Dr Chokri Jeribi: « CoviDar est une initiative citoyenne de prise en charge précoce des patients COVID-19 à domicile »
En Tunisie, la deuxième vague de l’épidémie COVID19, en cours actuellement, est très intense, d’ampleur exceptionnelle pour notre pays. Les structures sanitaires publiques et privées sont sous tension, en particulier les services publics d’urgence et de réanimation. Tous les experts, dans le monde et en Tunisie s’accordent à avancer que l’offre de soins doit adapter son circuit de prise en charge et de soins dans le but de minimiser les risques sanitaires majeurs liés à cette épidémie. Le rôle du personnel médical et paramédical est primordial dans cette approche.
Même si en Tunisie, des disparités sont notées au niveau incidence épidémiologique entre les différents gouvernorats du pays, la situation reste tendue dans beaucoup de régions.
Devant cette situation, une initiative citoyenne a vu le jour. Elle émane d’un collectif de la société civile, pilotée par des professionnels de la santé exerçant en Tunisie et en France. Elle a pour but de prendre en charge le plus tôt possible les patients COVID+ dans leur domicile et empêcher leur aggravation limitant ainsi le recours à l’hospitalisation.
L’initiative intitulée « CoviDar » » porte ainsi bien son nom.
Dr Chokri Jeribi, coinitiateur de CoviDar et porte-parole de l’initiative, déterminé, engagé et fier a bien voulu répondre aux questions d’Espace manager, sur cette initiative louable et citoyenne « CoviDar »
Espace Manager : CoviDar, est une initiative citoyenne contre le COVID-19, en Tunisie, c’est quoi au juste ?
En Tunisie, la première vague a eu heureusement peu de conséquences sanitaires fâcheuses. En revanche,la deuxième vague, en cours actuellement, est intense. II y a peu de familles qui ne sont pas touchées directement ou indirectement. L’épidémie risque de durer, et comportera de nouvelles vagues, ce que bien sûr,je ne l’espère pas.
Les conséquences sur la santé des citoyens tunisiens seraient dramatiques si les hôpitaux se retrouvent débordés, en particulier les services d’urgence et de réanimation et ne seront plus en mesure de répondre suffisamment aux besoins sanitaires des citoyens.
Au sein d’un collectif de professionnels de la santé,en citoyens responsables et volontaires, exerçant en Tunisie et en France nous lançons une initiative que nous avons intitulé CoviDar afin de contribuer à la mise en place d’une approche anticipative de prise en charge précoce à domicile des patients COVID-19, par les professionnels de la santé de première ligne. CoviDar n’a aucun but lucratif.
Un comité de surveillance indépendant composé de citoyens veillera à la transparence et aux respects des conditions légales, réglementaires et des règles de l’éthique, par CoviDar au cours de son fonctionnement.
L’initiative sera financée par la générosité publique de citoyens et entreprises.La prise en charge des patients sera gratuite. En effet, le système de soins public est engorgé et accaparé par les soins COVID-19 et ne pourrait pas toujours répondre aux besoins de soins pour les patients COVID.
L’accès à l’hospitalisation privée est coûteux et donc limité à une minorité de citoyens favorisés. Les citoyens moins favorisés y ayant recours, sont confrontés à des dépenses dépassant largement leurs moyens.
Les mécanismes de triage des patients, l’organisation de centres d’appel, l’accès aux médecins et infirmières de ville, aux laboratoires de biologie diagnostic et aux plateformes de radiologie, et la coordination de soins ambulatoires sont insuffisants.
L’initiative CoviDar a pour objectifs, l’organisation et la coordination d’une offre de soins complète, à domicile, afin d’anticiper l’aggravation et limitant au maximum le recours à l’hospitalisation aux cas les plus graves.
CoviDar projette aussi de prendre en charge les patients guéris afin d’aider au retour précoce et sécurisé des patients à domicile s’ils sont hospitalisés. Les actions de CoviDar seront un important levier pour désengorger les services d’urgence et de réanimations des Hôpitaux.
