Etude sur les femmes chefs d’entreprises tunisiennes

Devant une assistance féminine triée sur le volet, le rapport final d’une étude réalisée sur les femmes chefs d’entreprises

tunisiennes, a été présentée récemment par ses instigateurs, en l’occurrence le centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (CAWTHAR), son partenaire la société financière internationale relevant de la Banque Mondiale et ses réalisateurs sur le terrain : la chambre nationale des femmes chefs d’entreprises qui s’est associée au projet d’étude en 2006 et l’Institut Supérieur de Gestion.

Inscrite dans le cadre d’une étude régionale couvrant cinq pays arabes de la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA), dont le Bahreïn, les Emirats Arabes Unis, la Jordanie, le Liban et la Tunisie, visant une meilleure compréhension du rôle et de la situation des femmes chefs d’entreprises ainsi qu’une meilleure visibilité des perspectives d’amélioration de la participation active des femmes dans l’économie, l’étude à l’échelle de la Tunisie a touché 197 femmes membres de la CNFCE, un échantillon choisi à l’échelle du Grand Tunis.

« Le rapport fait la lumière sur des entreprises gérées par des femmes qui ont bénéficié des mécanismes et avantages mis en place pour promouvoir l’initiative privée et améliorer la compétitivité des entreprises, ce qui a contribué à leur réussite », indique Mme Sarra Kanoun Jarraya, ministre de la femme, de la famille, de l’enfance et des personnes âgées, dans son allocution d’ouverture.

L’étude met en relief des points forts et des faiblesses que la présidente de la chambre, Mme Faouzia Slama, apprécie à leur juste valeur en affirmant que cette étude a démontré la nécessité de mener d’autres études statistiques et sectorielles, commerce et industrie par exemple, afin de mieux cibler les attentes et réagir en conséquence.

Autre fait marquant souligné par Mme Slama : « la femme chef d’entreprise tunisienne place ses responsabilités familiales et l’éducation de ses enfants en priorité de ses préoccupations et occupations ».

Pour le pilote des travaux de recherches, Dr Ali Ben Yahia, directeur du département marketing et commerce international à l’ISG de Tunis, la femme chef d’entreprise tunisienne a une bonne situation par rapport à certains pays arabes, mais la concurrence est de plus en plus grande par rapport à d’autres pays arabes qui sont en train d’évoluer à plus grand rythme.

Faible utilisation des TIC

Les résultats de l’étude ont révélé que la majorité des entreprises gérées par des femmes ont moins de cinq ans et que 37% des femmes interrogées sont propriétaires de leur entreprise.

Plus de 73% des répondantes ont démarré, toutes seules, leur activité et 55% d’entre elles détiennent 100% du capital.

Près de 6% des femmes interrogées n’ont pas de partenaires participant au capital de l’entreprise.

Pour les autres, il s’agit d’une association avec leurs époux pour près de 19% d’entre elles, avec les parents pour près de 15% et avec d’autres membres de la famille pour environ 9% d’entre elles. Par ailleurs, 63% des répondantes sont âgées de moins de 44 ans.

Cette dynamique économique féminine est expliquée par le capital « acquis juridiques » dont bénéficie la femme tunisienne tel que le droit à la propriété et au contrat, ce qui lui permet de créer et de gérer sa propre entreprise sans avoir besoin du parrainage d’un homme.

Du côté des secteurs d’activité économique, les femmes opèrent dans presque tous les secteurs à l’exception de celui de la gestion des ressources naturelles, mentionne l’étude.

Elles sont toutefois plus présentes dans les services 41%, dans l’industrie (alimentaire, habillement, textile) 25%, dans le commerce de gros ou de détail 22% et dans l’artisanat 10,66%.

Parmi les faiblesses révélées par l’étude, le faible niveau d’utilisation des TIC dans le milieu professionnel est à souligner.

« Ce qui confirme un constat à l’échelle nationale », indique l’étude. La Tunisie dispose d’une industrie solide en terme de TIC mais l’acquisition, l’utilisation et l’exploitation des TIC en tant qu’outil de travail, de marketing et de commerce demeurent encore faibles.

Et pour cause : le dinar tunisien n’est pas encore convertible et l’accès au réseau Internet reste coûteux et difficile d’accès pour une majorité de Tunisiens. Résultats de l’étude : 82,7% des entreprises féminines ne sont pas dotées d’un site web et 98% ne figurent pas dans un « Business to Business Marketplace »sur Internet.

40% n’ont jamais utilisé Internet. 50,8% utilisent Internet pour la consultation du courrier électronique, 33,5% pour échanger des documents avec des clients et fournisseurs et 28% pour la recherche d’opportunités d’affaires.

Ceci explique peut-être cela du fait qu’il a été constaté également une faible contribution des entreprises féminines au commerce international : 92% des entreprises ciblées par l’étude ne participent pas au FAMEX (fonds d’accès aux marchés des exportations).

Tout en exprimant des craintes dues à l’accroissement de la concurrence nationale et internationale, les femmes chefs d’entreprise interrogées formulent des attentes en vue d’assurer la durabilité voire la croissance de leurs entreprises.

La plus fréquente concerne la formation et particulièrement en marketing (34,6%), communication (33%), relations publiques (33%), langues (29,8%) et informatique (2,8%).

Pour la plupart des femmes chefs d’entreprises interrogées, la plus grande difficulté rencontrée dans le cadre de l’exercice de leur activité est de trouver l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Sinon, pour 55,3% d’entre elles le fait d’être une femme n’a aucune incidence sur leurs fonctions et pour 35% cela peut être même un avantage. C’est un inconvénient pour seulement 7% d’entre elles.

Cette étude, qui a duré deux ans et demi, est, pour Mme Soukaïna Bouraoui, directrice générale de CAWTHAR, le résultat d’un long processus très enrichissant qui a permis de bâtir un network de femmes chefs d’entreprises, de chercheurs, d’économistes, de juristes, de sociologues, de gestionnaires de cinq pays différents.

Cette étude est surtout précise-t-elle « un moyen pour les femmes chefs d’entreprises de faire entendre leurs voix et faire ressentir le poids de leur rôle dans la société qui n’est pas seulement économique et social mais également politique ».

Un rôle d’ores et déjà soutenu par une volonté politique imperturbable quant à la préservation et au renforcement des droits de la femme tunisienne même si, comme le souligne Mme S. Bouraoui, il n’y a pas encore suffisamment de femmes aux postes de décision.

CH.KH