappointée » !! ET pour cause……Cher Si Khaled, nous n’avions pour tout viatique que la faucille, le marteau et des ruines. Nous ne pouvions plus rien détruire. Et puis vint le 14 Janvier 2011 !
J. H.
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