« Il s’agit d’une approche anticipative de prise en charge précoce à domicile des patients COVID-19 et d’un important levier pour désengorger les services d’urgence et de réanimations des Hôpitaux. »
Espace Manager : Est-ce que CoviDar est une initiative gouvernementale ?
CoviDar est une initiative citoyenne, émanant de la société civile. Elle n’est ni gouvernementale, ni politique, ni associative, ni partisane.
Nous avons fait part de cette initiative au Ministère de la santé, au ministère chargée des relations avec les instances constitutionnelles et les sociétés civiles.
L’initiative a été accueillie très favorablement au niveau de ces deux ministères. La direction générale de la santé a encouragé et soutenu CoviDar et a donné ses directives aux directions régionales de la santé concernées afin de faciliter toute la logistique requise.
Espace Manager :Comment les patients peuvent-ils prendre contact avec CoviDar ?
L’ambition de CoviDar est d’ordre national. En raison de moyens financiers limités, nous démarrons, en phase pilote, dans deux gouvernorats des plus touchés de point de vue épidémiologique, Ben Arous et Monastir.
Nous mettons à la disposition des citoyens de ces deux gouvernorats, un numéro vert, ouvert 24 sur 24 et 7 sur 7.
Un triage, par des professionnels de la santé formés, conforme aux guidelines de l’Instance Nationale d’Evaluation et d’Accréditation en Santé( INEASanté) et obéissant à un score précis et clair permettra de prendre la décision par rapport au type de prise en charge et lancer le process CoviDar, celui de la visite et la prise en charge à domicile pour les patients candidats à cette prise en charge.
Les patients classés « graves » dès le départ, à travers le score seront orientés pour un transfert à l’hôpital, immédiatement.
Les patients CoviDar seront suivis quotidiennement, à domicile, par des infirmiers et médecins, dédiés.
Toute alerte, annonçant une aggravation, conforme au score en vigueur conduira à un transfert à l’hôpital. CoviDar coordonnera ses actions également avec les hôpitaux et les cliniques privés en vue de prendre en charge les patients guéris afin d’aider au retour précoce et sécurisé des patients à domicile.
Espace Manager : L’extension pour d’autres gouvernorats est prévue dans quels délais ?
L’extension peut être, nous l’espérons,à très court terme, dès que les conditions seront réunies, en particulier financières ainsi que la disposition de ressources médicales, médecins et infirmiers consentants à adhérer à l’initiative CoviDar.
Une fois ces conditions seront réunies, l’extension sera immédiate à d’autres gouvernorats.
Dans ce cadre, nous avouons que nous rencontrons des difficultés dans la collecte de dons. Je profite pour faire un appel à la générosité des citoyens Tunisiens, résidents en Tunisie et à l’étranger ainsi qu’aux entreprises pour contribuer au financement de CoviDar. Les dépenses seront toutes transparentes et publiques, sont gérées par une structure reconnue pour son sérieux et ses multiples actions humanitaires, Le Lions Club Tunisie. Un numéro de compte dédié a été ouvert et se trouve sur le site covidar-tn.com.
Espace Manager : le mot de la fin ?
Tout d’abord, je m’adresse aux Tunisiens pour les sensibiliser à l’importance et à l’impératif de respecter les mesures barrières qui, aujourd’hui sont les seuls moyens vraiment efficaces pour lutter contre COVID-19.
D’autant plus que nous rentrons dans la saison hivernale reconnue par la croissance des infections respiratoires.
Comme il ne faut pas non plus faire des économies de bonne nouvelle, je leur dis que des signes et des chiffres permettent de dire que nous sommes sur la bonne voie dans le début de la maitrise de l’épidémie. Les vaccins anti COVID-19 constituent également un vrai espoir et sont prometteurs pour une lutte efficace universelle contre ce virus.
Enfin, même si nous sommes pas au stade de remerciements, je voudrais remercier tous ceux qui ont adhéré et encouragé l’initiative CoviDar sans oublier tous mes confrères initiateurs de CoviDar pour leur engagement et leur disponibilité, en particulier mes confrères exerçant en France ainsi que tous les membres de la société civile qui ont très vite cru en Covidar et étaient volontaires pour nous rejoindre.
B.M
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