Bourguiba: “Le temps n'efface pas la trace des grands hommes”
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse,
Seul le silence est grand; tout le reste est faiblesse.
Deux vers du célèbre poème d’Alfred de Vigny, « la mort du loup », que le « Combattant suprême » aimait souvent réciter.
Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes !
Commentaire sur doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux !
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
« A l’aide d’un symbole constitué par « le loup », le poète nous donne une leçon philosophique car il veut nous montrer l'attitude que l'homme doit garder vis-à-vis de la souffrance à laquelle il est destiné. »
Il récitait, également, « l’Ultima Verba » d’un autre poète non moins célèbre, Victor Hugo, et notamment les deux derniers verts pour « énoncer la valeur de l’exil, répéter le pouvoir prophétique de la poésie et enfin de dresser la statue du poète proscrit ». C’est un peu Bourguiba, l’exilé de Saint Fort Nicolas, avec six de ses camardes, qui « s’appropriait » ces deux dernières strophes pleines de ressemblances :
J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !
Aujourd’hui, on commémore le 23ème anniversaire de sa mort. Il a quitté ce bas monde le 6 Avril 2000, presque dans l’indifférence totale. Toutefois, les Grands Hommes, malgré les vicissitudes de la vie et l’ingratitude des humains, ne tombent pas dans l’oubli. Leurs œuvres les ressuscitera toujours. Plus de deux décennies après sa mort, Habib Bourguiba est toujours présent dans les esprits. Ses enfants, femmes et hommes célèbrent, chaque moment de sa vie comme s’il était là, avec eux, parmi eux, qui veille sur son leg, un leg que les dures années ne sauraient effacer. Ils chantent sa gloire, se remémorent ses actions, les premiers pas d’un pays nouvellement souverain, la santé et l’éducation pour tous, la libération de la femme et ce fameux Code du statut personnel qui a résisté aux contre vents et marées, à toutes les tentatives de sa remise en cause, ses positions vis-à-vis des grands conflits et des grandes questions internationales comme le conflit palestino-israélien et son fameux discours d’Ariha en Mars 1965, la guerre froide, ses rapports avec les grandes puissances…Ou encore cette leçon administrée en direct au bouillant Moammer Kadhafi au Palmarium en 1972 et…cette ténacité à faire condamner Israël au conseil de sécurité suite à l’agression contre Hammam Chott en octobre 1985 et à « imposer » aux Etats Unis de ne pas opposer son habituel véto…Il était Jughurtha, le roi numide, qui avait réussi.
Mais Bourguiba est aussi cet homme épris de la culture arabe et de la culture française. Il récitait le Coran et apprenait par cœur les poèmes d’ Al Moutannabi, Chebbi et d’autres. Comme il récitait Victor Hugo, Lamartine et Alfred De Vigny. Avec son ami, l’ancien président sénégalais, Leopold Sedar Senghor, il se régalait en faisant chacun étalage de ses connaissances de la langue de Molière et en chantant des poèmes.
Aujourd’hui, ses enfants commémorent sa disparition et allument la toile en chantant sa gloire. Même ceux qui n’étaient pas encore nés au temps de Bourguiba, consultent dans les moteurs de recherche tout ce qui pourrait leur rendre leur fierté de Tunisiens. Tel cet accueil qu’a réservé le président américain John Kennedy à leur Président Habib Bourguiba, ou encore sa rencontre avec le général De Gaules et tous les grands du monde de son époque comme Jamel Abdennaceur, le Roi Faiçal d’Arabie, Mohmaed V, Josip Tito, Suharto, Senghor, Houphouët-Boigny, et j’en oublie…Ils semblent faire l’impasse sur ses moments de faiblesse, ses erreurs…Les militants de gauche qui ont été pourchassés et emprisonnés par lui, comme les défunts Noureddine Ben Khedher et Mohamed Charfi, déclaraient, non sans fierté, être les enfants de Bourguiba et les continuateurs de son œuvre. Voilà qui est bien dit.
Le Combattant suprême devrait se reposer en paix.
“Le temps n'efface pas la trace des grands hommes.”
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